28 mars 2023

Vers l’Europe des révoltes?


Voit-on émerger une Europe des révoltes ? Pendant longtemps, les gouvernants français nous ont expliqué que si nous ne « réformions » pas, nous serions isolés en Europe. En réalité, si les manifestants français regardent autour d’eux, ils peuvent se dire qu’ils se sentiront bientôt moins seuls. L’Allemagne sort de sa plus grosse journée de grève depuis longtemps. Les Pays-Bas viennent d’infliger une lourde défaite au gouvernement sortant. Il y a quelques années, la caste mondialiste affirmait bruyamment son soutien à Emmanuel Macron; elle est devenue bien silencieuse; et c’est la France révoltée qui est devenue une tendance remarquée sur les réseaux sociaux. A la veille d’une nouvelle journée de grève et de manifestations, on voit que les enjeux sont importants pour le mouvement français d’opposition à Macron.

  
Caroline van der Plas, leader du BBB, le mouvmeent citoyen paysan néerlandais, après sa victoire, le 16 mars 2023 aux élections provinciales.

On se rappelle comme Emmanuel Macron avait fustigé, dans un discours au Danemark, les « Gaulois réfractaires ». C’était fin août 2018. A l’époque, Emmanuel Macron se vivait encore, malgré l’affaire Benalla, comme le chef de file des « réformateurs » européens: entendez, comme celui qui était le plus zélé pour aligner de force la société français sur les standards du progressisme occidental. Ensuite, il y a eu la crise des Gilets Jaunes et une première réforme manquée des retraites – dont le débat fut opportunément interrompu par la « pandémie ». Et entre-temps, Emmanuel Macron a a été réélu.

Cependant, le retour d’une contestation française massive trouve un écho dans le reste du monde. Les milieux dirigeants et médiatiques des grands pays occidentaux ont le choix entre brûler ce qu’ils ont adoré – « le président qui allait moderniser la France » – ou rentrer dans un silence gêné. Tandis que sur les réseaux sociaux, on trouve de nombreux soutien de la révolte française. Comme nous le mentionnions hier, le hashtag FranceProtests est le lieu de convergence des internautes français et étrangers qui soutiennent le mouvement.

Le plus important, cependant, c’est que l’on voit poindre une révolte généralisée. On pourrait d’ailleurs y ranger l’immense mouvement de protestation qui vient de soulever la société israélienne pendant 24 heures, obligeant le Premier Ministre israélien à repousser sa réforme de la justice: Benjamin Netanyahou, vétéran de la politique israélienne, a déjà été Premier ministre entre 1996 et 1999, alors que Bill Clinton, celui qui avait lancé l’ère progressiste, effectuait son second mandat de président. Vingt-cinq ans plus tard, Netanyahou a visiblement été dépassé par l’avènement d’un nouveau monde. Les progressistes – y compris les néoconservateurs – sont devenus la caste et ils sont désormais universellement dénoncés comme liberticides.

Mais concentrons-nous sut l’Europe des révoltes, notre environnement immédiat.
Grande-Bretagne, Allemagne: le retour des grèves!

« La Grande-Bretagne connaît sa plus grande vague de grèves depuis une génération » titrait justement le média internet lescrises.fr il y a quelques jours. Peu de monde en parle mais les gouvernements britanniques sont confrontées, depuis un an à des mouvents sociaux de longue durée, avec des journées de grève récurrentes, largement approuvées par la population britannique: à 65% pour la grève des infirmières, à 62% pour les ambulanciers, 55% pour les pompiers et 49% pour les enseignants.

Tournons-nous vers l’Allemagne: Ulrike Reisner vous présentait samedi 25 mars les divisions internes d’une coalition gouvernementale qui ne sait comment mettre en oeuvre budgétairement son programme au moment où l’augmentation des factures énergétiques et l’inflation font diminuer le pouvoir d’achat.

Ce 27 mars, l’Allemagne a été confrontée à une « méga-grève » (disent les médias allemands dans le secteur des transport: grève du rail, aéroports fermés, transports en commun au ralenti dans les villes…Des manifestations ont eu lieu dans toutes les métropoles du pays. Les grèvistes demandent une augmentation de 10% des salaires, alors que le patronat dans le secteur des transports, ne propose que 5%. Une position qui sera difficile à tenir puisque les salariés de la Deutsche Post ont obtenu 11% il y a quelques jours.

Pour ceux qui sont habitués à ce que la Grande-Bretagne d’après Margaret Thatcher soit un pays « sans grèves »; ou qui connaissent la tendance des syndicats allemands à n’utiliser la grève qu’en dernier recours, il se passe quelque chose en Europe!

Une crise inattendue de la caste en Europe du Nord?

