09 octobre 2023

Gestion sanitaire : petits oublis de ministre

Notre ancienne Ministre de la Santé, qui vient de caser son fils au Ministère des Affaires Sociales, selon une tradition de népotisme bien française, a sorti un livre il y a peu (« Journal Janvier-Juin 2020 »), pour se défendre de nombreuses critiques concernant sa gestion de la crise du covid quand elle était ministre. J’ai donc cherché dans cet ouvrage quelques perles et incohérences, et j’en ai trouvé.

Ce livre est d’abord un mémoire de défense. Elle veut surtout rétablir la vérité concernant sa gestion ou non-gestion, insistant surtout sur sa déclaration du 21 janvier 2020 et sur le manque de masques. Elle y revient sans arrêt, sans convaincre. Le Monde, qu’elle cite dans son livre, parlait le 28 mai 2020 de « La mémoire sélective d’Agnès Buzyn ». Cela s’applique aussi à ce livre, normal car dans un mémoire de défense, il ne peut y avoir que du positif, le négatif n’y a pas sa place. N’importe qui ferait de même, mais il faut en avoir conscience en le lisant.

J’y ai bien relevé qu’elle n’y est pour rien s’il y a eu des problèmes, elle avait tout anticipé, ce qu’elle répète sans arrêt, c’est de la faute des autres s’il y a eu des problèmes, et si elle avait été écoutée, les choses se seraient passées différemment. Personnellement je préfère regarder le bilan. En anticipant parfaitement et avec une ministre en place depuis presque 3 ans, étions-nous prêts pour affronter une épidémie ? La réponse est clairement non, rien n’avait été prévu, nous étions dans une moins bonne situation que 10 ans plus tôt, concernant les médecins, les lits, les respirateurs, les masques, etc. Quand on est complotiste, on peut dire « je l’avais dit », quand on est ministre, on ne peut pas uniquement le dire, il fallait le faire.

La politique avant le covid

Les premiers mois, elle critique tout le monde, ceux qui ne l’écoutent pas, ceux qui sont plus préoccupés par la campagne des législatives que par l’épidémie qui arrive, à commencer par le président et le premier ministre. Mais elle, que fait-elle d’autre en quittant son poste le 16 février 2020 pour aller conquérir la Mairie de Paris tout en disant que la priorité, ce ne sont pas les élections mais l’épidémie ? Faites ce que je dis mais pas ce que je fais ! Personnellement j’avais tort en pensant que responsable, elle avait fui. Non, ce n’est pas de sa faute, mais celle des autres. Très franchement, aller à la Mairie de Paris, avec son expérience politique et le contexte sanitaire, le bon sens aurait voulu qu’elle refuse, ce qu’elle pouvait faire si elle avait l’intention de combattre l’épidémie.

Ils savaient pour le P4 de Wuhan

Grosse découverte : ils savaient que le virus venait du P4 ! Le 11 janvier 2020, bien avant le premier cas français, bien avant que les complotistes comme Montagnier, prix Nobel, ne le disent, Agnès Buzyn envoie un SMS au premier ministre et au président : « On suspecte le laboratoire P4 de Wuhan de manipuler le virus. Le ministère des Affaires étrangères est parfaitement au courant. Je vous raconterai de vive voix. » Ils savent quelque chose, rien ne doit être écrit. Ils ont par la suite discrédité tous ceux qui avaient ce doute, en les faisant passer pour des idiots et des complotistes, en alimentant la fake news sur la chauve-souris puis le pangolin. Même si le coronavirus souche venait de ces animaux, ils savaient où il avait été modifié, et dans quel but, d’où mon hypothèse concernant le secret défense et l’épidémie traitée non comme une épidémie de coronavirus, mais comme une guerre biologique, avec un secret défense.

À signaler d’ailleurs, que dans les 500 pages du livre, pas un mot sur ce secret défense, sur le comment et le pourquoi. Une grande muette sur le sujet.

On ne craint rien

La première chose que notre ancienne ministre voulait défendre, c’est son intervention au point presse du 21 janvier 2020. Elle « a été mal comprise », ses propos « tronqués et déformés ». Elle revient plusieurs fois dessus, par contre rien sur son intervention du 24 janvier en sortie de Conseil des Ministres « Le risque d’importation (du virus) depuis Wuhan est modéré. Il est maintenant pratiquement nul car la ville est isolée. Les risques de cas secondaires autour d’un cas importé sont très faibles. Et les risques de propagation du coronavirus sont très faibles. Cela peut évidemment évoluer dans les prochains jours, s’il apparaissait que plus villes sont concernées en Chine ou plus de pays ».

