Il s’agit de l’état catastrophique des États-Unis, examiné par un géopoliticien italien à partir d’un “bruit de fond” venu de la fameuse revue italienne ‘Limes’. Pierluigi Fagan trouve aisément ses références, nombreuses aux USA ; même un George Friedman (‘Stratfor’), pourtant pilier de la puissance américaniste, n’hésite pas à signer un article, – dans le ‘Limes’ italien justement, – où il annonce « l’effondrement interne » de l’Amérique.
Ce qu’écrit Fagan à propos de la perception de la situation des USA en Europe est parfaitement juste. Il y a là, en action, un simulacre qui vaut bien celui qui nous décrit la guerre en Ukraine comme une superproduction hollywoodienne régulée par une censure absolument impitoyable, – autocensure rajoutée à la censure, la précédant, l’appelant de ses vœux, la suppliant à genoux... On peut reprendre le premier paragraphe de l’article de Fagan en Europe partout dans les pays européen, à commencer par la France, si fameuse par son antiaméricanisme quasiment historique, développé pour tenter de stopper la plongée de la vertu américaine originelle dans le mercantilisme yankee et hypercapitaliste du XIXème siècle (de là la popularité de laFrance chez les écrivains et poètes US, viscéralement opposés à cet effondrement dans le quantitatif), – et, pour aujourd’hui, fameuse son post-gaullisme rondouillard et louis-philippard branché dont elle ne cesse de se gargariser pour en faire des ronds dans l’eau, – de Gaulle déguisé en Mister Z., faisant son 18 juin à partir de Kiev...
Lisez le paragraphe en question et mettez “France” à la place d’“Italie”, et tout marchera comme sur des roulettes, pour BFM, pour LCI, pour les commentateurs de la pensée stratégique de Mister Z.
Voici le passage, avec la correction proposée :
« Concernant les USA, il faut noter comment, une fois la présidence Trump passée, les nouvelles donnes sociales américaines, ici en Europe et en [France], ont tout simplement disparu des écrans. Sur la Grande-Bretagne, occasionnellement, certains pro-européens prennent plaisir à raconter les grands malheurs britanniques en les mettant sur le compte du Brexit, mais rien de plus. Finalement, avec le nouveau gouvernement Biden, nous sommes devenus les “amis préférés” des deux. Dans le cas américain, il s'agit aussi de la cohérence dans l'alignement géopolitique sur fond de conflit ukrainien. Nous avons dès lors affaire à une position super-partisane dans la ligne politique choisie par le gouvernement [français], ligne qui, soit dit en passant, selon les maigres sondages, ne reflète pas du tout le sentiment majoritaire du pays. Sur les Etats-Unis, d'un point de vue intérieur, il n'y a donc rien à dire ? »
Il n’y a d’ailleurs pas que des raisons de consternation et de désabusement dans l’essai de Fagan. L’auteur s’y prend d’une telle façon qu’il nous donne une vision en profondeur, originale et bien informée, de l’état absolument ca-tas-tro-phi-que de l’Amérique. Certaines précisions sont bienvenues et, bien entendu, jamais rencontrées chez les commentateurs européens stérilisés au Covid ; on parle ici de l’état des États justement, par rapport au “centre” historique que sont le Congrès des États-Unis et la Cour Suprême ; leur tentation clairement explorée d’autonomie sinon de sécession sur la base d’idéologies irréconciliables, insupportables, qui semblent faire vivre cette énorme puissance en état de nausée et d’hystérie permanentes. « No comments are needed », commente Andrei Martianov, à propos de la “performance” de la sénatrice Machaela Cavanaugh, de l’État du Nebraska.
Quant au conseil que nous donne Fagan, dit avec des mots d’une extrême amabilité, destiné à tout bon Européen, – comme si cela existait encore d’une façon marquante susceptible d’orienter un destin commun, voire seulement de le créer ! Comment imaginer, dans l’actuel état d’incarcération qu’est l’UE, un “bon Européen” qui ne serait pas accroché comme une sangsue aux basques américanistes ? Quoi qu'il en soit, Fagan fait son devoir :
« Il conviendrait de commencer à préparer un divorce, une bifurcation des destins, une refondation de l'être occidental qui referme la parenthèse anglo-saxonne. Traverser des périodes complexes avec ces personnes à la barre pourrait être très dangereux. »
Qu’importe, le texte de Pierluigi Fagan doit être lu, pour nous instruire. Il vient ‘ariannaeditrice.com’ par le biais de ‘euro-synergies.hautetfort.com’.
