À la suite des tensions au Proche-Orient et du récent attentat islamiste sur le sol français, ce sont maintenant les alertes à la bombe qui se multiplient sur tout le territoire, pour le plus grand enchantement des petits et des grands.
Sans grande surprise et pour cette nouvelle saison de “Mon Plan Vigipirate Est Plus Rouge Que Le Tien”, les aéroports sont copieusement ciblés. Lille, Toulouse, Lyon ont reçu leurs petits appels surprises et anonymes qui ont largement contribué à désorganiser le trafic aérien. Bordeaux n’est pas en reste et s’est fait évacuer plusieurs fois dans le cours de la semaine écoulée.
Gageons que les équipes de sécurité locales vont avoir l’occasion, avec ces multiples répétitions, d’acquérir une maîtrise et un professionnalisme à toute épreuve et qu’ils pourront synthétiser leur expérience et en faire profiter les équipes de Versailles qui ont eu à ce sujet une assez rude semaine : les titres de presse s’enchaînent pour signaler la deuxième, pardon la troisième, non, la quatrième, pardon la cinquième ou plutôt la sixième évacuation pour cause d’alerte à la bombe, en autant de jours.
L’Éducation nationale, fabrique de ce que le pays compte de plus aiguisés parmi les tenants du Allah Akbar compulsif, n’est pas en reste : pour la seule journée de jeudi dernier, plus d’une trentaine de lycées ont ainsi été évacués. Quatre à Toulouse, un à Colomiers, un autre à Blagnac, deux à Orléans, un à Rennes et deux autres à Strasbourg et Colmar. Deux lycées du Val-de-Marne, manifestement débordés, ont même opté pour des cours en distanciel jusqu’aux vacances de la Toussaint, ce qui permet de joindre l’inutile au désagréable.
Ah décidément, question ambiance, le pays sait y faire et le ton avait même été donné lors de rassemblements citoyens majoritairement pacifiques dans lesquels une foule très couleur locale avait fait part de ses divergences d’opinions en matière de politique étrangère (et, petit-à-petit, intérieure) française, en scandant des slogans qui n’évoquent absolument pas une dérive digne des heures les plus sous-éclairées de notre Histoire.
Tout ceci posé, rassurez-vous : cette multiplication d’alertes heureusement toutes plus bidons les unes que les autres (pour le moment ?) ne sera pas laissée sans une réponse judiciaire ferme. L’actuel ministre de la Justice, Dupond-Moretti, s’est d’ailleurs fendu d’une déclaration parfaitement en ligne avec celles qu’il a déjà proférées dans d’autres cadres et d’autres contextes : c’est sûr, c’est inévitable, “Ces petits plaisantins qui s’amusent avec ces fausses menaces seront retrouvés et punis” et d’ailleurs, deux douzaines d’enquêtes sont déjà ouvertes et en avant la musique, no pasaran et tout ça.
Reste à savoir comment les petits plaisantins en question, la plupart du temps mineurs et pour certains en dessous de 15 ans, pourraient faire réellement face à des poursuites alors que, dans le même temps, la justice française remet en liberté des criminels majeurs et au casier déjà chargé, peine à condamner des multirécidivistes, et accumule les erreurs de procédures ou les laxismes les plus flagrants sous l’oeil consterné du contribuable et du justiciable français moyen.
En outre, le ventripotent ministre n’en est pas à sa première déclaration tonitruante, et ses précédentes se sont rarement soldées par autre chose que des courants d’air plus ou moins vifs.
On peut donc d’ores et déjà parier que les petits plaisantins s’en sortiront à bon compte et que la plupart des enquêtes aboutiront à des sanctions symboliques (une bonne poignée de cours d’empathie ?). Les parents, que le ministre prétend vouloir tenir pour responsable, seront si souvent insolvables, intraductibles en justice et si bien protégés par des douzaines d’associations ad hoc vociférantes qu’il n’y a probablement aucune chance que ces menaces aboutissent à quelque chose de concret.
Et au-delà des gesticulations de nos bouffons gouvernementaux, on comprend confusément que vont se multiplier les situations où n’importe quel lieu, n’importe quel événement pourra être sujet à une évacuation forcée pour ce genre d’alertes. Eh oui : cette désinvolture à provoquer des fausses alertes n’existe que parce que ce laxisme judiciaire et policier est parfaitement intégré et pris et compte par ceux qui les déclenchent…
Petit-à-petit, on revient à cette situation grotesque de paranoïa diffuse qu’on a connue il y a trois ans : la peur régnait alors que les infectés étaient potentiellement partout et quelques mois plus tard, c’était au tour des non-vaccinés, abominables porteurs de miasmes pestilentiels, de provoquer la panique sur les plateaux télé et dans les rédactions. Encore quelques alertes et bientôt, tout le monde vivra dans l’anxiété de la découverte (ou de l’explosion) d’une vraie bombe…
Au passage, on ne pourra s’empêcher de penser que ces petits plaisantins, à force de multiplier ces alertes, pourraient saboter les plans d’un vrai poseur de bombe qui verrait son engin découvert trop tôt. Un règlement de comptes entre crétins alertophiles et terroristes bombogènes ne serait pas à écarter par la suite. Mais alternativement, il est plus raisonnable d’imaginer que les équipes de sécurité s’émoussent devant ces recrudescences d’agitations et prennent chaque nouvel appel avec toujours plus de désinvolture, donnant aux poseurs de bombes bien réelles une opportunité de passer au travers…
Du reste, cette saturation des services n’est pas sans rappeler certaines idées pratiques opérationnelles pour faire s’effondrer un État morbidement obèse, sclérosé sur des “valeurs” et des “principes” que plus personne ne comprend ni ne respecte vraiment, et surtout dépassé de tous les côtés par les événements.
Et alors que se rapprochent à grands pas les prochains Jeux Olympiques à Paris l’année prochaine, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la viabilité de ces réjouissances alors que tout indique que les autorités sont complètement débordées… Entre l’évacuation rapide de stade, l’évitement des pickpockets et les parades de couteaux fous, pour la première fois de nouvelles disciplines impliqueront aussi les spectateurs de ces Jeux.
Et manifestement, il ne suffira pas d’occuper les surmulots, d’éloigner les cafards et de confiner les punaises de lit ou l’inverse. Les autorités vont avoir du giga-pain sur la méga-planche.
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