01 avril 2023

Les tribulations d’Ursula-Manu en Chine

Li-Xin, de la chaîne CGTN (“A Chine-state media affiliated”, nous dit-on, soupçonneux) rapporte dans un tweet qu’elle a interviewé monsieur Du Cong, ambassadeur de la Chine à l’UE, à propos d’un discours de la présidente von der Leyen, traçant à grands coups de pinceaux de rhétorique un tableau picaresque de l’avenir des relations Chine-UE à l’ombre des conceptions civilisationnelles de l’“Occident-collectif”, ou bloc-BAO :

« La présidente de la Commission européenne @vonderleyen a présenté sa vision de l'avenir des relations Chine-UE. Dans mon interview exclusive, @FuCong17 , l'ambassadeur de Chine auprès de l'UE, se dit “déçu” par la déclaration et fait trois remarques à ce sujet. Voici ce qu'il a dit. »

A partir de quoi, les amis de RT.com développent le propos de l’ambassadeur chinois en s’attardant à certaines précisions communiquées de la façon la plus précise par Lu. Nommer cela “être désappointé”, il faut pouvoir le dire très vite pour laisser passer la vague de sarcasmes concernant l’incohérence et la contradiction de la chose (le discours) ; quand les Chinois se mettent à parler net, c’est pour le moins tranchant...

« Le discours de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avant sa visite en Chine, était incohérent, contradictoire et interprétait mal les politiques et les positions de Pékin, a déclaré vendredi l'ambassadeur de Chine auprès de l'UE.

» “J’ai été un peu déçu”, a déclaré Fu Cong à la chaîne d'information CGTN. “Ce discours contenait beaucoup de déformations et d'interprétations erronées des politiques et des positions de la Chine. Je dirais que la personne qui a écrit ce discours pour la présidente von der Leyen ne comprend pas vraiment la Chine ou a délibérément déformé les positions chinoises”.

» “Mme von der Leyen a donné l'impression de réaliser l'importance de s'engager avec la Chine d'une part, mais d'autre part de "craindre les critiques, en particulier celles des partisans de la ligne dure en Europe et peut-être même aux Etats-Unis”, a ajouté Fu. À la lecture du discours, on a l'impression “que deux personnes se disputent et qu'il n'y a pas de cohérence”.

» “Nous espérons que sa visite en Chine et son dialogue avec les dirigeants chinois lui permettront de mieux comprendre la Chine”, a conclu l'ambassadeur. »

Nous avons l’habitude de Chinois modérés, mesurés, disant des vérités extrêmement adoucies dans des discours enrobés de précautions et d’amabilités, – eh bien, quel changement ! Certes, Lu n’est pas vulgaire ni furieux, il serait plutôt ironique et sarcastique, mais il ne dissimule rien de ce qu’il pense, – de ce que la direction chinoise pense de la médiocrité des directions occidentales car monsieur Lu, parlant ès qualité, a sans aucun doute des instructions pour être tranchant jusqu’à la brutalité. Il est assez probable que Manu & Ursula, qui font équipe commune en Chine, – quelle trouvaille de rassembler deux gagnants, formule ‘win-win’, – vont au-devant de quelques surprises dans les entretiens à venir. Il semble désormais acquis que la Chine n’a plus l’intention de dissimuler ce qu’elle pense de ses interlocuteurs et de leurs projets stupéfiants.

Que disait Ursula dans son discours ? Il est inutile de le citer ni même de le lire. Il y avait donc deux personne qui parlaient, deux speech-writers en une si l’on veut.

• La première disait que l’avenir de la Chine est dans sa coopération avec l’UE puisque l’UE veut bien la lui proposer dans le sens qu’on devine. Elle est bien placée de ce point de vue, la Chine,  pour remettre le ‘Junior Partner’ dans le droit chemin, téléphoner à Zelenski et installer un plan de paix qui prévoit le retrait conséquent, complet et sans trop de délai de la Russie. Ce sera un triomphe pour la Chine et l’UE applaudira de ses petites mains laborieuses.

• La seconde disait que l’avenir de la Chine est dans son alignement sur l’UE. Il faut donc envoyer balader la Russie, respecter les droits de l’homme chez les Irgouns, démocratiser le contre-modèle chinois, développer la composante LGTBQ+ et faire évoluer la Chine de façon à ce qu’elle réponde aux critères de l’UE. On comprend que l’épreuve ne sera pas facile et que la Chine a tout intérêt à satisfaire ses mandataires.

La réponse de l’ambassadeur est donc dans une sorte de choix entre trois hypothèses, avec la conclusion que, dans tous les cas, le résultat sera le même pour ce qui concerne l’effet produit à Pékin.

• Soit madame von der Leyen ne comprend pas le discours qu’elle lit ;

• Soit madame von der Leyen ne sait pas qu’elle lit un discours ;

• Soit madame von der Leyen croit que personne ne l’écoute.

Il est dans tous les cas assuré que von der Leyen a été parfaitement comprise par son compagnon de voyage, puisqu’il s’avère qu’elle fera sa visite en Chine en compagnie d’Emmanuel Macron. De guerre lasse, les Chinois ont accepté de fusionner les deux visites en une, calculant qu’ainsi ils feront l’économie d’un entretien, lequel sera nécessairement bref puisque rapidement clos par le constat que les deux visiteurs parlent aux Chinois comme s’il s’agissait de Hongrois ou de Maliens vus de Bruxelles-Paris, et qu’il n’y a donc pas d’abonné aux numéros qu’ils ont demandé.

En effet pour la similitude du propos, vendredi dernier Macron a expliqué la philosophie de ce déplacement à deux : il s’agit de manipuler la Chine, qui ne se doute de rien, dans le sens des intérêts de la paix, de la justice et de la démocratie ; lui expliquer qu’elle doit elle-même manipuler la Russie dans le sens désiré par Zelenski, c’est-à-dire lui restituer toutes les parties de l’Ukraine indûment saisies ; lui faire comprendre, à la Chine, qu’à cette condition, l’UE est prête à lui ouvrir les bras (à la Chine), à lui pardonner ses errements et à lui rendre sa place de fournisseuse des petites affaires nécessaires à la civilisation de l’Occident-collectif (notamment un certain nombre d’obus certifiés d’un calibre de 155mm) :

 « Il faut “essayer au maximum d'engager la Chine à nos côtés pour faire pression sur la Russie, ne pas utiliser évidemment les armes chimiques et nucléaires  et [...] stopper le conflit, revenir autour de la table des négociations et permettre de respecter le droit international, c'est-à-dire l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine” ».

... Il est assez drôle, Manu... Il a une façon de dire : “Ecoutez, vous, les Chinois, ça va maintenant.. On a assez ri, assez fait les fous, il s'agit de revenir aux choses sérieuses. On vient vous voir pour en parler, d'accord ?! C'est bien, les gars, vous les Chinetoques, parlons un peu, je veux dire, entre grandes personnes d'accord ?...”

Ce que l’on doit trouver émouvant, je crois, c’est qu’ils se sont mis à deux pour y croire et pour s’y croire “au maximum”. Ils font leur possible ; alors, quant à nous, il ne faut pas décourager les bonnes volontés, leur dire “oui oui, bien sûr” avec une petite tape chaleureuse, et attendre qu’ils rentrent chez eux où les choses vont si bien.

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