dde.org
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Les Américains sombrent dans le chaos
Mon récent double post sur la crise de la civilisation occidentale posait les sociétés anglo-saxonnes, les États-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne et trois autres puissances mineures, comme un sous-système à part entière. Concernant les USA, il faut noter comment, une fois la présidence Trump passée, les nouvelles donnes sociales américaines, ici en Europe et en Italie, ont tout simplement disparu des écrans. Sur la Grande-Bretagne, occasionnellement, certains pro-européens prennent plaisir à raconter les grands malheurs britanniques en les mettant sur le compte du Brexit, mais rien de plus. Finalement, avec le nouveau gouvernement Biden, nous sommes devenus les “amis préférés” des deux. Dans le cas américain, il s'agit aussi de la cohérence dans l'alignement géopolitique sur fond de conflit ukrainien. Nous avons dès lors affaire à une position super-partisane dans la ligne politique choisie par le gouvernement italien, ligne qui, soit dit en passant, selon les maigres sondages, ne reflète pas du tout le sentiment majoritaire du pays. Sur les Etats-Unis, d'un point de vue intérieur, il n'y a donc rien à dire ?
En 2022, une historienne américaine, spécialiste des conflits civils (Historical Foundation of the States), a poussé un coup de gueule en affirmant qu'à partir de la littérature d'analyse historique générale, on pouvait énumérer un certain nombre de points de crise permettant de prédire le risque imminent d'une flambée de ‘stasis’ (de troubles sociaux bouleversants sinon révolutionnaires). Selon Barbara F. Walter, les États-Unis sont aujourd'hui un pays-candidat parfait pour basculer dans la guerre civile. Elle a été suivie dans son analyse par d'autres auteurs et de nombreux médias, tant américains que britanniques, ont amplifié le thème en le plaçant au centre du débat public.
Dans un récent article du géopolitologue et analyste italien Lucio Caracciolo dans La Stampa, ce dernier énonce la question suivante: « Aujourd'hui, l'Amérique n'est plus aimée. Comment peut-elle fasciner les autres ? ». En bon connaisseur de l'esprit du temps, Caracciolo s'est déjà converti à la vérité de la transition épochale du pouvoir dans le monde dans son éditorial du dernier numéro de Limes, actuellement en kiosque, en soulignant que les États-Unis ont perdu leur aura et, avec elle, leur soft power.
George Friedman, dans le même numéro de la revue, intitule son analyse “Les États-Unis sont proches d'un effondrement interne”. La liste des phénomènes inquiétants, établie par Friedman, cite « des revendications sociales au sommet de leur intensité, des questions morales, religieuses et culturelles », puis il y a les faillites bancaires, les révisions stratégiques dans le cadre de la globalisation, le grand point d'interrogation chinois, les ombres sur les Big Five de l'Internet (qui fonctionnent à plein régime) et les sombres destins en marche de l'I.A., la NASA qui ne sait apparemment plus comment fabriquer une combinaison d'astronaute, sans parler d'en envoyer un sur la lune ; il y a encore des frictions sur les flux migratoires et toujours la force de la très fragile coexistence raciale. Il y a aussi une profonde crise interétatique/fédérale qui va jusqu'à s'interroger sur les rôles du Congrès et de la Cour Suprême. « Jamais dans l'histoire il n'y a eu un tel niveau de colère et de mépris mutuel entre les Américains », note Friedman. Ils s'affrontent vraiment à propos de tout et de rien, à des niveaux vraiment pré-hystériques, quand ils ne se tirent pas dessus et ne font pas des trucs bizarres et ne parlent pas de choses de manière vraiment incongrue (Dieu, l'avortement, les transsexuels qui ne représenteraient que 0,5% de la population, le traditionalisme et le progressisme, la pédophilie, les conspirations surréalistes et varia).
Cette agitation, que plus d'un a intérêt à radicaliser, trouve son enfer sur Internet et les médias sociaux. En ce qui concerne les réseaux sociaux, c'est le format même de l'interaction anonyme, avec une écriture d'inconnus sans visage et au drôle de comportement, contrainte à des espaces relevant plus de la blague que du discours argumenté (woke ! christofasciste !), l'enfermement dans de petites communautés partageant une pensée (ou une non-pensée) commune, avec des adeptes qui s'excitent les uns les autres, qui alimentent des braises déjà ardentes. La radicalisation prend du temps à se construire et ne se démantèle pas rapidement, elle dépose des rancœurs, des rancunes, des haines viscérales. Au final, il ne s'agit plus d'arguments mais d'un durcissement généralisé de positions hétéroclites.
