04 novembre 2023

GUERRE D’UKRAINE/GUERRE DE GAZA


On attendait anxieusement le discours du chef du Hezbollah Nasrallah ce vendredi 3 novembre, presque un mois après le soulèvement de la Résistance Palestinienne et sa razzia sur les territoires israéliens à proximité de la bande de Gaza. En fait, le chef politique libanais a levé le voile sur la stratégie des nations de la région décidée à faire échouer Israël à Gaza : une escalade imperceptible, destinée à soulager pour les Palestiniens le front de Gaza. L’Iran, la Syrie, le Liban, misent sur un enlisement et un affaiblissement israélien. La possibilité d’une entrée de l’Iran dans le conflit n’est pas exclue mais elle serait une réponse à une attaque américaine. En réalité, les Occidentaux n’ont pas encore tiré les leçons de la guerre d’Ukraine. La Russie s’est gardée de jeter toutes ses forces dans la bataille. Elle a préféré user progressivement l’adversaire. Cependant les décideurs et chefs militaires occidentaux semblent loin de faire cette analyse de la guerre d’Ukraine ; encore moins d’établir un rapport avec la stratégie des adversaires de l’OTAN et d’Israël au Proche-Orient. Le fait que le Général Zaloujni (qui sert sans doute de prête-nom car il a été grièvement blessé au printemps) officiellement encore commandant en chef de l’armée ukrainienne, concède l’échec de la contre-offensive et même juge, à mots à peine couverts, la perte de la guerre comme inéluctable est une potion amère pour l’opinion dirigeante aux USA et dans l’Union Européenne. A Washington et à Bruxelles, on est encore loin d’accepter le fait que les Russes ont pris l’initiative dans le conflit, comme en témoigne leur avancée à Avdeïevka. 

Un long discours de Nasrallah, qui éclaire le jeu des puissances régionales

Le chef du Hezbollah, mouvement politique et guerrier chiite libanais, Hassan Nasrallah, a prononcé un discours de plus d’une heure ce vendredi 3 novembre. Vous en trouverez une paraphrase en anglais sur le canal Telegram du Middle East Spectator.

J’en cite ici les extraits les plus significatifs :


Le chef du Hezbollah commence par invoquer l’esprit de sacrifice des combattants. “Vous ne trouverez pas de bataille aussi importante que la lutte contre les sionistes, c’est l’un des reflets les plus clairs de la lutte pour l’amour de Dieu.Outre les armes, notre véritable force réside dans nos convictions profondes et notre volonté de sacrifice. Je salue la population de Gaza, qui fait preuve d’un courage sans égal dans ce monde. Tout ce qu’elle a sacrifié, c’est pour la Palestine, Al-Aqsa et Al-Quds. (…)

Selon Nasrallah, le soulèvement du 7 octobre est une décision purement palestinienne. “Le monde a oublié la Palestine, c’est la dernière priorité pour le monde, alors que les conditions ont continué à se détériorer..Un grand événement comme celui-ci devait se produire, et cela a remis sur le tapis la question de l’humanité dans le monde. L’opération du 7 octobre menée par Al-Qassam et d’autres a été une opération grandiose et bénie, et il s’agissait d’une décision 100 % palestinienne, dont la mise en œuvre a été 100 % palestinienne..L’opération du déluge d’Al-Aqsa a été cachée, même aux autres factions de la résistance, afin de préserver son caractère secret, et même nous n’étions pas au courant.Cette performance des frères du Hamas a prouvé la véritable identité de ce conflit et a empêché l’Occident de fabriquer un récit selon lequel la Palestine serait soumise ou dépendante de l’Iran ou d’autres factions..Cette opération a été menée pour la Palestine, par des Palestiniens, et ne sert que les intérêts de la Palestine..La prise de décision incombe aux chefs des factions de la résistance, et l’Iran ne fait pas pression sur eux et ne les contrôle pas, il se contente de les soutenir et de respecter leur autonomie. (…)”

L’orateur insiste ensuite sur ce qu’il considère êtrela fragilité de l’Etat d’Israël: “Il y aura de grandes répercussions politiques pour Israël après cette opération, qui a révélé la faiblesse et la fragilité du régime sioniste, qui est vraiment plus faible qu’une toile d’araignée. Les sionistes et leurs alliés n’ont pas encore été capables de prendre l’initiative, et le soutien américain à Israël a révélé la faiblesse de l’entité sioniste. “Où est Israël qui se vantait d’être l’armée la plus puissante du monde ? Où est votre armée de l’air ? Où sont vos armes de haute qualité ?”Les dirigeants européens et occidentaux viennent du monde entier pour exprimer leur soutien à Israël, ce qui révèle la faiblesse du régime sioniste et son besoin d’aide étrangère pour survivre. (…)”

