Modeste Schwarz défend ici une thèse paradoxale: Poutine est un disciple de Kissinger. Cela veut dire qu’il n’est pas l’impérialiste que beaucoup veulent voir en lui. Mais qu’il ne serait pas, pour autant, ce « de Gaulle russe » que les souverainistes français veulent voir en lui. Voici la première partie d’une analyse de haute tenue philosophique, en phase avec les débats intellectuels internationaux, et très loin du provincialisme germano-pratin.Objet d’une bonne partie des inquiétudes et des études de Kissinger, le traité de Westphalie a marqué l’apogée politique du concept de l’Etat-nation, au sens où toute les évolutions majeures ultérieures, dans le domaine de la doctrine politique, ont plutôt conduit à sa (lente mais inexorable) usure, à commencer par l’entrée sur scène, à partir de la fin du XVIIIe siècle, des idées de Rousseau et de Kant, qui, en réintroduisant une veine jusnaturaliste dans la pensée post-théologique, remettent en cause l’axiome central de la doctrine westphalienne, qui est la subordination de l’idéologique (qui, au moment du traité, est avant tout théologique) au politique (au souverain) : cuius regio, eius religio.
Ambiguïtés du westphalisme post-1945
Il est bien naturel que Kissinger, se destinant à devenir le meilleur ingénieur mondial de la machinerie connue sous le nom d’Etat, se soit beaucoup intéressé au moment westphalien, moment-clé du processus de définition historique de l’Etat-nation occidental.
Dans le discours poutinien, de même, on remarque une certaine centralité des thèmes westphaliens, à commencer par l’obsession du droit international, qui, en tant que corpus juridique plus ou moins émancipé du carcan théologique/clérical, émerge en effet dans l’Occident westphalien.
Pour autant, peut-on dire que H. Kissinger et V. Poutine sont des « westphaliens de stricte observance », ou encore des nostalgiques du traité de Westphalie ? Nombreux sont ceux qui en doutent, et je ne le pense pas non plus, mais mes raisons d’en douter sont assez différentes de celles de beaucoup de commentateurs.
Il faudra donc commencer par examiner les mauvaises raisons (ou arguments spécieux) d’en douter, ce qui nous aidera à cerner les bonnes : fable du « Kissinger néo-con » et fable du « Poutine impérial ».
Après ce travail de débroussaillage, il faudra s’atteler à définir la doctrine néowestphalienne qu’illustrent, de façons non-identiques, quoique très semblables, les doctrines politiques réelles de Kissinger et de Poutine : doctrines avant tout basées sur le constat de bon sens, incontournable pour quiconque mêle à sa réflexion théorique une pratique politique contemporaine, selon lequel il n’est pas possible de « réchauffer à l’identique » la doctrine westphalienne d’origine dans un monde qui a entre-temps assisté à l’essor (et, de plus en plus, au déclin) de la démocratie libérale (avec ses avatars totalitaires du XXe siècle). Hégéliens de facto en la matière, ni Kissinger, ni Poutine ne semblent croire à la possibilité de voir l’histoire resservir deux fois le même plat au cours d’une même macro-séquence culturelle.
Une fois esquissée la description de cette doctrine néowestphalienne, il faudra, enfin, essayer d’aller un peu plus loin que Kissinger et Poutine : deux adeptes du mensonge d’Etat, qui croient donc l’un comme l’autre (de façon plus ou moins consciente) qu’on peut faire violence à l’immanence historique (le mensonge étant la forme intellectuelle de la violence), et finissent donc nécessairement par s’instituer en intellectuels organiques d’une bureaucratie dépassée par l’Histoire – laquelle, comme l’avait bien vu Hegel, n’est définitoirement intelligible que post factum, et condamne donc nécessairement à la vanité toute tentative d’ingénierie historique.
La fable du Poutine impérial
Souvent exploitées à des fins de propagande par le menu personnel de la russophobie institutionnelle en Occident[1], les apparences de nostalgie impériale du discours poutinien ne sont pas une simple illusion d’optique[2]. Elles dérivent en effet des contradictions internes du poutinisme, elles-mêmes conséquences de la nature fondamentalement hybride de la société russe.
Pour schématiser un tant soit peu : parallèlement à celles des rhétoriques du Kremlin sous Poutine, qu’on peut assez efficacement superposer à la doctrine de Kissinger[3], il existe un filon, relevant globalement plus de la communication que de la doctrine sincère, qui vise avant tout à flatter le nationalisme russe. Or ce nationalisme n’a jamais eu pour sujet historique un quelconque Etat-nation russe[4].
