Washington souhaiterait que la Chine désavoue la Russie pour que celle-ci soit isolée en cas de potentielle confrontation.
Cette semaine, Antony Blinken s’est rendu en Chine pour avertir Pékin que la fourniture de technologies militaires à la Russie pourrait entraîner des sanctions, selon le Financial Times et Bloomberg dans leurs aperçus de la visite du secrétaire d’État américain.
Bien que ces deux médias n’aient pas précisé quelles sanctions pourraient s'ensuivre, le Financial Times a néanmoins supposé qu’elles pourraient viser des institutions chinoises dans plusieurs domaines, notamment financier. Parallèlement, le média russe Izvestia a révélé que certaines banques de l’Empire du Milieu, dont la Banque industrielle et commerciale de Chine, la plus grande du pays, avaient déjà refusé d’accepter des paiements en yuan en provenance de Russie, de peur d’être confrontées à des sanctions secondaires. Toujours d’après Izvestia, environ 80% des paiements destinés à la Chine ont été retournés.
Apparemment, Washington est convaincu que Pékin apporte un soutien à l’industrie militaire russe et que cet appui, même s'il est discret, affecte de manière significative le déroulement du conflit en Ukraine.
Malgré cela, il était difficile d’imaginer que Blinken emploierait avec les Chinois le langage des menaces et des ultimatums. Le premier recours à ce genre de discours dans les échanges entre l’administration de Joe Biden et Pékin a démontré que la pression forte et pressante ne fonctionnait pas avec le pouvoir actuel en Chine.
Après un premier échec, Blinken opte pour une approche plus diplomatique
En fait, l’effet a été totalement inverse. En témoigne la rencontre sino-américaine infructueuse en Alaska. En mars 2021, Antony Blinken et le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan avaient essayé d’exercer une pression sur leurs homologues chinois. Le résultat avait été une réprimande sévère, et de plus publique, loin de l’approche traditionnellement réservée de la diplomatie de Pékin.
Par conséquent, Antony Blinken a choisi une tactique beaucoup plus subtile. Vraisemblablement, il a essayé de semer la discorde entre Moscou et Pékin, en exploitant le fait que les initiatives de paix chinoises pour la résolution du conflit ukrainien ne correspondaient pas aux demandes maximalistes des responsables russes (du moins à celles qui sont faites publiquement).
Compte tenu du fait que la Chine a officiellement rendu le 26 avril l’OTAN responsable de la crise ukrainienne, cette stratégie n’a peut-être pas fonctionné.
Alors que la Chine exhorte à mettre fin aux hostilités, de fait à geler le conflit, elle n’a jamais évoqué la démilitarisation de l’Ukraine, ni sa dénazification, ni un changement de régime à Kiev.
Toutefois, certains signaux récents pourraient être interprétés comme une volonté de Pékin de se distancier de Moscou.
Notamment, un article de Feng Yujin, professeur à l’université de Pékin, publié dans le journal britannique The Economist a récemment fait du bruit. Ce spécialiste méthodique et officiel de la Russie et du conflit ukrainien s’exprime assez clairement dans l'esprit du discours politique occidental. Il critique Moscou, prévoit sa défaite, loue Kiev de sa « résistance forte et unie » et suggère même que si la Russie ne modifie pas sa structure de pouvoir, elle continuera à menacer la sécurité internationale en provoquant des guerres.
L'ombre de Taïwan sur les relations sino-américaines
En sachant comment est organisée la société chinoise, il est difficile d’imaginer que l’auteur de cet article agissait à ses risques et périls sans avoir obtenu le soutien des camarades au pouvoir à Pékin. Le fait que quatre banques chinoises majeures aient récemment refusé d’accepter des paiements en provenance de Russie, même en yuan, pourrait également être considéré comme un signal alarmant pour Moscou. En d’autres termes, il se pourrait que l’alliance sino-russe, si forte en paroles, soit loin d’être efficace et fiable dans la pratique. Et Antony Blinken aurait certainement essayé de renforcer cette tendance.
Il y a un problème, pourtant, et le contexte général des relations sino-américaines ne lui facilite pas la tâche.
Le paquet d’aide militaire destinée à Taïwan que le Congrès américain a récemment approuvé ne favorise certainement pas une atmosphère cordiale pour les négociations délicates que Blinken a essayé de mener à Pékin. Les efforts de Washington pour créer des alliances militaro-politiques dans la région, à commencer par les Philippines et l’Inde et en terminant par l’Australie et le Vietnam, ne contribuent pas non plus à une compréhension mutuelle entre les deux superpuissances. Les stratèges américains ne cachent pas qu’en réalité, l’adversaire géopolitique principal, le plus dangereux et le plus intransigeant n’est pas la Russie, mais la Chine.
Si c'est le cas, pourquoi la Chine devrait-elle répondre aux exigences de Washington et se joindre à la pression américaine contre Moscou ? Pour affronter les États-Unis seul, lorsque ceux-ci auront atteint leurs objectifs en Russie ? Il est peu probable que cela rentre dans les plans du camarade Xi et de son équipe.
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