09 octobre 2023

Deuxième Guerre du Kippour : ce qu’on sait au lendemain de l’attaque surprise des Palestiniens



“Deuxième Guerre du Kippour” ? Le 6 octobre 1973, voilà exactement cinquante ans, l’armée égyptienne avait effectué une attaque surprise contre Israël. C’était au moment de la fête de Kippour (L’Expiation) : un demi-siècle plus tard, on était un peu plus tard dans le calendrier liturgique juif mais bien encore dans le cycle de trois semaines de fêtes qui va du Nouvel An (Roch HaChanah,16 septembre en 2023) à la fête de “Joie de la Torah” (Chim’hat Torah, ce 8 octobre) en passant par Kippour (25 septembre 2023) et la fête des Cabanes (Soukkot 30 septembre-7 octobre). Les Palestiniens ont en plus attaqué un samedi (Chabbat), jour de repos. L’effet de surprise était garanti, comme en 1973. Ajoutons-y la capacité à passer sous le radar du boucler technologique dont Israël était si fier. L’effet psychologique est terrible. Il va demander à Israël une adaptation rapide dans un environnement où l’État hébreu ne peut plus se payer le luxe d’un refus du compromis et de la négociation : l’influence diplomatique des Américains décline à vue d’œil et les grands États (Égypte, Arabie Saoudite, Iran, Russie, Turquie) aspirent à une stabilisation de la région.
 
Au lendemain de l’attaque surprise contre Israël, un jour de Chabbat, au dernier jour de la fête de Soukkot, on peut parler sans aucun doute d’un coup terrible porté à l’Etat d’Israël :

Le service de presse du gouvernement israélien a confirmé le 8 octobre qu’au moins 100 Israéliens avaient été capturés par des factions armées palestiniennes.

Dans une infographie publiée sur sa page Facebook, le service de presse a écrit que “plus de 100 personnes ont été enlevées, plus de 2 000 personnes ont été blessées, plus de 600 personnes ont été tuées” lors de l’attaque.

Jusqu’à présent, Israël a refusé de confirmer le nombre de civils ou de militaires retenus en otage dans la bande de Gaza. Selon les médias hébreux, au moins 170 personnes seraient retenues en captivité dans l’enclave palestinienne. Au total, 750 personnes seraient toujours portées disparues depuis le début de l’attaque surprise, le 7 octobre.

Des factions palestiniennes dirigées par le mouvement Hamas ont lancé l’attaque depuis Gaza dans la matinée. L’attaque, dont le nom de code est “Déluge d’Al-Aqsa”, a commencé par un barrage de centaines de roquettes qui ont visé le sud et le centre d’Israël. Plusieurs groupes de combattants palestiniens se sont ensuite infiltrés dans les colonies et les positions militaires voisines depuis la terre, la mer et les airs. (…)

L’attaque palestinienne contre Israël s’est soldée par de lourdes pertes. Selon le dernier bilan des autorités israéliennes, plus de 650 civils et militaires ont été tués. Le ministère de la santé a déclaré qu’au moins 2 156 autres personnes ont été blessées et traitées dans les hôpitaux jusqu’à présent.

Parmi elles, 20 sont dans un état critique, 338 dans un état grave, 421 dans un état modéré, 1 052 dans un état léger, 49 sont traitées pour une anxiété sévère et 167 sont encore en cours d’évaluation par les responsables médicaux. southfront.org, 8 octobre 2023

Pour l’instant, l’armée israélienne a réagi brutalement mais sans réussir à renverser la situation :

Les frappes de représailles israéliennes ont jusqu’à présent coûté la vie à 370 Palestiniens, dont 20 enfants, selon le ministère de la santé de Gaza, dirigé par le Hamas, qui précise que plus de 2 200 autres personnes ont été blessées.

Le 8 octobre au soir, l’armée et les forces de sécurité israéliennes luttent toujours pour reprendre le contrôle de la position militaire et des colonies qui ont été capturées par les combattants palestiniens dans les premières heures de l’attaque.

Le cabinet de sécurité israélien a officiellement déclaré le pays en état de guerre et donné son feu vert à des “activités militaires significatives”, ce qui signifie que la bataille actuelle pourrait durer des semaines, voire des mois southfront.org, 8 octobre 2023.
 
