Les années 60 offrirent à l’Armée de l’Air française un étonnant duo signé Dassault, le Mirage III et le Mirage IV. Les années 80 faillirent donner naissance à un autre duo, Mirage 2000 et Mirage 4000. Hélas, ce dernier n’entrera jamais en service, laissant seul son petit frère devenir le trait d’union vers le futur : le Rafale. Voici l’histoire de l’éphémère et prometteur Mirage 4000.
De l’ACF au Mirage 2000
En janvier 1976 rentrait en service dans l’US Air Force un chasseur impressionnant, le McDonnell Douglas F15 Eagle : un bi réacteur à long rayon d’action capable d’emporter sous ses ailes de nombreuses armes, de tirer hors de la vue de l’ennemi (BVR, Beyond Visual Range) comme de combattre de prêt (combat tournoyant ou Dogfight). Depuis 1972, l’Armée Française cherche à se doter d’un appareil du même type en lançant le programme ACF (Avion de combat futur). Dassault se lance dans cette étude tout en prévoyant une version mono-réacteur plus petite. Or, l’Armée de l’Air stoppe le programme ACF rapidement devant le coût intenable d’un tel avion. Opportunément, Dassault sort alors de son chapeau son « petit » Mirage 2000 qui séduit les décideurs en 1975. Les études sérieuses peuvent alors commencer pour le petit chasseur français.
Du Mirage 2000 au 4000
Faisant le chemin inverse, les ingénieurs de Saint-Cloud décident alors d’étudier sur fond propre une version plus lourde du 2000, bi-réacteur, capable de rivaliser avec le F15 américain. On mesure ici la réactivité des équipes de Dassault qui avaient su placer leurs petit chasseur au moment du programme ACF plus ambitieux. Peut-être qu’avec le temps, le besoin d’un chasseur lourd se ferait sentir et profiter du développement du 2000 permettait d’abaisser sensiblement les coûts du 4000. Car c’est ainsi qu’est nommé ce deuxième projet parallèle, un Super Mirage rappelant le Mirage IV para rapport à son petit frère Mirage III.
Concurrent du F15 et du SU-27
La décision de développer sur fonds propres le nouvel avion est prise en septembre 1976. Bien que plus gros que son petit frère, le 4000 profite de toutes les innovations du 2000 en cours de développement, notamment les commandes de vol électriques, novatrices à l’époque. Il profite aussi de son moteur, le SNECMA M53 dont l’Etat autorise de prélever deux exemplaires sur les stocks prévus pour le 2000. Avec près de 20 tonnes de poussée, le 4000 s’avère particulièrement puissant et capable de rivaliser tant avec le F15 américain qu’avec le Sukhoi SU27 russe. Disposant de 3 fois plus de carburant que le Mirage 2000, il dispose d’une allonge particulièrement intéressante. En outre, il bénéficie d’études spécifiques : plans canard à l’avant compensant l’instabilité naturelle de l’aile Delta et assurant une manoeuvrabilité extraordinaire, utilisation de matériaux composites permettant d’abaisser considérablement le poids de l’engin ou entrées d’air dotées de « souris » permettant d’atteindre de très hautes vitesses.
Puissance et vitesse
Le Mirage 4000 effectue son premier vol à peine un an après celui du 2000, le 9 mars 1979, atteignant sans difficulté Mach 1,6. C’est à son sixième vol, un mois plus tard, qu’il dépasse Mach 2 et démontre d’exceptionnelles capacités ascensionnelles : il atteint les 50.000 pieds et Mach 2 en 3 minutes et 50 secondes. Le Mirage 4000 s’avère donc particulièrement prometteur en tant qu’intercepteur mais, comme le F15, il aurait pu être décliné en « camion à bombe » avec une version d’attaque au sol et devenir porteur de la bombe atomique comme le Mirage IV (une mission qui sera finalement dévolue au Mirage 2000N). La campagne d’essai dure jusqu’en 1983 mais l’État refuse de s’engager plus longtemps, estimant que le « petit » 2000 suffit largement à ses besoins et que le 4000 serait redondant pour un gain de performance inférieur au coût financier d’un tel programme.
Condamné faute de clients
Dassault se retrouve sans client. Le Shah d’Iran, intéressé au début du programme, est tombé lors de la Révolution islamique de 1979 et l’hypothétique commande tombe à l’eau. L’Irak de Saddam Hussein semble un temps séduit par ce grand et beau chasseur, mais se rabat rapidement sur une solution moins chère, toujours chez Dassault, en commandant des Mirage F1. Tous les espoirs reposent désormais sur l’Arabie Saoudite. Les essais reprennent en 1985 et le Mirage 4000 est repeint aux couleurs du désert. Mais Ryad semble suffisamment satisfaite de ses F15S acquis à la fin des années 70. Rapidement, tous les espoirs de voir le 4000 aux couleurs saoudiennes s’évanouissent. Sans commande, le Super Mirage est définitivement condamné.
Mulet pour le Rafale
Pourtant, le Mirage 4000 va continuer à rendre quelques services. Le programme ACX pour un avion moyen omirôle et bi-réacteur devant remplacer l’ensemble des avions de l’Armée de l’Air lancé au début des années 80 permet en effet au 4000 de continuer à voler pour tester quelques solutions ou confirmer certaines orientations. C’est ainsi que le Rafale qui équipe aujourd’hui nos armées reprend quelques caractéristiques de son aîné : deux réacteurs SNECMA (mais de tout nouveaux M88 et non des M53-P2), les plans canard et l’utilisation massive de matériaux composites. Pour le reste, notre chasseur actuel s’avère beaucoup plus compact et moins ambitieux en termes de vitesse ascensionnelle ou maximale.
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