La frappe hypersonique russe de la nuit du 8 au 9 mars, qui a visé un centre de commandement ukrainien – où il y avait sans doute des officiers occidentaux – a été perçue dans toute son ampleur par les Ukrainiens et l’OTAN. Un an après les premières utilisations de missiles hypersoniques par l’armée russe, l’alliance occidentale sortirait-elle du déni de réalité ? Pas encore si l’on en croit la croyance partagée dans un plan de contre-offensive ukrainienne au printemps, qui est développé hors de toute réalité de terrain et de prise en compte de la guerre jusqu’à maintenant. Au moment où une crise bancaire pointe le bout du nez, la situation actuelle a toutes les apparences d’un décrochage de l’Occident. Les déclarations grandiloquentes ne pourront pas compenser l’épuisement en effectifs de l’armée ukrainienne. Et la réconciliation entre Arabie Saoudite et Iran sous médiation chinoise, devenue officielle le 10 mars 2023, sonne le glas de la puissance américaine dans le monde.
Cette frappe hypersonique russe qui a terrifié les États-majors occidentaux
"6 Kinzhal missiles were fired across Ukraine, this was the first time," said Air Force spokesman Yuri Ignat on the telethon.
The Kinzhal is a nuclear-capable, Russian air-launched hypersonic ballistic missile with a range of 2000km and it can reach a speed of mach 12. pic.twitter.com/9CeLD6JNwv
— NOËL 🇪🇺 🇺🇦 (@NOELreports) March 9, 2023
"6 Kinzhal missiles were fired across Ukraine, this was the first time," said Air Force spokesman Yuri Ignat on the telethon.
The Kinzhal is a nuclear-capable, Russian air-launched hypersonic ballistic missile with a range of 2000km and it can reach a speed of mach 12. pic.twitter.com/9CeLD6JNwv
C’est un épisode passé largement inaperçu dans les médias. Sauf sur le fait que Vladimir Zelenski a concédé que les frappes russes de précision de la nuit du 8 au 9 mars avaient été particulièrement éprouvantes pour les infrastructures du pays.
En réalité, la raison pour laquelle Zelenski et le chef d’État-major ukrainien Zaloujni ont eu du mal à cacher leur désarroi tient à l’utilisation des fameux missiles « dagues » hypersoniques, les Khinzal: selon une déclaration ukrainienne ultérieure, il y aurait eu six missiles hypersoniques tirés sur des objectifs.
Surtout, malgré le secret auquel sont tenues les sources militaires, on a appris immédiatement de source ukrainienne qu’une des frappes hypersoniques a touché un centre de commandement ukrainien. Le Ministère de Défense de Russie a confirmé la cible. La rumeur insistante sur les réseaux sociaux ukrainiens parle d’officiers occidentaux touchés par la frappe.
Ce qui est intéressant, ce sont les déclarations, du côté ukrainien, insistant sur une « première ». Alors que, dans le Courrier des Stratèges, nous avons attiré votre attention sur l’utilisation d’armes hypersoniques par la Russie dès le mois de mars 2022.
Nous vous avons indiqué qu’il s’agissait d’une technologie décisive, possédée par la Russie, et dans une moindre mesure par la Chine, mais non maîtrisée encore par les États-Unis. C’est cette maîtrise qui explique, dans une large mesure, la montée en puissance très progressive de la Russie dans l’intensité de la bataille. Le commandement militaire russe considère qu’il a son temps et qu’il possède, pour plusieurs années, une supériorité stratégique absolue sur les États-Unis. Et la possibilité d’un anéantissement de l’adversaire sans radioactivité – puisque les armes hypersoniques sont déjà redoutablement destructrices avec des charges conventionnelles.
Ce qui est nouveau, c’est la fin du déni de réalité du côté ukrainien et occidental. Avec cette déclaration surprenante sur le fait que les Russes sont donc bien capables de fabriquer les missiles hypersoniques en série ! Mais qui en doutait, sinon ceux qui ne voulaient pas voir?
L’OTAN frappé à la tête?
En réalité, le coup semble avoir touché aussi des officiers de l’OTAN se trouvant clandestinement en Ukraine. Selon le média grec Pronews:
Un missile supersonique russe Kinzhal, dont la vitesse d’impact sur la cible était de 12 Mach (douze fois la vitesse du son), a réussi à toucher le centre de commandement, de contrôle et de communication commun à l’Ukraine et à l’OTAN, installé à une profondeur de 130 mètres !
Le quartier général souterrain (construit à 400 pieds sous terre) était occupé par un certain nombre de responsables de l’OTAN et aurait abrité plus de 300 personnes.
Les Russes parlent de récupérer 40 morts dans les décombres du quartier général souterrain, mais la plupart d’entre eux ne seront jamais retrouvés car ils ont été ensevelis sous les décombres.
On ne sait pas combien d’Occidentaux et d’Ukrainiens ont été tués dans l’attaque, mais c’est la première fois que l’Occident compte autant de morts, y compris des officiers et des sous-officiers.
La plupart d’entre eux sont britanniques et polonais, mais il y a aussi des Américains et des membres de sociétés privées qui s’occupent de communications et de transmission de données.
