28 décembre 2023

Les médias sociaux et l’utilisation compulsive d’Internet sont-ils responsables de la fin de notre croissance économique?

Dans un rapport d’octobre 2022 publié par le ministère fédéral allemand de la Santé concernant les conséquences de la période Covid sur la consommation des médias sociaux, on peut lire que pendant cette période, la consommation de contenus des adolescents (de 14 à 17 ans) et des jeunes (de 18 à 21 ans) en Allemagne a nettement augmenté.

Elle s’élève actuellement chez les jeunes à cinq heures par jour lors d’un jour de semaine typique (jour d’école, jour de travail) et à près de sept heures lors des jours de congé. Sept heures – c’est presque la moitié de la durée d’une journée éveillée. En 2015, il s’agissait encore d’un peu moins de trois heures (166 minutes par jour).

Environ 60% des adolescents et 57% des jeunes adultes ont « un comportement problématique concernant l’utilisation d’Internet ». Cela concerne plus souvent les filles et les femmes que les garçons : 67,7% des filles, 50,5% des garçons présentent un comportement de dépendance à Internet, 63,6% des jeunes femmes, 49,4% des jeunes hommes.

En bref, trois adolescents sur cinq en Allemagne âgés de 14 à 17 ans présentent actuellement un « comportement problématique concernant l’utilisation d’Internet ». Quelles sont les conséquences de cette utilisation excessive et compulsive d’Internet ?

Utilisation des médias sociaux et détresse psychologique des jeunes filles

Depuis 2015 environ, une tendance à la détérioration de la santé mentale et spirituelle des jeunes filles se dessine, entraînant une forte augmentation des suicides et des automutilations. Les statistiques parlent d’elles-mêmes.

Depuis 2010, selon « The Economist« , les hospitalisations d’adolescentes pour automutilation ont augmenté de 143% dans 11 pays. Chez les garçons, elles ont augmenté de 49%. La raison principale invoquée est la forte augmentation de l’utilisation des médias sociaux, notamment Instagram.

Les smartphones sont donc particulièrement dangereux pour les filles, car les garçons s’intéressent davantage aux jeux vidéo et moins aux « médias sociaux générateurs de dépression ». De nombreuses études auraient montré que les médias sociaux peuvent générer de la tristesse et de l’anxiété chez les adolescents.

Selon « The Guardian« , citant une étude du « British Journal of Psychiatry » début 2021, 7% de tous les enfants au Royaume-Uni ont tenté de se suicider avant l’âge de 17 ans et près d’un sur quatre a commis un acte d’automutilation l’année dernière. Les filles étaient particulièrement touchées. L’une des raisons invoquées est que « les médias sociaux peuvent être un environnement toxique ».

Au début de l’année 2022, face à l’augmentation du nombre de suicides et d’automutilations chez les filles, une enquête approfondie a été menée à la Chambre des Lords britannique sur « le rôle joué par les réseaux sociaux dans la mort d’enfants au Royaume-Uni, y compris les suicides, les automutilations et les meurtres ».

La face cachée de Facebook et Instagram de Marc Zuckerberg

À partir de septembre 2021, le « Wall Street Journal » a publié une série d’articles d’une ampleur inhabituelle sur Facebook. Le journal s’était procuré des documents internes du groupe de médias qui montraient entre autres les effets fortement négatifs d’Instagram sur la santé mentale et psychique, en particulier chez les jeunes filles.

Selon les documents internes, Facebook et Mark Zuckerberg savaient par exemple que 32% des adolescentes se sentaient plus mal après avoir utilisé Instagram, alors qu’elles se sentaient déjà mal avant. « Les comparaisons sur Instagram peuvent changer la façon dont les jeunes femmes se voient et se décrivent ». En outre, Facebook savait donc parfaitement qu’Instagram rendait dépendant.

