01 septembre 2023

Bill Gates : « Pourquoi je suis devenu philanthrope »

Bill Gates, cofondateur de Microsoft et de la Fondation Bill & Melinda Gates, était l’invité, lundi 24 octobre, du Club de l’économie du « Monde ». Il raconte le choc qu’a été son premier voyage en Afrique avec  son épouse, et la genèse de son programme pour la vaccination.

"Mes parents m’ont beaucoup appris au sujet de la philanthropie. L’idée de servir la communauté a également été une part importante de l’éducation de ma femme, Melinda."

Mais notre premier voyage en Afrique, en 1993, a changé notre vision des choses. Nous étions en vacances et les paysages étaient magnifiques. Les gens se montraient amicaux, mais la très grande pauvreté que nous avons découverte à cette occasion nous a bouleversés.

Une fois rentrés chez nous, nous avons énormément lu et avons discuté avec beaucoup de personnes afin de comprendre comment on se retrouve pris au piège de la pauvreté. Un des points qui nous est assez vite apparu évident est qu’il est impossible de rompre le cycle de la pauvreté quand on n’est pas en bonne santé.

Fournir des médicaments

Nous avons été choqués d’apprendre que dans les pays pauvres des millions d’enfants mouraient chaque année de maladies évitables, pour la seule raison qu’ils n’étaient pas immunisés. Cela nous a amenés à nous poser deux questions. Comment remédier à cette situation ? Et que pouvons-nous faire pour y contribuer ?

Nous avons pris conscience que l’absence d’un mécanisme capable de procurer vaccins et médicaments aux enfants des pays pauvres constituait l’un des plus gros problèmes. Les pays en développement n’avaient pas les moyens de les financer. Et les compagnies pharmaceutiques n’avaient aucun intérêt commercial à investir dans la fourniture de médicaments aux régions les plus pauvres.

Nous nous sommes dit que si l’on corrigeait cette faille du marché, il serait possible de fournir des médicaments aux régions qui en avaient le plus besoin. Notre fondation pouvait jouer le rôle de catalyseur, mais nous étions conscients que les secteurs public et privé seraient une grosse partie de la solution.

Un nouveau type de partenariat

L’une des premières choses que nous avons faite a été de fournir les fonds de démarrage d’un nouveau type de partenariat mondial baptisé « GAVI » [Global Alliance for Vaccines and Immunization, Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination]. L’idée de base de GAVI est de mettre en commun la demande de vaccins de dizaines de pays parmi les plus pauvres et d’harmoniser les ressources financières de ces pays avec l’aide au développement fournie par des pays donateurs.

« Nous avons aidé les pays en développement à vacciner 580 millions d’enfants »

Cela a admirablement bien fonctionné. La semaine dernière encore, GAVI – en collaboration avec l’Unicef – a pu obtenir le prix le plus bas jamais pratiqué pour les cinq vaccins de base dont tout enfant doit bénéficier.

Depuis sa création, en 2000, GAVI a aidé les pays en développement à vacciner 580 millions d’enfants, ce qui a permis d’éviter plus de 8 millions de décès. La France a contribué de manière généreuse et régulière à GAVI et nous espérons qu’elle continuera à le faire.

Sida, la tuberculose et le paludisme

Lors des débuts de notre fondation, le sida, la tuberculose et le paludisme étaient d’énormes épidémies qui tuaient 6 millions de personnes par an. C’est pourquoi nous avons, avec d’autres, créé le Fonds mondial, un mécanisme de financement innovant qui, comme GAVI, aligne la demande des pays en développement avec les ressources des gouvernements et d’autres donateurs tels que notre fondation.

Au cours des trois dernières années, le Fonds mondial a pu réduire de plus de 600 millions de dollars le coût des médicaments indispensables pour sauver des vies. Cela nous a permis de proposer à des millions de personnes une thérapie antirétrovirale contre le sida, des traitements contre la tuberculose et des moustiquaires traitées à l’insecticide contre le paludisme.

Jusqu’à présent, ces initiatives ont permis de sauver 20 millions de vies, grâce, pour une bonne partie, à la France, qui a été le plus gros contributeur européen au Fonds mondial depuis sa création.

Pour la polio, il ne reste plus que quelques cas dans trois pays et nous espérons que cette maladie sera éradiquée l’année prochaine. En ce qui concerne le paludisme, dont nous sommes les premiers financeurs pour la recherche, nous espérons voir son éradication de notre vivant, d’ici vingt-cinq ans.

Accès à la contraception

Nous appliquons les leçons apprises à d’autres questions, comme l’accès à la contraception. Il existe une énorme demande, non satisfaite, de la part des femmes de nombreux pays pauvres, pour des méthodes contraceptives modernes, notamment des implants.

En garantissant un certain volume de vente d’implants dans les pays pauvres, nous avons été en mesure d’aider les principaux fabricants à réduire les prix d’environ 50 %. Mais nous devons également faire en sorte que les femmes obtiennent les contraceptifs qu’elles souhaitent et l’information dont elles ont besoin afin de décider pour elles-mêmes.

L’une des initiatives les plus réussies en ce domaine est le Partenariat de Ouagadougou. La France est un partenaire essentiel de ce programme, mis en place il y a quelques années pour permettre aux femmes de l’Afrique de l’Ouest francophone d’avoir accès à des contraceptifs modernes. Le partenariat a déjà concerné un million de femmes et prévoit d’en atteindre deux autres millions d’ici à 2020.

Optimiste

La réussite de telles initiatives collaboratives est ce qui me rend optimiste pour l’avenir. Elles sont la preuve que lorsque gouvernements, entreprises, sociétés civiles et philanthropes se rassemblent autour d’un objectif commun, les résultats peuvent être extraordinaires.

« J’espère que chacun conviendra qu’aider les pauvres est quelque chose qui transcende les idéologies politiques »

J’espère que chacun conviendra qu’aider les pauvres est quelque chose qui transcende les idéologies politiques. Lorsque nous travaillons ensemble et tendons une main compatissante aux plus vulnérables, nous modifions le cours de l’Histoire. Et nous exprimons la meilleure part de nous-mêmes. »

(Traduit de l’anglais par Gilles Berton)

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.