Drones et “facteur humain” ont neutralisé le “Dôme”

Attaques coordonnées de roquettes et de drones. Infiltrations spectaculaires de combattants. En quelques heures, les Palestiniens ont ridiculisé le bouclier technologique très sophistiqué de l’armée occidentale la mieux équipée après l’armée américaine. Donnons simplement une vidéo montrée sur la chaîne Al-Jazeera, qui montre cette infiltration au sol et par les airs :



Et cet autre, qui montre un char israélien détruit par un drone kamikaze – une image qui rappelle celles des chars occidentaux brûlant en Ukraine.



Visiblement, les Palestiniens ont – avec ceux qui les conseillent éventuellement – bien observé ce qui se passe sur le champ de bataille en Ukraine, où les Russes ont l’habitude, désormais, dans leurs bombardements nocturnes, d’utiliser des drones kamikazes, autant sinon plus que des missiles de précision. 

Chaos consécutif à l’affaiblissement américain dans la région

Ce qui se passe est très clairement une conséquence de l’affaiblissement américain dans la région.

+ Le déclin américain a commencé le 30 août 2013, lorsque Barack Obama a refusé de bombarder la Syrie. A partir de là, les menaces américaines n’ont plus été prises au sérieux dans la région. Entre 2015 et 2018, c’est la Russie et non les États-Unis qui a détruit Daech. Le piteux retrait américain d’Afghanistan, avec Joe Biden a fait le reste

+ Donald Trump avait redonné de la cohérence à la politique américaine en abandonnant la recherche d’un compromis avec Téhéran et en resserrant les liens avec l’Arabie Saoudite et le monde sunnite. Cette politique a été aussitôt abandonnée par l’équipe Biden. Résultat : plus personne ne fait confiance aux EÉtats-Unis Même Israël cherche des éléments d’alternative au protectorat américain, à commencer par la Russie (d’où le refus israélien de soutenir l’Ukraine).

+ L’Iran apparaît comme le grand vainqueur de la nouvelle donne géopolitique. Donald Trump avait dénoncé l’accord par lequel Téhéran s’engageait à limiter son industrie nucléaire en échange de la levée des sanctions. La guerre d’Ukraine a empêché que soit signé un nouvel accord.

Il se dit beaucoup depuis deux jours que l’Iran est derrière l’attaque du Hamas. Effectivement, l’utilisation des drones est un des sujets sur lequel l’armée iranienne est la plus avancée. Il se dit aussi que l’objectif de l’attaque est de ralentir sinon faire échouer le rapprochement en cours entre l’Arabie Saoudite et Israël. 

La douloureuse recherche d’un nouvel équilibre régional

Personne ne peut dire actuellement qu’elle va être l’intensité des combats. Les deux parties qui se font face, en effet, le Hamas et Israël, sont dépendants de soutiens extérieurs.

Entre 2000 et 2020, les Israéliens ont aspiré à déclencher une guerre contre l’Iran. C’est devenu aujourd’hui peu probable dans la mesure où l’Iran, qui sort progressivement des contraintes posées par les sanctions américaines, s’insère dans un jeu diplomatique complexe où pèsent la Russie et la Chine. La Chine vient par exemple de présider à un rapprochement entre l’Arabie Saoudite et l’Iran.

Évidemment, l’Iran, voyant l’Arabie Saoudite se rapprocher d’Israël, peut se dire qu’il existe une courte fenêtre de tir pour faire monter les enchères et limiter la portée d’un accord, sinon le neutraliser. Là aussi, cependant, le jeu iranien est limité : aussi bien par la Russie qui veille aux intérêts du million de Juifs russophones que compte Israël ; que la Turquie, qui a besoin d’une Méditerranée orientale apaisée.

Reste l’inconnue : la capacité d’Israël à changer de méthode. Pendant quarante ans le bouclier américain a incité les Israéliens à faire le moins de compromis possibles. A présent que le monde entre dans l’ère des jeux diplomatiques complexes et des alliances enchevêtrées, l’État hébreu va devoir changer de méthode. Bennett et Netanyahou avaient commencé, en refusant de prendre parti dans le conflit ukrainien.

Mais quand Israël est concerné directement par un conflit, la disposition au compromis va vraisemblablement s’apprendre dans la douleur. 

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/10/08/deuxieme-guerre-du-kippour-ce-quon-sait-au-lendemain-de-lattaque-surprise-des-palestiniens/

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