Viennent ensuite des considérations sur la guerre: “Il n’y avait pas d’autre option pour Gaza que d’attendre et de mourir. C’est pourquoi ils résistent.C’est Tsahal qui commet des massacres, pas la résistance palestinienne, et Tsahal est confus et se tire souvent dessus accidentellement. Il semble qu’Israël ne tire pas les leçons du passé, surtout lorsqu’il s’agit de ses guerres avec la résistance à Gaza et au Liban. Israël se fixe des objectifs élevés qu’il n’est pas en mesure d’atteindre. Par exemple, il affirme vouloir éliminer le Hamas ou ses dirigeants militaires, ce qui est un objectif impossible à atteindre. Les Israéliens ne pourront pas libérer leurs prisonniers sans échange, car cela ne s’est jamais produit lorsque la résistance a fait des prisonniers auparavant, mais Israël n’apprend pas ses leçons.

Le chef du Hezbollah fait allusion à la guerre perdue en 2006 par Israël face au Hezbollah: “Lors de la guerre de 2006, plus de 150 000 maisons ont été détruites, nous avons eu des milliers de martyrs, mais l’ennemi a été contraint de renoncer à ses objectifs. (….)”

Vient ensuite la désignation de l’ennemi! Pour Nasrallah, ce n’est pas Israël l’ennemi principal mais les Etats-Unis: “En perpétrant des massacres et des tueries, vous ne parviendrez à rien, si ce n’est à renforcer la résistance.. Cette entité a vu le jour avec l’aide des puissances occidentales par le biais de la maudite déclaration Balfour..L’Occident essaie de nous faire croire que nous avons un “État démocratique” comme voisin, mais la vérité a été révélée et ses mensonges ont été démasqués. Ils veulent tromper nos peuples arabes et islamiques pour qu’ils se normalisent avec ce régime sioniste barbare, mais notre peuple ne sera jamais dupe. (…) L’Amérique est entièrement responsable de la guerre à Gaza, et Israël n’est qu’un outil. C’est l’Amérique qui empêche l’instauration d’un cessez-le-feu aux Nations unies. La Résistance islamique en Irak a pris l’initiative de cibler les bases de l’occupation américaine, car ce sont les Américains qui gèrent la guerre à Gaza, et ils doivent en payer le prix“.

Nasrallah annonce la poursuite de la guerre, menée selon lui, pour la justice et l’humanité. On a le symétrique de l’intervention de Netanyahu jeudi 26 octobre : “Il y aura d’autres actions contre Israël sur plusieurs fronts, et cela deviendra plus clair dans les prochains jours, comme nous l’avons entendu de la part de nos alliés. Ce combat représente la lutte du bien contre le mal, défendre la population de Gaza est un acte d’humanité, quiconque écrit, élève la voix, proteste, etc. a accompli son devoir d’humanité.Tous ceux qui ne soutiennent pas la Palestine devraient reconsidérer leur religion, s’ils en ont une, et leur honneur, s’ils en ont un.Cette guerre n’est pas comme les précédentes, c’est un conflit historique décisif, ce qui viendra après ne sera pas comme ce qui était avant (…)”

Le chef du Hezbollah, cependant, ne voir pas ce qui se passe comme une guerre purement religieuse ou métaphysique. Il insiste sur l’existence des nations: “Certains disent que si le Hamas est victorieux, l’Iran sera victorieux, ou que les Frères musulmans seront victorieux, mais c’est faux ; si le Hamas est victorieux, Gaza est victorieux, la Palestine est victorieuse, Al-Aqsa est victorieuse. La victoire de Gaza (Hamas) est dans l’intérêt national des pays de la région comme la Jordanie, la Syrie, l’Égypte, etc. et avant tout du Liban.Les nations arabes et islamiques doivent au moins faire des efforts pour parvenir à un cessez-le-feu, même si certaines d’entre elles ne veulent pas se battre ou sacrifier quoi que ce soit, c’est le moins qu’elles puissent faire. Nous disons aux nations arabes : nous ne voulons pas de vos armes et de vos armées, mais n’avez-vous pas au moins l’honneur d’ouvrir le point de passage de Rafah ?Nos honorables frères du Yémen et de l’Irak prennent leurs responsabilités au sérieux et intensifieront leurs attaques, malgré toutes les attaques occidentales et étrangères. Les drones et les missiles yéménites finiront par atteindre Eilat et les bases militaires israéliennes, même s’ils ont été interceptés jusqu’à présent”.

