Sources de variabilité de certains phénomènes terrestres et solaires.
En tant qu’anciens membres du département de géomagnétisme de l’IPGP (Institut de Physique du Globe de Paris), nous avons toujours gardé un intérêt pour les relations Soleil-Terre. En tant que responsables d’observatoires géophysiques, nous avons toujours porté la plus grande attention aux longues séries d’observations et par conséquent aux méthodes d’analyse des séries temporelles. Depuis environ cinq ans, nous avons entrepris une étude systématique de plusieurs longues séries d’observations enregistrées à travers le globe (« longue » signifie de plusieurs décennies à trois siècles).
Le programme de recherche a été très productif, avec la publication de quelque 24 articles au cours des cinq dernières années (tous disponibles gratuitement en ligne ; références à la fin de cette note). Les articles ont été publiés dans un ensemble de revues très diverses, principalement en géophysique et en astrophysique (au sens large). Parce que nous sommes issus de la communauté de la géophysique de la Terre solide, il n’a pas toujours été facile au début d’être reconnu. Ainsi, nous avons publié dans les revues où publiaient nos collègues français du GIEC, comme Cryosphere ou Earth and Planetary Science Letters , MDPI ou Frontiers .. En conséquence, les lecteurs ont peut-être eu du mal à appréhender la situation dans son ensemble. Cette courte note vise à tenter de dresser un tableau plus large, à souligner certaines de ses conséquences dans l’esprit du titre de l’article, et à donner des références complètes aux articles publiés dans le cadre du programme.
Nous avons d’abord déterminé le contenu spectral de nombreuses longues séries d’observations, en utilisant soit la méthode des ondelettes (WM), soit l’analyse du spectre singulier (SSA).
Ces séries comprennent la température moyenne mondiale et la pression de la basse atmosphère, un certain nombre d’indices liés au climat, l’activité solaire à travers les taches solaires, la durée du jour, les indices géomagnétiques, l’étendue de la glace de mer à haute latitude, et plus encore…
La SSA permet de décomposer (d’une manière qui a du sens a posteriori) une série temporelle en une tendance douce et une série de composants caractérisés par des périodicités spécifiques ou des pseudo-périodes, sur la base desquelles la série peut être filtrée et reconstruite.
Nous avons d’abord appliqué la méthode à la série de nombres de taches solaires. La série a pu être reconstituée de manière satisfaisante à partir d’une simple tendance (plutôt plate) et de deux composantes avec des périodes de 11 ans (cycle de Schwabe) et de 90 ans (cycle de Gleissberg). Plus intéressant encore, ces composants permettent de construire un modèle précis et robuste de l’activité solaire et de prédire (jusqu’à présent assez précisément) le cycle des taches solaires en cours et au-delà [réf. 1, 2, 3].
Nous avons ensuite déterminé les composantes SSA de la durée du jour (ou vitesse de rotation de la Terre) et les mouvements du pôle de rotation de notre planète. Aux cycles Schwabe et Gleissberg pourraient ainsi s’ajouter les cycles Hale (~22 ans) et Jose (~160 ans) [réf 4, 5, 6].
Nous avons également analysé les marégraphes et les changements du niveau de la mer [réf. 7, 8].
Dans toutes ces séries on a pu reconnaître les signatures des quatre planètes joviennes (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) : c’est à dire leurs périodes de rotation et nombre de leurs périodes « commensurables ».
Cela plaide en faveur d’un mécanisme impliquant des échanges de moment cinétique entre le Soleil, la Terre et les planètes. Les variations de l’inclinaison de l’axe de rotation dues à ce couplage affectent à leur tour l’insolation, de la même manière qu’illustrent les cycles de Milankovic sur des périodes beaucoup plus longues (de plusieurs dizaines de milliers à des millions d’années).
Les principales composantes évoquées ci-dessus sont communes (en tout ou partie) à toutes les séries que nous avons analysées [réf 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 ].
Le fait que ces séries de composants se retrouvent dans la mécanique de rotation des planètes et dans de nombreux phénomènes liés à la Terre plaide en faveur d’une relation causale (de forçage) qui ne peut fonctionner que dans un sens.
Les composantes que l’on retrouve dans le niveau de la mer, la pression, la température… doivent provenir d’une chaîne causale allant (1) des planètes joviennes au Soleil (ou directement à la Terre), puis (2) aux changements d’inclinaison de l’axe de rotation terrestre, avec (3 ) conséquences sur les changements d’ensoleillement (donc le climat), le niveau de la mer et les marées [réf 8, 10, 17].