Le 21 janvier, lors du point presse avec Jérôme Salomon, c’était : « le risque d’introduction en France de cas liés à cet épisode est faible mais ne peut être exclu, d’autant qu’il existe des lignes aériennes directes entre la France et la ville de Wuhan ». Pour se défendre elle dit qu’elle parlait de l’introduction des cas avérés, pas de l’épidémie (bien qu’informée juste avant de la transmission humaine). 

On sent dans le livre qu’elle change rapidement d’avis dans les heures qui suivent, avec les premiers cas à Bordeaux et Paris (hôpital Bichat). Cela ne l’empêche pas non plus quelques jours plus tard « d’importer » plusieurs centaines de cas possibles avec des rapatriements de français et de beaucoup d’étrangers, leurs pays respectifs (Suisse, Allemagne,.. et même 10 mexicains) refusant de le faire.

Raoult, Perronne, Delfraissy and Co

À part Jérôme Salomon et Yazdan Yazdanpanah, personne ne trouve grâce à ses yeux. C’est vraiment la meilleure, les autres sont tous incompétents. 

Le professeur Raoult est cité 53 fois. Le 29 janvier, elle met en garde le premier ministre sur « les difficultés à gérer la communication et les malades à Marseille et lui explique mon -son- inquiétude concernant Didier Raoult, détracteur professionnel et incontrôlable. » Le 26 mars, elle se défendra d’avoir avec son mari « sabordé les recherches du Pr Raoult à l’IHU et l’aurions empêché de travailler », oubliant que le 31 janvier, elle le bloquera avec des CRS pour qu’il n’intervienne pas à Carry-le-Rouet, expliquant 2 jours avant « je redoute l’absence de coopération de Didier Raoult qui pourrait s’approprier le suivi médical des rapatriés…. Il va vouloir communiquer à tout va et être le propriétaire des prélèvements et des résultats. »

Elle explique d’ailleurs pourquoi elle ne l’aime pas, et c’est très personnel : « Mon opinion le concernant est plutôt tranchée. En effet, entre 2011 et 2016, alors que j’étais présidente de l’Institut national du cancer, Didier Raoult publiait dans l’hebdomadaire Le Point des tribunes à charge sur les mesures de prévention du cancer que l’Institut mettait en place. Puis, en janvier 2018, alors que j’étais devenue ministre, il publiait un livre expliquant que la politique vaccinale, et notamment les vaccins que j’avais rendus obligatoires pour les enfants, était incohérente, que nous n’aurions pas choisi les bons vaccins, que tout était mal fait et mal pensé. »

Quant à Christian Perronne, « il est à la maladie de Lyme ce que Didier Raoult est au coronavirus. Encore un médecin qui se croit innovant et artiste. »

Pour Jean-François Delfraissy, ce n’est pas mal non plus, et nous sommes d’accord avec elle. Elle le considère comme un arriviste, plus préoccupé par les réceptions et les plateaux télé. Elle nous apprend comment il est arrivé là : « j’apprends par hasard que la conseillère santé du Président, un peu dépassée comme je l’avais prédit par les évènements, a fait venir à l’Élysée depuis une semaine, un de ses très bons amis médecin pour l’aider. Il s’agit de Jean-François Delfraissy, qui s’est proposé spontanément de devenir le conseiller du Président pour la crise. Je crains fort que personne ne soit en capacité d’alerter convenablement le couple exécutif… », puis « ce dernier a convaincu le Président de la République de faire un Conseil scientifique auprès de lui et que, pour cela, il est en train de coopter quelques personnes de sa connaissance qui devraient l’aider à réfléchir. » On pourra constater, incidemment, qu’elle exprime la même opinion que le Pr Raoult sur la manière dont a été composé le Conseil Scientifique.

Le 11 mars elle ne manquera pas de souligner que Jean-François Delfraissy s’exprimait sur France Inter, pour dire que «  l’épidémie ne durera pas 3 ans, mais pas plus de 3 mois »! Décidément ce conseiller nommé par le président n’en ratera pas une. Encore maintenant, actuellement président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE)il découvre les effets secondaires des vaccins. Comme Agnès Buzyn, il a sorti un livre il y a 2 jours (« Un médecin au front »), on peut supposer qu’il a aussi une mémoire sélective.