Ce qui suit est très intéressant car on y voit l’annonce d’une guerre menée sans rechercher l’escalade, destinée à user l’ennemi: Certains disent que j’annoncerais aujourd’hui notre intervention, mais nous sommes intervenus depuis le 8 octobre, le deuxième jour de la tempête d’Al-Aqsa. Nous avons été surpris comme tout le monde le 7 octobre, mais nous nous sommes adaptés. Certains veulent que nous commencions une guerre à grande échelle, et pour eux, les actions à la frontière nord pourraient être considérées comme limitées, mais elles ne le sont absolument pas. Le Hezbollah mène une véritable guerre depuis le 8 octobre, malgré ce que certains disent, et personne ne peut sentir ce qui se passe réellement, à l’exception de ceux qui participent à cette bataille. Nous avons 57 martyrs libanais sur le front libanais, sans compter les martyrs non libanais”.

Nasrallah lève le voile sur la stratégie du Hezbollah et de l’Iran: “Le 7 octobre, la plupart des forces israéliennes voulaient se retirer du nord et se diriger vers Gaza, mais notre action l’a empêché.Aujourd’hui, la moitié de l’armée israélienne est présente à la frontière libanaise, dont un grand nombre de forces d’élite. Un quart de l’armée de l’air israélienne et la moitié des défenses aériennes d’Israël sont engagées sur le front libanais. 43 colonies israéliennes du nord ont été évacuées et la plupart de leurs habitants sont aujourd’hui des soldats. Israël craint que ce front ne fasse boule de neige et ne débouche sur une guerre régionale. Ce scénario est réaliste et pourrait tout à fait se produire.Nous recevons tous les jours des messages des nations arabes qui nous supplient de ne pas agir. (…)”

Viennent ensuite des indications précieuses sur la vision du conflit, et leur corollaire,des avertissements aux Etats-Unis: “Une attaque préventive contre le Hezbollah, envisagée par Israël, serait la plus grande erreur de leur vie. L’Amérique nous menace, si vous ouvrez le front nord, les porte-avions nous bombarderont, ces menaces ne nous feront pas changer d’avis, et un groupe après l’autre se joindra à la guerre. (…) L’escalade dépend de deux facteurs Si Israël bombarde nos civils, nous bombarderons les leurs, leur comportement déterminera le nôtre.

Toutes les options sont sur la table sur le front libanais, je le répète, toutes les options sont sur la table.

2. L’Amérique nous a fait savoir qu’elle bombarderait l’Iran si nous continuions à agir de la sorte. Comment osez-vous menacer notre résistance ? Vos navires en Méditerranée ne nous font pas peur, et soyez sûrs que nous nous y sommes préparés.

Nous nous sommes “préparés” aux navires américains et nous demandons à l’Amérique de se souvenir de ses défaites en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Liban.Si l’Amérique veut éviter une guerre régionale, l’agression contre Gaza doit cesser.. Je garantis aux Américains qu’en cas de guerre régionale, leurs navires et leurs forces aériennes paieront un lourd tribut..À l’horizon, nous menons tous une bataille de fermeté. Notre combat n’a pas encore atteint le stade de la victoire par KO, et nous avons encore besoin de temps, mais nous sommes en train de gagner. https://t.me/Middle_East_Spectator/
 
La théorie du “choc des civilisations” ne résiste pas à l’analyse de la guerre de Gaza

Plus les jours passent, plus le vrai caractère de cette guerre apparaît. Loin d’être uni,le monde arabo-musulman se divise sur la position à prendre. Et c’est en fait chaque nation, chaque cité-Etat de la région qui réagit selon ses intérêts propres. Par exemple, qui a prêté attention au fait que les Emirats arabes Unis livraient des armes à Israël?