Résultat avorté de l’émergence d’un modèle culturel spécifiquement russe (non-périphérique de l’Occident)[5], ce nationalisme en devenir s’est historiquement fixé sur plusieurs objets de transition[6], pour toujours finir par se laisser récupérer par un projet impérial qui n’est autre que le projet modernisateur, para-occidental, de Pierre le Grand. La façon la plus simple (quoique non dénuée de dangers à long terme) de le flatter est donc d’agiter les hochets symboliques d’un nationalisme impérial[7] agressif, dans la mesure où, à défaut de parvenir à construire quoi que ce soit, ce nationalisme avorté a historiquement surtout brillé dans des moments de conflit (en général défensifs, mais féroces), culminant sous la forme de la Grande Guerre Patriotique.
Mais la sincérité de ces opérations de charme est mise à rude épreuve par les propos de Poutine lui-même, qui n’a de cesse de répéter (et je ne vois aucune raison solide de le soupçonner, en l’occurrence, de mensonge) qu’il n’a pas pour projet la reconstitution de l’Empire russe sous quelque forme (soviétique ou autre) que ce soit. On n’a d’ailleurs jamais vu un empire renaître de ses cendres sur les mêmes bases (ni romain, ni français, ni ottoman), et ceux qui, pour des raisons de politique électoraliste, jouent avec ce genre d’idées en sont généralement conscients, à commencer par V. Poutine, dont la vaste culture historique est bien connue.
La fable du Poutine impérial est d’ailleurs souvent battue en brèche par les poutinolâtres occidentaux eux-mêmes, à commencer par ceux qui[8] veulent à tout prix voir en lui (de façon également erronée à mon avis – cf. infra) un simple apologète du westphalisme réchauffé.
Face à, d’un côté, BHL et consorts (pour dire que ça existe et que c’est très mal), et, de l’autre, quelques nostalgiques professionnels et autres nazis mal recyclés dans le folklore légitimiste (pour dire que ça existe et que c’est très bien), on manque donc un peu de contradicteurs sérieux quand on affirme cette vérité de bon sens : le poutinisme n’est pas impérialiste au sens classique du terme – et n’incarne donc pas du tout un impérialisme russe.
La fable du Kissinger néo-con
Cette fable est plus difficile à démonter que la précédente, pour la simple raison que sa fausseté n’apparaît qu’à l’aulne du Kissinger final : de la « doctrine Kissinger » qu’on finit par pouvoir cerner, un peu a posteriori, à l’heure actuelle, c’est-à-dire au soir de sa vie. Or cette vie s’étale sur cent ans d’histoire, dont au moins soixante passés dans une telle proximité du pouvoir impérial américain que, le temps de « devenir lui-même », Kissinger avait déjà perdu la liberté de parole du théoricien, entrant dans la zone conceptuellement grise de la communication.
Allons plus loin : jusqu’à l’effondrement de l’URSS – en l’absence duquel le multilatéralisme de Kissinger restait une hypothèse intéressante, mais irréalisable à court terme –, Kissinger devait sincèrement prendre les doctrines néo-con (l’impérialisme américain) pour ce « faux qui allait devenir un moment du vrai » des hégéliens : pour un discours assumable en tant que vérité située. Car même son action politique de cette époque (fin des années 1960-1991), quoique sans jamais contredire frontalement ce qu’on peut désormais identifier comme sa propre vision du monde (laquelle n’est pas celle des néo-con), s’inscrivait objectivement dans un cadre qui restait (au moins à court terme) interprétable dans les termes de la pensée néo-con : favoriser l’essor industriel de la Chine, c’était objectivement fragiliser l’URSS (et donc servir les intérêts de « l’Empire américain »), mais c’était aussi préparer mars 2020, et Xi Jiping apportant la lumière de l’étatisme épidémiologique à un Occident abruti par les médias de K. Schwab (ami de Xi et vicaire terrestre du dieu Kissinger).
Cela dit, Kissinger n’a pas attendu mars 2020 – ni même 1991 – pour émailler ses déclarations écrites et orales de remarques d’un contenu conceptuel absolument incompatible avec les axiomes de la pensée néo-con. Issus de diverses incarnations d’une culture messianique de l’univers judéo-protestant, mais mis par Léo Strauss à l’école de la pensée de l’Antiquité païenne, les néo-con oscillent entre le cynisme d’un égoïsme collectif des Anglo-Saxons, et la mystique universaliste de la destinée manifeste : deux perspectives philosophiquement inacceptables pour le kantien Kissinger, qui doit éprouver pour les chrétiens sionistes du Parti Républicain et les apprentis-sorciers du bellicisme des Démocrate les mêmes sentiments que le maître de Königsberg pour Swedenborg d’une part, et pour Machiavel de l’autre.