Nous notons que les tendances pourraient en réalité correspondre à d’autres composantes pseudo-périodiques avec des pseudo-périodes beaucoup plus longues (plus longues que l’intervalle des données).
En conséquence, nous soutenons qu’une très grande partie des variations géophysiques et atmosphériques couvertes par les séries que nous avons analysées semblent avoir une origine externe (astronomique ou gravitationnelle).
Les effets perturbateurs des planètes géantes correspondent à un ensemble remarquable de fréquences [réf 5, 19] qui modulent (forcent) l’activité solaire, les variations d’inclinaison de la rotation terrestre, de nombreux paramètres terrestres parmi lesquels le niveau de la mer, les indices océanographiques, la mer – glace. et enfin la température.
Ces composants n’ont en général pas encore été modélisés. Ces œuvres éclairent et sont à leur tour éclairées par les œuvres de géants, les Legendre, Laplace, Lagrange et Poisson, qui a révolutionné la géophysique [réf 25, 26, 27, 28]. Le cœur de leur physique élégante explique bien les observations minutieuses recueillies au cours des 200 dernières années.
Les premiers résultats de notre programme de recherche ont été discutés lors d’un séminaire informel à l’Académie des Sciences de Paris en mai dernier. Une vingtaine de membres de l’académie y ont participé et une discussion ouverte et animée a suivi. Nous espérons que cette attitude ouverte et véritablement scientifique prévaudra.
A propos des auteurs . Vincent Courtillot (courtil@ipgp.fr) et Jean-Louis Le Mouël sont tous deux professeurs émérites de géophysique à l’Université de Paris, membres de l’Académie des sciences de Paris et anciens directeurs de l’Institut de Physique du Globe de Paris. Fernand Lopes (lopesf@ipgp.fr), également ancien de l’IPGP, aujourd’hui au Musée National d’Histoire Naturelle, est ingénieur de recherche titulaire d’un doctorat en géophysique et spécialisé en informatique, problèmes inverses et analyse de séries temporelles.
Articles publiés dans le cadre de cette recherche :
• [ réf 1 ]
Le Mouël, JL, Lopes, F., Courtillot, V. (2017). Identification des
cycles du Gleissberg et tendance à la hausse dans une série de 315 ans
de nombres de taches solaires. Physique Solaire, 292(3), 43.
• [ réf 2 ] Le Mouël, JL, Lopes, F., Courtillot, V. (2020). Turbulence solaire à partir des enregistrements de taches solaires. Avis mensuels de la Royal Astronomical Society, 492(1), 1416-1420.
• [ réf 3 ] Courtillot, V., Lopes, F., Le Mouël, JL (2021). Sur la prédiction des cycles solaires. Physique solaire, 296, 1-23.
• [ réf 4] Le Mouël, JL, Lopes, F., Courtillot, V., Gibert, D. (2019). Sur les forçages de changements de durée du jour : Des oscillations de 9 jours à 18,6 ans. Physique de la Terre et intérieurs planétaires, 292, 1-11.
• [ réf 5 ] Lopes, F., Le Mouël, JL, Courtillot, V., Gibert, D. (2021). Sur les épaules de Laplace. Physique de la Terre et intérieurs planétaires, 316, 106693.
• [ réf 6 ] Lopes, F., Courtillot, V., Gibert, D., Mouël, JLL (2022). Sur deux formulations du mouvement polaire et identification de ses sources. Géosciences, 12(11), 398.
• [ réf 7] Le Mouël, JL, Lopes, F., Courtillot, V. (2021). Changement du niveau de la mer au marégraphe de Brest (France) et composante de Markowitz de la rotation terrestre. Journal de recherche côtière, 37(4), 683-690.
• [ réf 8 ] Courtillot, V., Le Mouël, JL, Lopes, F., Gibert, D. (2022). Sur le changement du niveau de la mer dans les zones côtières. Journal of Marine Science and Engineering, 10(12), 1871.
• [ réf 9 ] Lopes, F., Courtillot, V., Gibert, D., Le Mouël, JL (2022). Étendre la gamme des cycles de Milankovic et les variations de température mondiale qui en résultent à des périodes plus courtes (plage de 1 à 100 ans). Géosciences, 12(12), 448.