Les masques

C’est l’objet principal de son livre, mais bien qu’elle revienne constamment dessus, on n’y apprend rien. Constamment elle dit qu’elle n’est pour rien dans ce fiasco (qui a commencé avant, c’est vrai), et qu’elle s’en est constamment occupée. Comment ? En demandant constamment un état des lieux, et en refusant pendant des mois de répondre aux journalistes tant qu’elle n’avait pas cet état, et l’historique demandé.

Elle aurait quand même pu en avoir conaissance plus rapidement en lisant ce blog. J’y ai consacré 2 billets, tout y est, les textes, les commandes. Elle y aurait appris ici et  que d’après les textes de loi, elle est la première responsable des commandes (Article L. 3135-1 du Code de la Santé Publique) , et que, si dans son livre elle dit qu’elle est la première à avoir commandé 28 millions de masques le 7 avril 2020, j’avais d’autres sources, avec une première commande de 1,1 million le 30 janvier (pour plusieurs masques nécessaires par jour et 67 millions d’habitants ! ). Sur ce sujet, le 18 février, Olivier Véran annonce à la presse : « La France est prête ». Des guignols. À 10 pages de la fin (page 482), Agnès Buzyn avoue : qu’« il en fallait 100 fois plus ». Elle se vante dans son ouvrage d’avoir fait dérembourser l’homéopathie, ce qui ne l’a pas empêché de pratiquer des commandes de masques à doses « homéopathiques ».

Ce qu’elle ne dit pas, et que peu de gens savent, c’est que pendant son règne, même si cela avait commencé avant, il a été détruit plus de masques qu’il n’en a été commandés, et qu’elle n’a rien fait pour stopper cela. En effet, les masques (jusqu’à plus d’un milliard) étaient stockés dans une ancienne base de l’Otan, dans la Marne, à Vitry-le-François, et que la cimenterie de Couvrot, juste à côté, était réquisitionnée pour incinérer ces masques, et que cela avait été arrêté 1 mois après son départ du Ministère de la Santé, quand le premier ministre s’en est aperçu (le 20 mars 2020).

Elle avait pourtant de bons conseillers. En effet, elle avait embauché le Dr Dauberton, généraliste dans la Marne, sorti d’on ne sait où comme conseiller. On le connaît bien à la Carmf, car il s’était mis en tête de pondre n’importe quoi comme textes, ignorant les conséquences. Il a fallu se battre et mettre un holà, il n’a pas fait long feu au ministère. Pourquoi j’en parle ? Parce que ce médecin exerçait à 12 km à vol d’oiseau du dépôt et 15 km de la cimenterie. Il devait être au courant, tout comme le voisin qui m’a appris cela, et aurait pu glisser un petit conseil à la ministre, en principe les conseillers, cela sert à ça. Et soyez sans crainte, ils sont maintenant bien gardés, avec 2 camions de CRS en permanence devant le bâtiment , 24/24.

Ordre des médecins

Petites piques au passage à l’égard de l’Ordre des médecins et de son président, on n’est pas contre. Le 29 janvier 2020, en parlant d’une réunion qu’elle organisait, elle écrit : « durant près de deux heures, la Direction générale de la santé et les experts invités partagent, documents à l’appui, un maximum d’informations. Seul le président du Conseil national de l’Ordre des médecins, le Dr Bouet, est absent (et il le sera également lors des réunions suivantes). Il s’est fait représenter par un membre de l’Ordre totalement inconnu, responsable de la communication. »

Il n’en avait rien à cirer de l’épidémie, mais cela ne l’a pas empêché de demander à ce qu’on me poursuive pour avoir voulu que l’on soigne précocement le covid. Plus loin elle écrira que l’Ordre a mis 6 semaines pour se réveiller.

Petite vérité à rappeler au passage aux syndicats de médecins, page 73 : « À partir de la fin des années 1970, le ministère décida de diminuer ce nombre (passant alors d’environ 9 000 à moins de 4 000 médecins formés au début des années 1990), cédant ainsi aux syndicats de médecins libéraux qui ne souhaitaient pas voir leurs revenus diminuer en raison d’un trop grand nombre de professionnels sur le marché ». C’est dit.

Hydroxychloroquine

J’ai gardé le meilleur et le plus scandaleux pour la fin. 