Bien qu'il s'agisse d'une nation de 330 millions d'habitants (avec, selon les estimations, 400 millions d'armes privées, dont beaucoup de type militaire) et aussi d'une composition très diverse, elle a tendance à se diviser simplement en deux et le format "nous contre eux" alimente sa propre radicalisation en simplifiant à outrance. Après tout, la simplification est un trait caractéristique de la mentalité américaine empirique et pragmatique, c'est-à-dire qu'elle met trop l'accent sur l'action au lieu de la réflexion, – ou en l'absence de réflexion.
L'espérance de vie en Amérique est en chute libre depuis une dizaine d'années: elle a atteint 76,1 ans (chez nous, elle est de cinq à dix ans plus longue). La mortalité infantile et la mortalité générale ont fait un grand bond en avant : les décès par arme à feu sont désormais hors de contrôle (en Amérique, plus de 200 personnes par jour sont blessées par des armes à feu, 120 sont tuées. Sur ces 120 personnes, 11 sont des enfants et des adolescents), le taux d'homicide chez les adolescents a augmenté de 40% en deux ans; les overdoses et l'abus de drogues, les accidents de voiture, sont, eux aussi, en hausse croissante. Dans les écoles, de nombreux enfants suivent un cours visant à leur enseigner un comportement à adopter au cas où quelqu'un entrerait dans la classe en tirant des rafales de mitraillette. Et heureusement qu'ils sont pro-vie !
Au 10ème rang pour la richesse théorique par habitant, les États-Unis sont en réalité au 120ème rang pour l'égalité des revenus (BM 2020), après l'Iran mais avant le Congo (RD). L'ascenseur social est en panne depuis au moins trente ans, à supposer qu'il ait fonctionné auparavant. Les Américains pauvres, dans les comtés pauvres, dans les États du Sud, meurent jusqu'à vingt ans avant les autres. Les Afro-Américains meurent en moyenne cinq ans plus tôt que les Blancs. Avec seulement 4,5 % de la population mondiale, ils possèdent 25 % de la population carcérale mondiale, un graphique effrayant en augmentation constante depuis ces trente dernières années. La moyenne européenne est de 106 incarcérations pour 100.000 habitants ; aux États-Unis, elle est de 626, soit six fois le record mondial. Bien qu'ils représentent moins de 5 % de la population mondiale, ils dépensent plus de 40 % du total mondial des dépenses militaires (auxquelles il convient d'ajouter les armes domestiques). Si les livres d'histoire vous ennuient, il suffit de regarder la production cinématographique et télévisuelle pour se rendre compte de l'attrait culturel de la violence dans ce pays. La violence est la façon, là-bas, de traiter les contrastes sociaux, une attitude parfaitement qualifiable de pré-civilisée.
Ayant pour norme sociale la libre poursuite du bonheur, version réussite socio-économique sur une base compétitive des compétences individuelles à gagner de l'argent, n'ayant aucune idée de la façon dont le jeu est truqué, manquant de tradition de pensée et d'analyse de type européen (par exemple par classes), cette masse de parias, vivant souvent dans des conditions indigne de toute humanité, manifestement en colère quand elle n'est pas anesthésiée par le complexe télévision-alcool-drogue-médicaments, est recrutée par les diverses élites pour soutenir ou combattre tel ou tel droit civique. Cela alimente cette tempête de haine mutuelle au niveau des “valeurs”, qu'elles soient de raison ou de tradition, cependant, elles ne sont jamais économico-sociales.
Les “Blancs” sont aujourd'hui 58%, mais en 1940 ils étaient 83% et en 1990 75%: la tendance est dès lors claire. On sait déjà qu'ils perdront leur majorité absolue en 2044, dans deux décennies. Pire encore pour la part des WASP au sein du groupe “blanc”, avec une moyenne d'âge plus élevée, en plein syndrome de Fort Apache.
Un sondage réalisé en 2022 donne 40% des démocrates et 52 % des républicains en faveur de la séparation des États rouges et bleus dans une sorte de sécession idéologique avec actes politico-judiciaires locaux, flanqués de la pratique habituelle du ‘gerrymandering’, une sorte d'adaptation des circonscriptions électorales pour prédéterminer la victoire de certains candidats dans des formes de représentation qui n'est jamais proportionnelle; le pays semble évoluer dans cette direction ces dernières années. Certains députés, depuis un certain temps, propagent l'idée d'élever l'âge du droit de vote pour empêcher les jeunes d'apporter des voix aux ‘Dems’. Cette idée d'un divorce territorial-idéologique est sans précédent et donne une idée de la profondeur de la fracture sociale. Le discrédit mutuel des représentants locaux et fédéraux des deux partis est à son comble.