Mais en public, Mark Zuckerberg et d’autres cadres de Facebook auraient toujours souligné que les résultats de la recherche n’étaient pas clairs, que Facebook était peu nocif et qu’il avait également de nombreuses influences bénéfiques.

Un sénateur américain a déclaré que Facebook avait adopté le modèle de big tobacco – appâter les adolescents avec des produits dangereux tout en cachant les résultats scientifiques au public. Jean Twenge, professeur de psychologie aux États-Unis, a expliqué : croire qu’une entreprise de tabac devrait faire preuve de plus d’honnêteté en ce qui concerne le lien entre le tabagisme et le cancer est aussi naïf que de croire que Facebook devrait faire preuve de plus d’honnêteté en ce qui concerne le lien entre Instagram et la dépression des adolescentes.

Le directeur des services de santé américains recommande de ne pas utiliser les médias sociaux avant l’âge de 16 ans

Mi-juin 2023, le « Wall Street Journal » a publié un article intitulé : « Pourquoi 16 ans devrait être l’âge minimum pour les médias sociaux – un plaidoyer pour interdire TikTok, Snapchat et Instagram aux enfants de moins de 16 ans ».

Étant donné que les dommages causés par les médias sociaux l’emportent sur les avantages et que les lois existantes protègent le marketing et la collecte de données, mais pas la sécurité des enfants, le journal a recommandé – comme pour la conduite automobile – de n’autoriser les enfants à utiliser les médias sociaux qu’à partir de 16 ans. Le journal économique s’est appuyé sur les déclarations du médecin Vivek Murthy.

Vivek Murthy est le chef du service de santé américain (Surgeon General) et ne veut pas donner à ses propres enfants, âgés de 5 et 6 ans, l’accès aux médias sociaux avant 16 ans. Selon lui, de nombreuses preuves scientifiques indiquent que l’utilisation des médias sociaux à partir de 10 ans contribue à la crise actuelle de la santé mentale des jeunes. Pour Vivek Murthy, il s’agit du plus grand défi actuel en matière de santé publique.

Les médecins et les politiques s’accordent à dire que 13 ans est un âge trop jeune pour utiliser les médias sociaux. Avant 16 ans, les jeunes sont bien trop sensibles à la pression des pairs, aux opinions et aux comparaisons. Le cerveau est encore trop vulnérable à ce stade précoce de son développement pour être exposé aux médias sociaux. Ces déclarations sont surprenantes pour un journal économique qui s’engage pour un capitalisme aussi libre que possible.

Effets de l’utilisation des médias sociaux sur les garçons

Les garçons utilisent en partie d’autres types de médias sociaux, d’autres jeux informatiques et leurs réactions face à l’utilisation des multimédias sont généralement différentes de celles des filles. Alors que les garçons vivent davantage l’agressivité vers l’extérieur, les filles réagissent souvent par l’agressivité vers l’intérieur (par de l’auto-agression). Les jeux de guerre et de meurtre comme Fortnite, World of Warcraft (WoW), Call of Duty et ainsi de suite sont majoritairement utilisés par les garçons et les jeunes hommes.

Dans son film Fahrenheit 9/11, Michael Moore montrait déjà en 2004 la préparation des soldats américains à des missions de combat en temps de guerre par le biais de tels jeux vidéos. Ce type de jeux de guerre est donc utilisé de manière ciblée par les supérieurs militaires pour rendre les jeunes hommes insensibles et non empathiques, pour leur retirer toute compassion, pour ne plus considérer les soldats en face d’eux comme des êtres humains, mais comme des ennemis à éliminer.

Du point de vue du soldat ou de la guerre, cela a du sens. Les soldats doivent tuer lors des missions de combat ; pour cela, la compassion et l’empathie sont un obstacle. Les soldats doivent être formés pour devenir des machines de combat. Ces jeux doivent leur ôter tout scrupule à tirer et à tuer. En bref, ces jeux sont utilisés pour promouvoir l’absence de scrupules, la déshumanisation et la banalisation de la brutalité. Les instructeurs professionnels des soldats savent très bien ce qu’ils font et pourquoi ils le font.