Elle ne manque pas d’attaquer l’hydroxychloroquine tout au long de l’ouvrage. Pour le Lancet elle se moque presque des spécialistes qui se sont rués sur cette publication bourrée de défauts. Pas elle, bien entendu. Mensonge par omission ? Cela m’étonnerait bien qu’elle ne s’en soit pas réjouie pendant une semaine, mais c’est vrai qu’elle est la meilleure pour anticiper.

Voici le pire, faites ce que je dis mais pas ce que je fais.

Sa mère de 80 ans attrape le covid le 21 mars 2020. Le 31 mars, après une aggravation progressive, elle est au plus mal et doit être hospitalisée (à Cochin). « on me prévient avec douceur qu’elle ne sera pas intubée même si elle n’a aucun antécédent car elle est trop âgée ; si l’oxygène ne suffit pas, ils « l’endormiront » pour qu’elle parte apaisée. »… « Je redoute de perdre ma mère ce soir. 1er avril : l’état de ma mère s’est aggravé cette nuit … Et les membres de ma famille, branchés sur les réseaux sociaux, insistent lourdement pour qu’elle ait de la chloroquine. Je botte en touche et leur réponds qu’elle est entre de bonnes mains … les membres de ma famille, branchés sur les réseaux sociaux, insistent lourdement pour qu’elle ait de la chloroquine ». Il se trouve que, manque de pot, sa mère est dans un service où l’on donne de l’hydroxychloroquine, ce qu’elle devait savoir, le réanimateur qui s’en occupe étant un de ses amis, a dû lui demander son consentement, le contraire étant confraternellement impossible connaissant sa position sur le sujet.

« 3 avril. Maman a pu avaler sa chloroquine ce soir. Visiblement tout le monde en reçoit, même à Cochin, chez ces formidables médecins. Personne n’a donc pu résister à la pression populaire. Ma famille est incroyablement soulagée et souhaiterait que je le sois aussi. Moi, je suis plutôt exaspérée mais ne veux pas les décevoir, vu la situation. À Percy (hôpital militaire où elle exerce dans une unité de pneumologie, réservée aux patients covid) aussi, ils en prescrivent à tous les patients, même si tous les collègues admettent ne pas savoir si cela a le moindre intérêt. Juste pour donner de l’espoir. Faiblesse terriblement humaine que de croire aux miracles, voire à la magie, alors qu’il aurait été si simple de le faire dans les règles. Vu le nombre de malades hospitalisés, en deux semaines la question aurait été tranchée. » Que n’a-t-elle tranché cette question en donnant les résultats du Percy, ce qu’elle s’abstient de faire.

« 5 avril. Amélioration spectaculaire de ma mère”, après 3 jours de chloroquine. Après une semaine, sans oxygène elle est prête à sortir !

« 20 avril. Ce soir, appel du Général, médecin chef de Percy. Un malade sorti de l’hôpital la semaine dernière et qui m’avait reconnue, se répand sur les plateaux de télé pour dire que je lui ai prescrit de l’hydroxychloroquine. Cela fait les gorges chaudes de BFM et de Libération qui vont pouvoir écrire encore un truc sur moi, totalement inintéressant… L’état-major du service de santé des Armées est en émoi, et demande ce qu’il doit répondre aux journalistes… Les pauvres, comme s’ils n’avaient que cela à faire en ce moment ! Je leur dis que je n’ai pas prescrit de la chloroquine mais juste renouvelé le protocole de traitement du service qui prévoyait de l’hydroxychloroquine pour certains patients. »

Si on résume : « ma famille insistait, mais je ne voulais pas. Ce n’est pas moi qui lui ai donné, c’est les autres, et si elle a rapidement guéri en 3 jours, après 10 jours d’aggravation, c’est une coïncidence, et surtout grâce aux corticoïdes ». Des centaines de publications (toutes à l’étranger) sur les bienfaits de l’hydroxychloroquine, mais pas une sur les effets spectaculaires des corticoïdes pour guérir le covid. Idem au Percy, « ce n’est pas moi qui ai prescrit, même si j’ai renouvelé la prescription ».

Elle interdit qu’on en donne aux patients, mais n’interdit pas quand il s’agit de sa mère. Cela me rappelle aussi Olivier Véran, qui confirmait à un de ses confrères neurologue de Grenoble qu’il pouvait prendre de l’hydroxychloroquine à titre compassionnel, la semaine où il sortait le décret pour en interdire la distribution pour les français.

Quand est-ce que l’Ordre des Médecins s’occupera de l’éthique chez ces médecins qui ternissent l’image de la médecine ?

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.