De plus, l'effondrement de la confiance est très large: l'église, la police, les journalistes, les intellectuels, les académies et les écoles elles-mêmes perdent leurs crédibilité, et bien sûr les politiciens aussi, qui, souvent de fait, ne cherchent qu'à se doter d'une solide position sociale et sont prêts à tout pour y parvenir. La guérilla menée sur la légitimité des votes pourrait déboucher sur une hypothèse ventilée sur le “vote contingent” où, en l'absence d'un résultat clair (c'est-à-dire en présence d'un résultat contesté), chaque État se verrait attribuer un vote, la majorité des États (pourtant moins peuplés) étant républicains, ce qui concrétise l'intention qui sort de plus en plus de certaines bouches : “Nous sommes une république, pas une démocratie”, ce qui, – soit dit en passant – est une vérité limpide.
Il est d'ailleurs certifié par des études de Princeton et de Northwest sur le contenu des lois votées par le Congrès il y a dix ans que les États-Unis sont une oligarchie et non une démocratie. C'est cette oligarchie qui a tout intérêt à mettre le feu aux poudres, là où les gens se battent pour des questions de droits civiques, de race, de prévalence sexuelle et non pour des droits sociaux, pour des droits qui assurent une qualité de vie, une redistribution des revenus et garantissent un pouvoir associé.
Existe-t-il une base pour vérifier cette prophétie d'une hypothétique guerre civile, une prophétie qui, compte tenu de la grande importance médiatique accordée aux États-Unis, risque de devenir du type ‘autoréalisateur’ ? Les raisons d'en douter ne manquent pas, à condition d'imaginer des barricades et des émeutes de rue généralisées, accompagnées de terrorisme intérieur. Cependant, même si l'analyse devrait être plus profonde que ne le permet un billet, cette analyse spécifique sur la crise interne de la société américaine atteste que c'est le cœur de la civilisation occidentale qui est en crise profonde.
C'est pourquoi les Européens seraient bien avisés de relâcher les liens transatlantiques ; les Américains sont destinés à subir une contraction continue de leur actuelle puissance mondiale tandis qu'à l'intérieur de leur propre pays, ils paniquent de plus en plus à propos de tout, sauf de l'inégalité sans cesse croissante, une maladie mortelle pour toute société.
Une grande partie de la phénoménologie perverse, brièvement décrite ici, a déjà infecté nos sociétés. Du globalisme-néolibéralisme aux gémissements unidimensionnels sur les droits civils et non sur les droits sociaux qui excite la réaction traditionaliste, toute l'imagerie qui percole des séries télévisées et du cinéma, tout l'Internet et la logique du social, qui découle d'un comportementalisme précis, ont déjà contaminé nos sociétés. Cette déchéance graduelle découle d'un milieu psycho-culturel comportementaliste précis (c'est-à-dire visant à contrôler le comportement et la cognition, c'est-à-dire tout sauf “l’intelligence”), de la résurgence en Europe et en Italie de la production et du commerce des armes, de la destruction de la démocratie déjà programmée depuis le début des années 1970, de la démagogie, de l'ignorance agressive, du déclin qualitatif drastique des élites, de l'absence d'une culture de l'information, de la disparition de la fonction intellectuelle, du simplisme, de l'enthousiasme infantile pour la technologie, de la foi irrationnelle dans le rôle de la technologie, des épidémies de solitude sociale et de dépression, de la toxicomanie, de la plastification des corps et de la manipulation des neurones. La crise du centre anglo-saxon du système occidental irradie depuis longtemps l'ensemble de la civilisation, même là où l'anthropologie culturelle, sociale et historique serait tout à fait différente sans cette imprégnation continue.
Il conviendrait de commencer à préparer un divorce, une bifurcation des destins, une refondation de l'être occidental qui referme la parenthèse anglo-saxonne. Traverser des périodes complexes avec ces personnes à la barre pourrait être très dangereux.
[Puisque dans le système ‘économicocratique’ tout problème est une source de profit possible, voici qu'est prêt le jeu de société simulant la deuxième guerre civile américaine avec Captain America contre Iron Man. C'est également ainsi que sont créées les hypothèses mentales de l'image du monde, en ‘gamifiant’ les conflits sociaux].
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