Déshumanisant pour les enfants

Il est d’autant plus surprenant de voir que nous laissons nos enfants et nos adolescents jouer à ces « jeux » de tueries sans contrôle et ce, sans débat public digne de ce nom. Les barrières d’âge sont souvent contournées. Il n’est pas rare que des enfants de dix ans jouent déjà à ce type de jeux meurtriers en étant mis en scène eux-mêmes. Que se passe-t-il dans l’âme de nos enfants ?

Les hommes adultes, les soldats américains, semblent déjà sensibles à ce genre de brutalité et deviennent plus inhumains. À quel point cela s’applique-t-il aux mineurs ? Plus nos enfants sont plongés tôt dans ce type de jeu de massacre, plus ils tuent à l’écran, plus ce genre d’activité ludique est répandu, plus ils sont éduqués à l’inhumanité.

J’ai peur qu’après quelques cohortes d’enfants et d’adolescents branchés particulièrement tôt sur ces jeux déshumanisants, nous soyons confrontés à de graves conséquences sociales. L’agressivité, le manque d’égards, l’égoïsme, mais aussi les comportements addictifs et la maladie seront, à mon avis, fortement stimulés.

Rien qu’avec Fortnite, des centaines de millions d’enfants et d’adolescents sont déjà entraînés et préparés à la guerre de tous contre tous. Grâce à Fortnite, qui fonctionne avec la plus grande intelligence, un design brillant et un marketing génial, on a réussi pour la première fois à enthousiasmer des légions de mineurs pour qu’ils se tuent les uns les autres à un âge aussi jeune comme jamais auparavant. Pour des millions de jeunes hommes, je pense que les normes morales sont ainsi abaissées.

Une banalisation de l’e-sport

La banalisation de ces processus est activement et délibérément encouragée par les lobbyistes du secteur. Le temps passé devant l’écran est le contraire de l’exercice physique, de la gymnastique et du sport. Les termes et les dénominations sont importants pour la perception du public, entre autres des parents.

Labelliser les compétitions de simulations de guerre et de tueurs comme Counter Strike ou Fortnite comme étant du « e-sport », c’est-à-dire du « sport » électronique, est une manœuvre habile des lobbyistes et une déformation de la vérité.

Cela en dit long sur nos normes morales, ou plutôt sur la double morale qui prévaut ici. Selon l’accord de coalition, l’actuel gouvernement fédéral rouge-vert-jaune allemand prévoit de conférer au sport électronique le caractère d’utilité publique et donc d’encourager par des privilèges fiscaux des processus qui rendent nos enfants malades.

Conséquences

Au fur et à mesure que la santé se dégrade, la force de travail diminue et nous devons en outre consacrer des ressources supplémentaires aux soins de santé. Cela diminue notre puissance économique réelle et notre niveau de vie.

Au lieu de respecter intuitivement les normes et les règles, de se comporter de manière décente et honnête, on tente d’imposer des règles et des lois par le biais de la force policière, de la sécurité, des caméras de surveillance et ainsi de suite, par la contrainte extérieure, la pression, la dissuasion et la peur.

Il en résulte une diminution réelle de notre prospérité en raison de l’augmentation des activités improductives. Mais les dommages causés à l’ensemble de la société vont bien au-delà d’une stagnation ou d’une baisse de la puissance économique.

Compte tenu des influences toxiques considérables auxquelles notre jeunesse est exposée depuis à peine 20 ans par le biais des médias électroniques, nous sommes évidemment sur la bonne voie pour y parvenir.

L’article reprend en grande partie des déclarations de son livre paru en août 2023 « Das Ende des Wirtschaftswachstums – Die sozialen und ökonomischen Folgen mangelnder Ethik und Moral » (La fin de la croissance économique – Les conséquences sociales et économiques du manque d’éthique et de morale), tredition, Hambourg.

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