Je recommande la lecture du récit d’un témoin direct du meeting d’Istanbul où le président turc Erdogan a pris la parole. On y comprend que le choc des civilisations est une pseudo-théorie, un gadget universitaire comme les Américains savent en produire et aiment les exporter :

Alors que nous étions encore assez loin du lieu de la réunion publique, nous avons pu nous rendre compte de l’immensité de la foule qui se rassemblait. Bus et trains étaient bondés. Dès ce moment aussi, nous avons pu remarquer qu’il y avait au maximum un quart des drapeaux, des banderoles ou des affiches concernant les Palestiniens. Les trois quarts, c’étaient des drapeaux turcs, des drapeaux d’Atatürk, des affiches en faveur d’Erdogan.(…)

La foule sur place a confirmé notre constat ; les trois quarts des drapeaux, des slogans, des banderoles, n’avaient rien à voir avec Gaza. Ce qui était le plus visible, cependant, dans les expressions pro-palestiniennes, c’étaient les keffiehs, portés surtout par des femmes.

Un élément m’a frappé : du côté turc, il y avait peu d’expressions religieuses. En revanche, en cherchant bien, parmi les manifestants, on trouvait des petits groupes isolés : les uns avec des drapeaux talibans, d’autres avec des drapeaux de Daech. Il y avait aussi quelques drapeaux du Hamas. Mais c’était des petits groupes, perdus dans une immense foule. (…)

J’ai été étonné devoir l’enthousiasme que déclenchait Erdogan quand il a comparé Gaza aux villes d’Asie Mineure libérées par Atatürk : Ismir (Smyrne) ; Edirne (Andrinople). Mais, surtout, la foule a crié encore plus fort lorsque Gaza a été comparée à ….Thessalonique et Skopje ! Des villes, a-t-il dit, qui appartiennent encore à la Turquie et qui lui sont liées.

Quand il a parlé d’Israël, il a effectivement évoqué une possible “réaction terrible” : “Nous pouvons surgir à tout moment, y compris de nuit !”. Alors, la foule a crié :”L’armée turque à Gaza ! L’armée turque à Gaza !”. Le Courrier des Stratèges, 2 novembre 2023

Ce qui l’emporte, ce n’est pas une lutte de “civilisation”à “civilisation” mais une réaffirmation des nations. 

Guerre de Gaza – Jour 27

Pour la journée du 2 novembre, je traduis, comme hier, la synthèse du canal Telegram Middle East Spectator:

27e jour de la guerre, le 2 novembre, état des lieux et événements majeurs : Frappes aériennes limitées à Gaza.
Barrages de roquettes sporadiques du Hamas sur les colonies israéliennes entourant la bande de Gaza.
La situation au sol à Gaza n’a pas beaucoup changé depuis hier. Se référer au post précédent pour les avancées israéliennes actuelles. Par ailleurs, l’avancée israélienne dans le camp de Jabaliya s’est avérée fausse.
Israël n’a pas fait d’autres avancées notables, mais il a commencé à mettre le pied dans l’environnement urbain de la ville de Gaza. Les combats sont très durs et les combattants d’Al-Qassam mènent fréquemment des attaques surprises depuis l’arrière des lignes ennemies, ce qui provoque le chaos dans les rangs de Tsahal. Plusieurs officiers de haut rang, dont un lieutenant-colonel, ont été tués.
Les rapports selon lesquels les FDI ont déjà atteint la rue côtière Al-Rashid sont faux, le nord et le sud de Gaza n’ont pas encore été coupés l’un de l’autre, et les FDI n’ont pas avancé de plus de 500 mètres de la rue Salah Al-Deen en direction de la rue Al-Rashid.
Au moins 6 chars, 2 TTB et plusieurs dizaines de soldats israéliens ont été neutralisés lors des combats contre le Hamas dans la bande de Gaza.
Les FMP ont annoncé qu’elles étaient officiellement en état d’alerte.
Le Hezbollah a mené le plus grand nombre d’attaques en une seule journée depuis le début de la guerre, attaquant 19 sites de Tsahal simultanément à un moment donné de la soirée, et de nombreuses attaques individuelles ont eu lieu tout au long de la journée.
Le Hezbollah a également utilisé des drones suicides pour la première fois et a frappé une base navale israélienne avec des missiles guidés. Le Hezbollah a annoncé 6 nouveaux martyrs, ce qui porte le total à 55.
Al-Qassam au Liban a tiré 12 roquettes sur la Galilée, touchant la colonie israélienne de Kiryat Shmona et ses environs, provoquant un important incendie.
En réponse, Israël bombarde le Sud-Liban et effectue des frappes aériennes ciblées.
Les défenses aériennes jordaniennes ont intercepté un drone suicide tiré depuis le territoire syrien en direction d’Israël.
La Résistance islamique en Irak prend pour cible la base américaine de l’aéroport international d’Erbil et une installation militaire israélienne près de la mer Rouge. Ils ont officiellement annoncé le début d’une “nouvelle phase” d’opérations de combat, avec des attaques plus sévères et plus nombreuses contre des cibles américaines et israéliennes au Moyen-Orient. t.me/Middle_East_Spectator

