Il faut relire ou découvrir ce texte important qui reproche au pouvoir (britannique ici) ses excès : il a été écrit par un libertarien nommé Jefferson qui l’a même traduit en français. Voici pourquoi il faut se révolter selon lui :
Lorsque, dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’ont attaché à un autre et de prendre, parmi les puissances de la Terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû à l’opinion de l’humanité oblige à déclarer les causes qui le déterminent à la séparation.
On pourrait en prendre de la graine.
Murray Rothbard a dit justement que la Guerre d’Indépendance était la seule guerre justifiée des USA. Depuis il y en a eu quelques centaines et il y a eu de fantastiques abus d’un pouvoir caractéristique de ce que Jouvenel a appelé la démocratie totalitaire. L’administration Biden est la plus folle de toute l’Histoire du monde, qui nous promet une apocalypse guerrière, vaccinale, écologiste, financière, c’est selon.
Jefferson comme saint Thomas d’Aquin (voyez mon recueil sur le christianisme traditionnel) légitime la révolte contre la tyrannie :
Mais lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future. Telle a été la patience de ces Colonies, et telle est aujourd’hui la nécessité qui les force à changer leurs anciens systèmes de gouvernement. L’histoire du roi actuel de Grande-Bretagne est l’histoire d’une série d’injustices et d’usurpations répétées, qui toutes avaient pour but direct l’établissement d’une tyrannie absolue sur ces États.
Chose amusante, dans ce court texte de trois pages, Jefferson dénonce l’intervention de l’Etat britannique en matière migratoire :
Il a cherché à mettre obstacle à l’accroissement de la population de ces États. Dans ce but, il a mis empêchement à l’exécution des lois pour la naturalisation des étrangers; il a refusé d’en rendre d’autres pour encourager leur émigration dans ces contrées, et il a élevé les conditions pour les nouvelles acquisitions de terres.
Les juges ont peu de pouvoirs :
Il a entravé l’administration de la justice en refusant sa sanction à des lois pour l’établissement de pouvoirs judiciaires. Il a rendu les juges dépendants de sa seule volonté, pour la durée de leurs offices et pour le taux et le paiement de leurs appointements.
Intéressant le pullulement de fonctionnaires dont a parlé très bien Tocqueville pour la France (et Marx aussi dans son Dix-Huit Brumaire) :
Il a créé une multitude d’emplois et envoyé dans ce pays des essaims de nouveaux employés pour vexer notre peuple et dévorer sa substance. Il a entretenu parmi nous, en temps de paix, des armées permanentes sans le consentement de nos législatures. Il a affecté de rendre le pouvoir militaire indépendant de l’autorité civile et même supérieur à elle.
Jefferson fait allusion aux mercenaires étrangers :
En ce moment même, il transporte de grandes armées de mercenaires étrangers pour accomplir l’œuvre de mort, de désolation et de tyrannie qui a été commencée avec des circonstances de cruauté et de perfidie dont on aurait peine à trouver des exemples dans les siècles les plus barbares, et qui sont tout à fait indignes du chef d’une nation civilisée.
Au passage il écorche les Indiens connus pour leur cruauté vis-à-vis des femmes et des enfants (voir le texte de mon ami Fred Reed sur unz.com) :
Il a excité parmi nous l’insurrection domestique, et il a cherché à attirer sur les habitants de nos frontières les Indiens, ces sauvages sans pitié, dont la manière bien connue de faire la guerre est de tout massacrer, sans distinction d’âge, de sexe ni de condition.
Jefferson rappelle ses efforts :
Dans tout le cours de ces oppressions, nous avons demandé justice dans les termes les plus humbles ; nos pétitions répétées n’ont reçu pour réponse que des injustices répétées. Un prince dont le caractère est ainsi marqué par les actions qui peuvent signaler un tyran est impropre à gouverner un peuple libre.
Jefferson a aussi essayé d’influencer les Anglais ; en vain (voir les textes féroces de Samuel Johnson à ce propos) :
Nous avons fait appel à leur justice et à leur magnanimité naturelle, et nous les avons conjurés, au nom des liens d’une commune origine, de désavouer ces usurpations qui devaient inévitablement interrompre notre liaison et nos bons rapports. Eux aussi ont été sourds à la voix de la raison et de la consanguinité. Nous devons donc nous rendre à la nécessité qui commande notre séparation et les regarder, de même que le reste de l’humanité, comme des ennemis dans la guerre et des amis dans la paix.
Le résultat c’est l’indépendance avec l’aide d’une France monarchique qui aurait mieux fait de ne pas s’en mêler et l’apparition de l’Etat le plus tentaculaire, omniprésent et belliqueux de l’Histoire du monde. Jefferson fit plusieurs guerres, créa West Point (voyez le recueil Reassessing Presidency, qui nuance bien les actions de ce personnage) et acheta – pour une poignée de figues – la Louisiane qu’il aurait pu nous voler facilement plus tard.
Maintenant la question à mille milliards de dollars (une bagatelle par les temps qui courent) : la déclaration des pères fondateurs planteurs et esclavagistes en valait-elle la peine ? Certainement pas.
Nul dans notre communauté ne va contester la nuisance américaine. La surprise est venue cette fois d’Amérique.
Un article d’Adam Gopnik dans The New Yorker avait mis en rage en 2017 les énergumènes de Prisonplanet.com. Il ne faisait pourtant que reprendre à sa manière gauchiste les arguments des libertariens et de quelques traditionalistes sur une question importante : l’existence-même des USA, pays qui tyrannise et menace la planète par sa technologie, son dollar et ses armées toujours en guerre.
Nous aurions pu être le Canada. We could have been Canada.
Résumons sa thèse :
On n’avait donc pas besoin de faire une guerre d’indépendance cruelle
et dangereuse contre l’Angleterre. L’Amérique aurait été moins peuplée,
serait restée un dominion tranquille comme le Canada et l’Australie, et
l’Angleterre aurait continué de trôner pragmatiquement sur le monde.
L’Allemagne n’aurait bien sûr pas osé la défier, et nous n’aurions pas
connu les horreurs mondiales de nos guerres germano-britanniques.
Gopnik ajoute qu’on aurait aboli l’esclavage sans passer par cette folle
et sanglante guerre de Sécession si typiquement américaine ; du reste
les USA créent des guerres civiles partout : au Vietnam, en Corée, en
Russie, en Ukraine, en Europe, en Amérique du Sud, etc.
Enfin l’Angleterre a aboli pacifiquement dans la foulée de sa révolution industrielle l’esclavage dans toutes ses colonies. Je pense aussi qu’il y aurait eu une immigration essentiellement anglo-irlandaise dans ce grand pays, et cela aurait été mieux. Je suis arrivé à cette conclusion en lisant Poe, Melville, Kipling, Grant, Stoddard, Ross et quelques autres. Les guerres américaines créèrent le bolchevisme puis le fascisme et le nazisme en Europe (dixit de Gaulle à Harry Hopkins). L’Amérique a aussi créé l’OTAN et la structure totalitaire européenne.
Courage, nous ne sommes pas au bout de nos peines !
Nicolas Bonnal
Sources
- « We could have been Canada » – The New Yorker – 15 mai 2017
- Samuel Johnson – The patriot (1774)
- Nicolas Bonnal – La culture comme arme de destruction massive (Amazon_Kindle)
- https://www.newyorker.com/magazine/2017/05/15/we-could-have-been-canada
- https://www.state.gov/wp-content/uploads/2020/02/French-translation-U.S.-Declaration-of-Independence.pdf
- https://cdn.mises.org/Reassessing%20the%20Presidency_0.pdf
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