13 septembre 2023

Rassurez-vous : nous ne sommes pas (encore) en dictature !

Les canicules, réelles ou fantasmées, sont parfois fort utiles pour faire passer de jolis textes scélérats : la moiteur de l’été autorise beaucoup de fourberies et l’actuel pouvoir, jamais en retard d’une duplicité, n’a pas hésité la saison venue. Le 1er août dernier entrait en force la loi de programmation militaire (définitivement votée courant juillet) et introduit avec celle-ci une petite réforme des réquisitions de derrière les fagots qui n’a guère été commentée.

C’est dommage, parce que – comme on pouvait s’y attendre avec les aigrefins actuellement au pouvoir – les abus possibles sont maintenant absolument énormes.

Certes, les médias de grand public n’ont pas eu de mal à pointer que cette nouvelle programmation militaire qui s’étend jusqu’en 2030 permet une croissance du budget de l’armée de 40% ce qui permettrait d’envisager le renouvellement et l’amélioration des matériels et des stocks des militaires français. Pour une armée qui, on le sait, tombe en lambeaux et qui serait bien incapable de tenir plus de quelques jours en cas de conflit de forte intensité avec un adversaire à sa taille, cette loi permettrait donc de redonner progressivement à la France quelques chances de protéger sa population.

Cependant et comme bien souvent dans ce pays, cette loi aura aussi été le prétexte à réformer quelques autres aspects dont celui du régime des réquisitions dont le législateur estimait – c’est pratique, la situation est évidemment tellement différente en 2023 que celle de 2020 ou 2015 ! – qu’il n’était pas adapté aux situations d’urgence.

C’est bien sûr un pur hasard que la France se place, tristement, en situation d’urgences diverses et variées depuis que Macron est au pouvoir. Voguant de crises économiques en crises sanitaires puis militaires et autres, déclenchant des urgences à qui mieux-mieux, on imagine sans mal que réformer les réquisitions sous ce prétexte est vite apparu comme un trophée trop joufflu pour passer à côté.

Et avec cette nouvelle loi, son article 47 qui modifie l’article L.2211-1 du code de la défense donne maintenant le pouvoir au Premier Ministre de prendre toutes les mesures qu’il estime nécessaire pour réquisitionner des biens, des personnes ou des services. Charge au pouvoir règlementaire (des administrations, en somme) de fixer la nature de ces réquisitions.

Autrement dit, le législateur, dans sa grande clairvoyance, donne carte blanche au Premier Ministre pour prendre toute mesure qu’il estime justifiée dans une redite à peine édulcorée de ce qui a existé pendant la période de pass sanitaire puis vaccinal.

Ceci n’est pas, malheureusement, une exagération : les textes entourant le nouveau mode opératoire de ces réquisition sont flous et particulièrement larges. La lecture de l’article 2212-1 revient à balayer à peu près tout et n’importe quoi, à coups de “menace, actuelle ou prévisible” et à couvrir absolument toutes les guignes qui peuvent subvenir sur le pays, depuis le pépin constitutionnel jusqu’à l’invasion de sauterelles mutantes en passant probablement par une nouvelle éruption de Gilets jaunes ou un équivalent.

En somme, les réquisitions qui s’entendaient jusqu’à présent dans le cadre militaire – typiquement lorsque survenait une attaque ou menace d’attaque sur le sol français – débordent maintenant allègrement de ce cadre pour venir englober toute un panoplie de nouvelles urgences dont la définition précise appartiendra au pouvoir (qui veut votre bien, je vous le rappelle ah ah ah).

Devant cette toute nouvelle décontraction insolente de la réquisition, on ne devra pas s’étonner en apprenant que cette loi fut votée en procédure accélérée, en plein été et alors que tout le monde avait les yeux braqués sur les émeutes de banlieue et les bulletins de météos alarmisto-hystériques aux couleurs cramoisies. Ici, on ne fera pas le lien avec ces lois qui furent poussées, en catimini et en vitesse, à la fin de l’année 2019, pour interdire à la vente libre certains produits pharmaceutiques dont on découvrira quelques mois plus tard qu’ils auraient été utiles dans la lutte contre un petit virus coquin. Les prochains mois de 2023 verront-ils l’une ou l’autre urgence, coïncidence subtile qui nécessitera justement l’application de ces nouveaux principes réquisitoires ?

On peut se poser la question.

Mais avec ce qui est maintenant en place, si, par malheur, dans un futur proche (par exemple, à la faveur de la prochaine élection présidentielle), une personnalité politique un peu moins équilibrée et respectueuse de la démocratie que notre actuel et brillant chef de l’État décidait de sombrer dans la dictature pure et dure, cette personnalité trouverait alors tous les outils pour y parvenir sans forcer la moindre loi, sans casser le moindre processus, sans froisser le moindre petit parlementaire.

Pratique, non ?

À ce point du constat, on est obligé de faire un petit panorama de qui se met en place actuellement en France.

Car en plus de cette réforme quelque peu cavalière des réquisitions, n’oublions pas ces propositions de loi remaniant assez profondément la propriété immobilière et qui, comme l’explique ce récent article, aboutissent à fournir de nouvelles facilités pour une expropriation efficace et très détendue des propriétaires immobiliers dans le pays.

Si l’on a l’impudence d’y ajouter la volonté, ouvertement vocalisés, de l’actuel Président de renquiller pour un troisième mandat quand bien même l’actuelle Constitution l’en empêche (pour le moment), on ne peut que s’interroger sur la direction prise par la Cinquième République et l’actuel pouvoir.

Heureusement, de nombreux mammifères citoyens, le groin humide mais l’œil tremblant d’une colère difficilement contenue, nous rappelleront avec véhémence que non, nous ne sommes pas en dictature, qu’on est encore loin de la Corée du Nord, et qu’on peut, à ce titre, garder notre sang-froid, non mais franchement.

C’est exact, mais pour combien de temps ?

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