Simplement, ces remarques de Kissinger apparaissent le plus souvent en marge d’une communication publique portant sur les agissements d’administrations présidentielles auxquelles il a presque toujours été officiellement lié au moins à titre de conseiller[9]. Kissinger a donc eu au moins 50 ans pour perfectionner l’art d’approuver déclarativement des politiques dont il réprouvait simultanément les bases idéologiques les plus profondes – ce qui, on en conviendra, rend son discours public assez difficile à « lire ».
Mutatis mutandis, l’ambiguïté du discours de Kissinger a donc des causes comparables à celles de l’ambigüité poutinienne : tant qu’il a estimé avoir des concurrents étatiques sérieux, le mondialisme progressiste de la Caste ne pensait pas pouvoir se passer du gendarme américain du monde, et n’a donc jamais osé contredire les partisans du projet unipolaire[10], dont la (plus ou moins efficace) combativité semblait aussi nécessaire à la pérennité du projet occidental/mondialiste en général que celle des nationalistes russes l’est aujourd’hui à la survie du poutinisme en période de raidissement militariste.
Cela dit, dès le début des années 2000, Kissinger ne se privait pas – en marge d’éloges parfaitement hypocrites à l’action de G.W. Bush – de faire savoir tout le bien qu’il pense du concept de nation-building.
La doctrine néowestphalienne de Kissinger et de Poutine : le multilatéralisme
On pourrait décrire l’idéal westphalien d’origine comme une sorte de démocratie antique des Etats-nations. Alors même que l’organisation interne (entre individus) des sociétés organisées sous la forme « Etat-nation » n’a plus grand chose à voir avec celle de la cité antique, la coexistence westphalienne de ces macroorganismes évoque un peu celle des citoyens libres de ladite cité, notamment quand elle suivait le modèle démocratique (antique) : comme aucune instance ne dépasse le demos, la communauté internationale est encore une communauté de facto – puisqu’aucun Etat souverain ne peut en être exclu autrement que par sa destruction. Et le droit international est essentiellement positif, puisqu’il codifie et pacifie le rapport de force constant de ces souverainetés potentiellement conflictuelles.
Voilà bien un type de coexistence des Etats qui ne pouvait pas renaître au lendemain de la « guerre civile européenne » de 1914-45, qui a vu la force de persuasion de coalitions idéologiques l’emporter chez tant d’occidentaux sur les loyautés nationales héritées du passé. D’où le cahier des charges de toute réflexion portant sur le nouvel ordre mondial : comment réagir à la dérive totalitaire (lue comme un retour en force inconscient des tropismes théocratiques), alors même qu’on se rend bien compte que le cadre « Etat-nation » est usé – et qu’on s’en rend d’autant mieux compte qu’on est un progressiste antifasciste, fondamentalement hostile à l’idée même de nation.
Bien sûr, parmi ceux qui ne commencent pas leurs exposés sur Kissinger par « cher Henry », nombreux sont ceux qui pensent pouvoir formuler cette problématique d’une façon radicalement différente, en le présentant avant tout comme le syndic de la Caste oligarchique mondiale, chargé d’assurer, sous le nom de N.O.M., la perpétuation du pouvoir de cette caste. Cette vision des choses n’est à mon avis pas foncièrement fausse, mais on la trouve généralement exprimée dans le contexte d’une grande naïveté anthropologique, consistant à penser que les deux formulations successivement présentées ici seraient mutuellement exclusives. Elles sont, en réalité, les deux faces de la même médaille.
Entre le théocratisme (conscient ou non) des néo-con et le pragmatisme cynique (et d’ailleurs dépassé) du modèle westphalien d’origine, trouve-t-on encore de la place pour un troisième terme ? Certes pas dans une vision statique de l’Histoire[11]. Mais – comme en général face au dualisme – une alternative dialectique existe, et c’est cette approche dialectique qui décrit, à mon avis, le mieux la position de Kissinger.
