La semaine dernière, je me suis attaché à montrer que l’horizon économique de la France était quelque peu opaque. Pour être honnête, j’ai dit que je n’avais pas la moindre idée de ce qui allait se passer et que nous étions en train de rentrer dans une période où il n’y avait plus de sortie logique pour la crise dans laquelle nous étions.
Notre dette est en train d’arriver à des niveaux auxquels il est absolument certain (entrée dans la trappe à dettes) que nous allions être incapables non seulement de servir les intérêts sur la dette existante mais encore moins de rembourser le principal.
En termes clairs, je disais simplement qu’il n’existait plus d’autre solution que de ruiner les porteurs de dettes françaises, c’est-à-dire vous, le lecteur de l’IDL, si par malheur vous avez encore des assurances vie.
Pour que la France puisse espérer s’en tirer, il faudrait en effet que les taux d’intérêts courts reviennent à zéro et ils sont à 3. 16 % .Ou alors, il faudrait que les taux longs sur les obligations à 10 ans du Trésor Français baissent fortement pour revenir à 1 %, et ces taux sont aux alentours de 3 % aussi.
Hélas, la probabilité pour que l’une ou l’autre de ces deux solutions se produisent est proche de zéro puisque, d’après mes calculs, à 3 % il ne faut pas acheter les obligations françaises, mais continuer à les vendre.
C’est ce que je vais montrer maintenant.
Commençons par une vision historique des taux nominaux.
De 1965 à 1985, les taux longs ont été sans arrêt au-dessus de leur moyenne mobile à 7 ans, et sont passés de 6% (en 1965) à 17% (en 1981), le signal d’achat étant donné à 12.5 % en 1985. Nous avons donc eu vingt ans de hausse des taux.
De 1985 à 2022, les taux restent sous leur moyenne mobile pendant 37 ans, et passent de 12. 5% à 0 %, voire négatifs (ce qui est la preuve que ces taux n’étaient plus des prix de marché ).
Ce qui veut dire que les périodes de hausses et de baisses des taux sont extraordinairement longues. Nous venons de « casser à la hausse » cette moyenne mobile, en Janvier 2022, et il serait très inhabituel que les taux repartent à la baisse, et ce d’autant plus que ces périodes de baisse suivent presque toujours des moments où les taux ont été tres élevés pendant longtemps, pour vraiment casser les anticipations inflationnistes.
Comme je vais le montrer maintenant, nous en sommes très, très loin.
Commençons par comparer les taux nominaux
avec le taux d’inflation annuel et regardons le graphique du haut.
L’inflation est à près de 6% et les taux aux environ de 3 %, pour un
rendement réel de -2.77 %.
Dans le graphique du bas, je calcule le rendement réel sur les obligations depuis 1970. Les règles sont simples.
- Le rendement réel moyen depuis 53 ans a été de 2 % par an, contre -2.77% aujourd’hui.
- Au-dessus de 5% REEL vous vous bourrez d’obligations les plus longues possibles.
- Quand le rendement tombe en dessous de 2 %, vous commencez à vendre.
- Quand il passe en dessous de 1 %, vous dites « merci beaucoup » et vous vendez TOUT pour passer en cash ou sur un autre marché obligataire dans le monde.
- Nous avons passé la barre des 1 % en 2016-2017, et malgré la forte hausse des taux que nous avons connus, nous avons encore des rendements réels profondément négatifs (-2.77 %), ce qui est incroyable.
- Sur les taux d’inflation actuels, il faudrait que les taux sur le 10 ans passent à 7. 8 % pour pouvoir redevenir simplement neutre, mais je sais qu’à 7. 78 %, toutes les recettes fiscales iraient au service de la dette, et il ne resterait rien pour l’armée, pour l’éducation, pour la justice, pour la police, pour les œuvres de monsieur Macron à l’international…
La situation est donc tout à fait simple.
Si les taux reviennent à un niveau neutre, l’État Français est en faillite.
Et s’ils restent là où ils sont aujourd’hui, l’inflation ne baissera pas, voire montera et nous serons incapables de servir les retraites, que l’âge de la retraite soit 62 ans, 64 ans ou 90 ans.
Hélas, c’est là où les choses deviennent compliquées.
Un esprit léger doit être en train de se dire : alors si je comprends bien, les obligations vont être un désastre, et donc les actions ont du se casser la figure aussi ?
Point du tout ! Les actions cartonnent par rapport aux obligations comme jamais, comme en fait foi mon dernier graphique.
Pendant que les obligations chutaient lourdement, les actions s’envolaient, un peu à la surprise générale. C’est d’autant plus étonnant que la quasi-totalité des précédents plus hauts des actions contre les obligations (1987,1990, 2000,2007) se sont produits quand les obligations étaient sous évaluées . Nous avions donc un marché des actions surévalué par rapport à un marché des obligations sous-évalué, et il suffisait donc de vendre les premières pour acheter les secondes.
Cette fois ci nous sommes dans un scenario complètement inédit.
Les actions sont surévaluées par rapport à des obligations qui sont-elles mêmes surévaluées. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais rencontré ce cas de figure .
Il n’y a que deux possibilités
- Ou les marchés sont devenus fous.
- Ou ils ont compris quelque chose que le reste du monde n’a pas encore compris.
Je pense pour la deuxième solution.
Imaginons le gérant d’un grand fond stratégique Chinois, Norvégien ou Arabe…
Il a parfaitement compris le risque de catastrophe sur le marché obligataire français. Mais le même risque existe sur les marchés Allemand, Britannique, Américain etc…
Il voudrait bien vendre ses obligations françaises pour acheter des obligations Indiennes , Chinoises, Brésiliennes et que sais je encore. Mais ces marchés ont une tres faible liquidité, et s’il le faisait, il se retrouverait obligé de vendre l’euro, la livre, le dollar, ce qui ferait s’écrouler ces monnaies contre la sienne et contre les monnaies des pays dont ils achèteraient les obligations, et pourrait lui valoir des ennuis avec son Conseil d’Administration ou son ministre des Finances.
Que va-t-il faire ? La caractéristique numéro un de l’inflation, c’est ce qu’il est courant d’appeler la fuite devant la monnaie.
Il va vendre ses obligations en France, en Grande Bretagne, aux USA et acheter des actions dans les mêmes pays, car ces actions vaudront toujours quelque chose. Alternativement, il peut vendre ses obligations françaises et l’euro contre du dollar (le marché dollar /euro est immense), et acheter la technologie américaine.
Ma conclusion est simple. Nous sommes peut-être en train rentrer dans une extraordinaire fuite devant la monnaie .
Après tout, la plus vieille loi en économie, la Loi de Gresham, précise que la mauvaise monnaie chasse la bonne.
Les obligations sont de la mauvaise monnaie puisqu’elles ne sont plus des réserves de valeur.
Les actions sont de bonnes réserves de valeurs à long terme et cette valeur est indépendante du numéraire dans lequel vous mesurez cette valeur.
Comment vérifier cette hypothèse ?
Remplaçons le marché obligataire français par le cours d’une once d’or, et regardons le résultat.
OOPS ! A la place d’être en hausse (relative) de 25% contre le marché obligataire depuis l’an 2000, nous sommes en baisse de 55% si la valeur de référence est l’or. « L’Or c’est de la monnaie, le reste c’est du crédit » disait John Pierpont Morgan.Le crédit de nos états ne vaut plus rien. Il semble que la deuxième explication puisse être retenue… Le choix va être entre le défaut de paiement ou l’hyperinflation. Je maintiens mon conseil de n’avoir aucune obligation dans tous ces pays.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.