• [ réf 10 ] Courtillot, V., Lopes, F., Gibert, D., Boulé, JB, Le Mouël, JL (2023). Sur les variations de la température moyenne globale de surface : Quand Laplace rencontre Milankovic. Préimpression arXiv arXiv:2306.03442. (en sous)
• [ réf 11 ] Courtillot, V., Le Mouël, JL, Kossobokov, V., Gibert, D., Lopes, F. (2013). Tendances multidécennales de la température de surface mondiale : une ligne brisée avec des segments linéaires alternés d’environ 30 ans ?. Sciences de l’atmosphère et du climat, 3, 364-371.
• [ réf 12 ] Le Mouël, JL, Lopes, F., Courtillot, V. (2019). Une signature solaire dans de nombreux indices climatiques. Journal de recherche géophysique : Atmosphères, 124(5), 2600-2619.
• [ réf 13 ] Le Mouël, JL, Lopes, F., Courtillot, V. (2019). Analyse spectrale singulière des indices géomagnétiques aa et Dst. Journal de recherche géophysique : Physique spatiale, 124(8), 6403-6417.
• [ réf 14 ] Le Mouël, JL, Lopes, F., & Courtillot, V. (2020). Échelles de temps caractéristiques des changements décennaux à centenaires des températures de surface mondiales au cours des 150 dernières années. Sciences de la Terre et de l’espace, 7(4), e2019EA000671.
• [ réf 15] Dumont, S., Le Mouël, JL, Courtillot, V., Lopes, F., Sigmundsson, F., Coppola, D., … Bean, CJ (2020). La dynamique d’une éruption effusive de longue durée modulée par les marées terrestres. Lettres des sciences de la Terre et des planètes, 536, 116145.
• [ réf 16 ] Le Mouël, JL, Lopes, F., Courtillot, V. (2021). Un lien étroit entre les variations de l’étendue des glaces de mer et la pression atmosphérique mondiale ?. Les discussions sur la cryosphère, 1-28.
• [ réf 17 ] Lopes, F., Zuddas, P., Courtillot, V., Le Mouël, JL, Boulé, JB, Maineult, A., Gèze, M. (2021). Pseudo-cycles de Milankovic enregistrés dans les sédiments et les carottes de glace extraits par analyse de spectre singulier. Climat des discussions passées, 1-17.
• [ réf 18] Lopes, F., Courtillot, V., & Le Mouël, JL (2022). Triskeles et symétries de la pression mondiale moyenne au niveau de la mer. Atmosphère, 13(9), 1354.
• [ réf 19 ] Lopes, F., Courtillot, V., Gibert, D., Le Mouël, JL, Boulé, JB (2022). Sur les perturbations pseudo-périodiques des orbites planétaires et les oscillations de rotation et de révolution de la Terre : la formulation de Lagrange. Préimpression arXiv arXiv:2209.07213.
• [ réf 20 ] Courtillot, V., Le Mouël, JL, Lopes, F., Gibert, D. (2022). Sur la nature et l’origine des oscillations atmosphériques annuelles et semestrielles. Atmosphère, 13(11), 1907.
• [ réf 21] Lopes, F., Courtillot, V., Gibert, D., Mouël, JLL (2023). Sur les composantes annuelles et semestrielles des variations de l’étendue des glaces de mer de l’Arctique et de l’Antarctique. Géosciences, 13(1), 21.
• [ réf. 22 ] Le Mouël, JL, Gibert, D., Courtillot, V., Dumont, S., Ars, J., Petrosino, S., … Geze, M. ( 2023). Sur le forçage externe de l’activité éruptive globale au cours des 300 dernières années. Préimpression arXiv arXiv :2304.09564. (juste accepté dans Frontiers in Geosciences)
• [ ref 23 ] Courtillot, V., Boulé, JB, Le Mouël, JL, Gibert, D., Zuddas, P., Maineult, A., … & Lopes, F. (2023 ). Une forêt vivante de genévriers du Tibet comme nouveau type d’observatoire astronomique et géophysique. Impressions électroniques arXiv, arXiv-2306. (en sous)
• [ réf 24] Le Mouël, JL, Lopes, F., Courtillot, V., Gibert, D., & Boulé, JB (2023). Le champ magnétique terrestre est-il constant ? un héritage de Poisson. Géosciences, 13(7), 202.
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