En passant du westphalisme au multilatéralisme, le mainstream idéologique pan-occidental ajoute au dispositif un élément essentiel, dont l’incarnation politique est l’ONU. L’ONU – contrairement à beaucoup de représentations naïves en circulation – n’est pas un gouvernement mondial de type Etat-national étendu : le but conscient de l’entreprise n’est pas l’institution d’un gouvernement reproduisant à une plus large échelle les « erreurs » des totalitarismes du XXe siècle, qui débouchaient invariablement sur des projets culturellement euro-centrés. Conformément au trilemme de Rodrik, son modèle est la Chine post-Mao, c’est-à-dire la combinaison d’une économie de marché bien tempérée à un pouvoir politique autoritaire et technocratique. L’ONU incarne une conception du pouvoir d’origine bolchévique, mais qui intègre les leçons de Hilferding : c’est le capitalisme financiarisé[12] qui doit produire l’équivalent fonctionnel d’un Politburo. Essentiellement marxiste, son anthropologie sous-jacente pose l’universalité de l’homo economicus. Mais, à la différence du citoyen du 3e Occident – c’est-à-dire de l’homo economicus soviétique ou fasciste –, la vie de cet homo economicus-ci est régie par des structures décentralisées qui permettent à l’élite davosienne de chacune des globo-régions de se ménager l’illusion d’une autonomie culturelle, en avançant vers l’uniformisation de l’univers humain dans un style tenant compte de ses particularités historico-culturelles.
De ce point de vue, l’exemple le plus représentatif d’un aggiornamento mondialiste kissingerien est fourni par l’Arabie saoudite du prince MBS : au lieu des mesures coercitives qui avaient caractérisé l’aggiornamento kémaliste du monde post-ottoman, elle mise sur une stratégie typiquement davosienne du nudge ; les femmes qui le désirent y sont désormais autorisées à conduire des véhicules à moteur, voire des locomotives de TGV – tout en continuant à porter, au volant et sur leur lieu de travail, le niqab islamique. Le niqab de ces salariées du tertiaire – qui ne prendront bien entendu pas soin d’une famille islamique pendant qu’elles conduisent leur TGV – devient ainsi l’équivalent arabo-islamique du col Mao : ce dernier (à comprendre avant tout comme une anti-cravate) manifestait en effet déjà l’indépendance opérationnelle conquise sur l’URSS euro-centrée par l’élite (au demeurant parfaitement occidentalisée mentalement) du socialisme asiatique.
Or c’est cette allégeance des divers Etats à l’ONU et à ses objectifs « de développement durable » – et non leur souveraineté de facto – qui leur permet de s’intégrer à la communauté internationale, dont on n’exclut donc plus que ceux des Etats qui rejettent ouvertement le principe d’une subordination des hiérarchies politiques à la logique du marché bien tempéré – c’est-à-dire à la logique de Davos, dont l’ONU est le bras armé. Mais le simple fait que cette exclusion soit possible montre que cette communauté internationale du néo-westphalisme relève d’un modèle assez éloigné de celui du westphalisme d’origine. Et même d’un modèle essentiellement antithétique, dans la mesure où l’exclusion de la Biélorussie au titre des plaisanteries homophobes d’A. Loukachenko, par exemple, réactive une axiologie universaliste et une dynamique du blasphème très comparables à l’ambiance (pré-westphalienne) de l’Europe des guerres de religion.
Le multilatéralisme est donc à la démocratie westphalienne des Etats souverains ce que la démocratie moderne est à la démocratie antique. La liberté ne peut plus en aucun cas y découler de l’indépendance de facto (c’est-à-dire de la force), mais, bien au contraire de la soumission – la liberté des esclaves affranchis y remplaçant la liberté des maîtres.
En ce sens, le multilatéralisme constitue la culmination du projet occidental – mais sans les Occidentaux, dont les spécificités biologiques et culturelles sont non seulement écartées de l’idéal mondialiste, mais même tenues en suspicion de colonialisme et d’impérialisme. L’européité y sert littéralement de bouc-émissaire à l’Occident, nominalement désigné comme la source de tous les maux de l’humanité, mais jamais défini de façon rigoureuse – de telle sorte que sa dénonciation permette en réalité de raffermir le pouvoir des représentants culturellement les plus purs du modèle occidental, qui sont aujourd’hui les élites de l’Occident pigmenté. Le projet de domestication technocratique de l’espèce et de son biotope jadis incarné par des entreprises comme l’Opération Barbarossa se poursuit, mais désormais confié à des Wehrmacht d’occupation mentale largement constituées de femmes de couleur.