Les experts OTANisés tombent de leur chaise: le commandant en chef de l’armée ukrainienne envisage la défaite

Rien de surprenant pour les lecteurs du Courrier des Stratèges qui suivent nos analyses depuis dix-huit mois: mais savourons l’étonnement du Figaro devant l’analyse du commandant en chef de l’armée ukrainienne (officiellement Zaloujni, même si nos informations nous font penser que le général ukrainien a été grièvement blessé avant l’été).

Quelques extraits d’un article d’anthologie:

Dans un entretien à l’hebdomadaire britannique The Economist, le général Zaloujny estime qu’il n’y aura «probablement pas de percée profonde et belle».

Certains observateurs s’étaient précipités très tôt pour l’annoncer. D’autres ne voulaient pas l’admettre. Dans un entretien à l’hebdomadaire britannique The Economist , le commandant en chef de l’armée ukrainienne Valeri Zaloujny a tranché : la grande contre-offensive démarrée en juin n’a pas eu l’effet escompté. Le général reconnaît franchement être «dans une impasse». «Il n’y aura probablement pas de percée profonde et belle», regrette-t-il auprès de nos confrères. (…)

Auprès de The Economist, le général Zaloujny reconnaît plusieurs erreurs dans la planification et le déroulement de la contre-offensive. Il concède d’abord avoir cru qu’infliger suffisamment de pertes à la Russie donnerait l’avantage à l’Ukraine. «La Russie a perdu au moins 150.000 hommes», estime-t-il. «Dans n’importe quel pays, de telles pertes auraient mis fin à la guerre». Mais, à supposer que ce chiffre soit exact, pas en Russie, qui a historiquement l’habitude de sacrifier un grand nombre de soldats pour arriver à ses fins, comme lors des Première et Seconde guerres mondiales. (…)

Le haut gradé admet également que son armée n’a pas avancé aussi rapidement qu’il l’avait prévu. «Selon les manuels de l’Otan et les calculs que nous avions faits, quatre mois auraient dû être suffisants pour que nous puissions atteindre la Crimée, y combattre et en revenir», explique-t-il. Ses hommes ont au contraire été freinés par les lignes de défense extrêmement efficaces de la Russie et n’ont pas pu s’établir durablement sur la rive gauche du Dniepr.

«Au début, j’ai pensé qu’il y avait un problème avec nos commandants, alors j’en ai changé certains», détaille Zalouny. «Ensuite, j’ai pensé que nos soldats n’étaient peut-être pas adaptés à leur mission, alors j’en ai transféré dans certaines brigades», ajoute-t-il. Mais en vain. À chaque fois que les troupes ukrainiennes ont essayé d’avancer, elles se sont heurtées à l’artillerie, aux drones et aux champs de mines disséminés sur tout le champ de bataille, les moyens technologiques modernes empêchant toute opération furtive. «Nous voyons tout ce que fait l’ennemi et il voit tout ce que nous faisons», résume le général. (…)

Pour Valeri Zaloujny, un bond technologique massif est donc indispensable pour sortir de l’«impasse». Le haut gradé appelle ainsi à l’innovation dans les domaines des drones, de la guerre électronique, des capacités anti-artillerie et des équipements de déminage, y compris de nouvelles solutions robotiques. Si le commandant en chef se dit «reconnaissant» des livraisons d’armes occidentales, il regrette qu’elles soient parfois arrivées trop tard pour faire une réelle différence. Les missiles longue portée et les chars «nous auraient été particulièrement utiles l’année dernière», pour capitaliser sur le succès des contre-offensives à Kharkiv et Kherson, glisse-t-il. «Mais ils ne sont arrivés que cette année».(…)

Mais le général ukrainien ne se cache pas non plus derrière ces arrivées tardives. «Il est important de comprendre que cette guerre ne peut être gagnée avec les armes de la génération passée et des méthodes dépassées», insiste-t-il. «Elles entraîneront inévitablement des retards et, par conséquent, une défaite». Selon lui, la technologie fera la différence dans cette guerre.