Là encore, les clichés sont remis en cause. Que n’a-t-on entendu, à Bruxelles à Berlin ou à La Haye, railler le « Club Med », l’Europe du Sud (dans laquelle on mettait la France) peu sérieuse, en particulier budgétairement! Emmanuel Macron n’avait-il pas insulté les « Gaulois réfractaires », ses propres concitoyens, depuis Copenhague?

Eh bien, il semble que ce soit précisément cette Europe du Nord qui commence à douter. Après l’Allemagne et la Grande-Bretagne, mentionnons le cas des Pays-Bas. Les élections provinciales ont été dominées par une surprise dont, évidemment, nos médias subventionnés, vous ont très peu parlé: au sénat néerlandais, le mouvement citoyen paysan (BBB) est passé d’aucun à 15 sièges (sur 75), devenant ainsi le premier parti. Le quatre partis du gouvernement sont tombés de 32 à 23 sièges, une défaite pour le premier-ministre Mark Rutte.

Une lourde défaite aussi pour l’écologie progressiste! Pour réduire de moitié les émissions d’azote d’ici à 2030, le gouvernement a voulu faire diminuer le nombre d’exploitations agricoles, en procédant à des fermetures forcées. Après trois ans de manifestations répétées, l’opinion des paysans néerlandais à trouvé une traduction politique.

Le cas du soulèvement des agriculteurs néerlandais montre que le mouvement progressiste, qui a réussi à s’emparer de tant de leviers de pouvoir, et dont Macron est le porte-parole français, peut être vaincu politiquement.

Mentionnons un autre exemple, plus inattendu, d’ébranlement de la caste en Europe du Nord. On sait que l’Eglise catholique, sous l’impulsion du très progressiste pape François, est tentée de passer un compromis historique avec la morale hyper-individualiste des progressistes obsédés par le « gender » et les revendications très formatées des réseaux LGBTetc… – les évêques allemands sont à la pointe de ce progressisme-là.

Que l’on aime ou non la morale catholique traditionnelle, elle met l’accent sur la solidarité entre les générations et la protection des individus au sein d’une communauté – la famille traditionnelle. C’est ce que viennent de rappeler bruyamment les évêques catholiques suédois, danois, finnois, islandais et norvégiens, qui reprochent, dans une lettre rendue publique, à leurs confrères allemands et mezzo voce au Vatican, d’avoir perdu de vue le service des pauvres et la protection des individus fragilisés par la mondialisation au profit d’une complaisance envers les obsessions de moeurs et les marottes intellectuelles de la caste.

La journée du 28 mars et la radicalisation de l’opinion française

Retour en France où gouvernement comme syndicats préparent la journée de mobilisation nationale du 28 mars.

Le gouvernement essaie de jouer l’intimidation, en annonçant un déploiement inédit de 13 000 policiers. Placée dans la perspective de l’arrogante manière dont Emmanuel Macron a tenté de préempter ce 27 mars le vote du Conseil Constitutionnel; ou des fausses concessions d’Elisabeth Borne, les annonces du Ministère de l’Intérieur relèvent de la menace pure et simple.

Comme il est peu probable que les remontrances du Conseil de l’Europe sur les atteintes aux libertés fondamentales des manifestants intéressent Emmanuel Macron, on peut penser que tout se jouera sur la capacité de mobilisation de l’intersyndicale.

Le Courrier des Stratèges vous avait annoncé qu’Emmanuel Macron n’arriverait pas à faire passer la réforme au parlement. Or, loin d’assumer son échec, le Président a choisi le 49.3, c’est-à-dire le déni et la fuite en avant. Et depuis le 16 mars, lui-même ou les membres de son gouvernement ne cessent de multiplier les provocations.

L’élection législative partielle dans l’Ariège, qui verra deux candidats de gauche s’affronter à l’issue du premier tour de ce dimanche 26 mars, amène pourtant à pronostiquer une radicalisation de l’opinion – et ceci d’autant plus que le troisième candidat, lors de ce premier tour, est celui du Rassemblement national, qui n’a manqué que de peu le second tour.L’opinion protestataire ne se laisse pas intimider. C’est plutôt le « parti de l’ordre » (macroniens, LR) qui est en pleine débandade – tandis qu’Eric Zemmour, faute de se souvenir que la liberté est au coeur de l’identité française, se condamne à ne plus peser politiquement.

On assiste surtout à une démobilisation de l’électorat macronien de premier tour – divisé par deux en Ariège dimanche 26 mars – et à un retournement contre le Président de son électorat de deuxième tour: tous ceux qui voyaient dans Macron un « rempart contre l’extrême droite ». Autant dire qu’il est peu probable que le Président arrive à reprendre la main à l’issue de la journée de demain.

Une nouvelle ère politique a commencé où l’on ne voit pas encore bien comment l’intersyndicale, la gauche et le Rassemblement National vont canaliser tout ou partie d’un mouvement social qui a pris sa dynamique propre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.