Voilà pourquoi le multilatéralisme, certes marxien (homo economicus), n’est pas libéral : la prise en compte de la dimension culturelle[13] l’empêche de croire à cette harmonie préétablie des besoins islandais, indiens et congolais, que postulent les utopies de la mondialisation heureuse. Discours utopiques qui peuvent suffire à électriser un public de femmes et d’invertis à une conférence des ONG de l’Open Society, mais pas à convaincre un potentat africain qu’il serait dans son intérêt de collaborer avec la Maison-mère.
Pendant que d’autres théorisaient une mondialisation par le désir, Kissinger, théoricien de la dissuasion nucléaire lui-même coopté et formé par d’autres théoriciens de la dissuasion, a patiemment travaillé à une mondialisation par la peur[14] – dont l’expression officielle la plus achevée n’est pas l’ONU[15], ni même Davos, mais la conférence annuelle de Munich – celle qu’a choisie son grand disciple V. Poutine pour lancer son fameux « brûlot » de 2007, qui est en réalité un plaidoyer en faveur du droit international et de l’ONU… donc de la doctrine Kissinger.
(A suivre)
[1] Et notamment par ses sous-traitants d’Europe centrale et orientale.
[2] Ces « apparences » sont même bien plus que des apparences dans le cas de la mouvance eurasiste d’A. Douguine (dont j’ai été proche au cours de ma jeunesse punk) : ce sont de véritables convictions, et, au-delà de ce mouvement groupusculaire, la rhétorique « eurasienne » sert le plus souvent de cache-sexe lexical à des nostalgies (souvent justifiables, au demeurant – mais rarement assumées comme telles) de l’URSS. Mais, en l’occurrence, c’est dans l’ambigüité des rapports entre le Kremlin et cette mouvance (traitée tantôt comme une avant-garde hors les murs – à la manière de « l’indigénisme » LFI par rapport à la Macronie –, tantôt comme une opposition constructive, mais inquiétante, et à peine toléré) que s’incarne le caractère hybride de la politique russe – lui-même conséquence du caractère socio-culturellement hybride de la culture russe (pseudo-occidentale).
[3] Et donc à une approche nostalgique du westphalisme – tant qu’on ne saisit pas la différence.
[4] Comme l’a bien vu le principal représentant intellectuel de cette tendance : A. Douguine.
[5] Emergence prédite par O. Spengler, mais jamais avérée.
[6] Dont le panslavisme.
[7] Concept constituant bien sûr une contradiction dans les termes – du moins tant qu’on emploie les termes que dicte l’Histoire occidentale, dans laquelle la nation (incarnée avant tout par la France des Bourbons, championne du 3e Occident) est l’antithèse par excellence de l’Empire (incarné avant tout par le Saint-Empire, héritier de l’idéologie du 1er Occident).
[8] Notamment au sein du souverainisme français anti-UE.
[9] Depuis Nixon, il a été consulté à un titre ou un autre par toutes les présidences successives – à l’exception de celle de D. Trump, qui incarnait, justement, mieux que personne cet impérialisme américain auquel une critique myope essaie de réduire le projet de Kissinger. Preuve en étant sa volonté de faire sortir les Etats-Unis des institutions du multilatéralisme onusien, c’est-à-dire davosien, c’est-à-dire kissingerien.
[10] Que cet effort de préservation de l’unipolarité prenne la forme d’un nation building à grand renfort de napalm, ou de la propagation des idéaux de l’Open Society.
[11] Par exemple dans une vision morale, ou moralisante, de l’Histoire – nécessairement basée sur une perception de l’Absolu (en l’occurrence : de l’absolu du Bien) comme intemporel.
[12] Et non un parti de révolutionnaires professionnels – ou, plus exactement : ce rôle doit revenir à l’élite technocratique du capitalisme financiarisé, mais en tant que cette élite a préalablement été culturellement convertie à la vision bolchévique du monde (« marxisme culturel » : Ecole de Francfort, Marcuse etc.).
[13] Innovation radicale dans le cadre de la pensée occidentale. La prise en compte de la diversité des cultures restait notamment étrangère à la perspective totalitaire du 3e Occident (notamment communiste), qui était donc structurellement incapable de moderniser sans européaniser (par exemple : russifier, notamment sous Staline, ancien « commissaires aux nationalités ») du même coup.
[14] Modèle dont la culmination historique sera, bien entendu, le covidisme.
[15] Avec son Conseil de Sécurité pas aussi multilatéral qu’on aurait pu le désirer…
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