En attendant, Valeri Zaloujny veut tout faire pour empêcher une guerre de tranchées. «Le plus grand risque (avec cette option) est que la guerre dure des années et épuise l’État ukrainien», souligne-t-il. Contrairement à la Russie, l’Ukraine ne possède pas un réservoir humain quasiment illimité. Si le bond technologique n’arrive pas rapidement, «tôt ou tard, nous nous rendrons compte que nous n’avons tout simplement pas assez de monde pour nous battre», conclut l’officier. Le Figaro, 3 novembre 2023

Une avancée russe désormais inexorable

Le Général Zaloujni, ou celui qui parle pour lui, doit bien évidemment caché ses propres échecs. Cela évite une dépression immédiate aux lecteurs du Figaro.

Pour notre part, nous ne croyons pas que la guerre d’Ukraine soit figée. Pour reprendre la comparaison du chefukrainien, on n’est pas en décembre 1914, lorsquela guerre de tranchées s’était installée, mais plutôt fin juillet 1918, après l’échec de l’offensive allemande sur la Marne. La stratégie russe pour mettre en échec la “contre-offensive ukrainienne” fait penser à celle de la France et de ses alliés à partir de l’été 1917. Désormais,l’armée ukrainienne va reculer, comme l’armée allemande à l’été 1918. De ce point de vue,l’évolution de la bataille d’Avdeïevka est exemplaire:

Au cours de la journée écoulée, des sources provenant des fronts ukrainiens ont fait état d’avancées russes dans plusieurs directions autour de l’un des plus importants bastions ukrainiens dans le Donbass, la ville d’Avdeevka. Les succès russes sont rapportés non seulement par les journalistes militaires russes, mais ils sont également admis par les militaires ukrainiens. La pression exercée sur la défense ukrainienne autour de la ville et sur le groupement qui s’y trouve augmente.

Pour tenter d’arrêter l’avancée russe, l’armée ukrainienne transfère des réserves supplémentaires sur les positions de la région. Ainsi, ces derniers jours, de nombreuses unités d’équipement occidentales, notamment des Leopards allemands, des Bradleys américains, etc., ont été transférées des fronts de Zaporozhye à Avdeevka, où elles brûlent déjà sous le feu des Russes.

Les troupes russes cherchent à étendre la zone qu’elles contrôlent au nord-ouest d’Avdeevka. Après que l’avancée russe vers le village de Berdychi a été repoussée en octobre, les combats se sont poursuivis le long de la voie ferrée. Ces derniers jours, le nombre d’attaques russes dans la région de Stepovoe (Petrovskoe) a augmenté. Pour l’instant, ces opérations visent à infliger un maximum de dégâts aux forces ukrainiennes, et non à prendre le contrôle de nouvelles positions. Elles seraient donc menées par des groupes de sabotage russes, sans opérations terrestres de grande envergure.

Dans le même temps, l’armée russe étend sa zone de contrôle au nord-ouest de Krasnogorovka, menaçant les forces ukrainiennes à Novokalinovo.

Le commandement ukrainien tente d’utiliser ses unités aéroportées pour reprendre les hauteurs occupées par l’armée russe dans la zone de l’usine, y compris le dépôt de cendres. Cependant, jusqu’à présent, leurs tentatives de contre-attaque ont été infructueuses.

Au cours de la journée écoulée, les forces russes ont réussi à avancer au sud d’Avdeevka. Les unités russes se seraient approchées de la périphérie de Severnoe et sont actuellement en train de prendre pied sur un large front avant de prendre le village d’assaut. Elles se sont également approchées de la périphérie sud-ouest d’Avdeevka et seraient en train de renforcer leurs positions à quelques kilomètres du district de Stroiteley.

Des combats acharnés se poursuivent sur toutes les lignes de front. Le rythme de l’avancée russe est faible. Cela s’explique en grande partie par la volonté du commandement russe d’infliger un maximum de dommages à l’armée ukrainienne par des tirs d’artillerie continus et des frappes aériennes intenses avant toute opération terrestre. Ainsi, la destruction du dépôt souterrain de munitions ukrainien a été signalée sur le territoire de la cokerie.

De son côté, le commandement ukrainien local s’est partiellement retiré d’Avdeevka. Les militaires ukrainiens tentent de contre-attaquer, mais les principales réserves, précédemment transférées d’autres directions, attendent plutôt le début d’un assaut russe à grande échelle sur la ville.

Southfront.org, 3 novembre 2023

Source :https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/11/03/le-chef-du-hezbollah-nasrallah-leve-le-voile-sur-la-strategie-iranienne-face-a-israel/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.