Dans les jours et les semaines à venir, l’évolution des opérations montrera dans quelle mesure elle affectera la conduite des opérations ukrainiennes et occidentales et la tentative d’arrêter l’attaque russe finale sur Bakhmout/Artiomovsk
Cependant, il s’agit de la première attaque massive contre le personnel de l’OTAN et on ne sait pas comment les capitales occidentales vont réagir, mais si elles le font, ce sera comme si elles admettaient la participation active de leur personnel à la guerre contre la Russie ! »
En réalité, ce n’est pas la première fois que des effectifs occidentaux sont touchés par une arme hypersonique. Il y a un an (le 19 mars 2022), la Russie avait envoyé une arme hypersonique sur un casernement de volontaires étrangers. Apparemment, le déni de réalité a mis un an – et une autre frappe dévastatrice – à se dissiper.
Il y a un an déjà….
Le Ministère russe de la défense expliquait aux Occidentaux, mais apparemment sans être pris au sérieux, ce que pouvait faire l’arme hypersonique russe. Voilà ce que notre chronique de la Guerre d’Ukraine avait cité:au 26è jour de guerre :
+ Le Ministre russe de la Défense a confirmé l’utilisation, pour la première fois sur un champ de bataille, de l’arme hypersonique: « Le ministère russe de la Défense a analysé les résultats de la destruction des actifs de l’infrastructure militaire de l’Ukraine par les complexes de missiles d’aviation Kinzhal avec des missiles aérobalistiques hypersoniques. Des entrepôts souterrains protégés d’armes d’aviation ukrainiennes et d’unités de combat pour les systèmes de missiles Tochka-U situés à Delyatin, dans la région d’Ivano-Frankovsk, ainsi que de grands dépôts de carburant à Konstantinovka, dans la région de Nikolaev, ont été détruits. Le Ministre a déclaré: « Je voudrais attirer votre attention sur le fait que l’utilisation d’un missile aérobalistique hypersonique du complexe Kinzhal a été effectuée à partir d’une portée de plus de 1 000 kilomètres. Le temps de vol du missile hypersonique a été inférieur à 10 minutes. Du fait de la vitesse hypersonique et de l’énergie cinétique ultra-haute, l’ogive du complexe de missiles Kinzhal a détruit un arsenal souterrain protégé situé dans une zone montagneuse, construit à l’époque soviétique pour stocker des munitions et des missiles spéciaux. La destruction d’un grand dépôt de carburant à Konstantinovka par le missile hypersonique Kinzhal est due à son invisibilité et à son invulnérabilité à tous les moyens de défense aérienne et antimissile de l’ennemi. L’utilisation au combat du système de missiles d’aviation Kynzhal a confirmé son efficacité à détruire des moyens spéciaux ennemis hautement protégés. Les frappes sur l’infrastructure militaire de l’Ukraine par ce système de missiles se poursuivront dans le cadre de l’opération militaire spéciale. Je tiens à souligner que le système Kinzhal est utilisé avec une tête conventionnelle. Bien que les experts soient bien conscients des capacités de cette arme, non seulement en termes de portée, mais aussi en termes de type de charge«
Le plan de la future offensive ukrainienne…date de plus d’un an!
L’auteur de ce tweet, Marc Legrand, qui a écrit sur le renseignement et la défense, m’a envoyé pour avis le plan d’offensive de printemps de l’armée ukrainienne tel qu’il l’a reconstitué. Je me permets de critiquer ici son approche, non pour le plaisir de démolir sa construction mais parce qu’elle me semble désincarnée. En témoignent ces cartes purement administratives, sans indications sur le relief ni sur les positions actuelles de l’armée russe.
Il y a premièrement une question logique. Comment une armée qui est autant en difficultés que l’armée ukrainienne, pourrait-elle lancer une triple contre-offensive? Que veut dire, pour l’OTAN, « jouer son va-tout’? S’engager directement sur le terrain?
« Franchissement du Dniepr à Kherson, et en deux points situés entre l’Ingoulets et le réservoir de Kakhovka… Débarquement amphibie dans le golfe de Karkinit, au sud, avec soutien de l’artillerie (HIMARS) et drones pour y fixer l’armée russe. (2/6) »
Alors que l’armée russe a solidement établi ses lignes de défense sur la rive gauche du Dniepr, combien l’armée ukrainienne est-elle en mesure d’aligner d’hommes pour la déloger? L’auteur est-il impressionné par le retrait de Kherson? Mais ce sont les Russes qui se sont retirés! non l’armée ukrainienne qui les a délogés! Autre question: les HIMARS se sont-ils illustrés jusqu’à maintenant ailleurs que dans le bombardement des zones civiles, par exemple à Donetsk? Enfin, les six derniers mois n’ont-ils pas prouvé une supériorité des drones russes sur les drones ukrainiens?
« Attaque en trois points à l’est du réservoir de Kakhovka, dans le but d’atteindre Melitopol, Berdiansk et, plus tard, Marioupol… Tirs massifs de l’artillerie (HIMARS) depuis Nikopol, selon un axe nord-sud, pour soulager le « groupe Kherson« . (3/6) »
On voudrait savoir comment les Ukrainiens vont inverser un an de guerre: les Russes ont avancé rapidement au sud, à la fin de l’hiver dernier. Et comment l’auteur pense-t-il que l’armée kiévienne va refaire la bataille de Marioupol, pour en inverser le résultat? Au passage, il ne demande jamais ce que pensent les populations de la région, par exemple les habitants d’une Marioupol en reconstruction rapide ?
« Contre-offensive en direction du sud-ouest de Donetsk, de Gorlovka (Horlivka) et Bakhmout (Artiomovsk), afin de fixer l’armée russe et faciliter, plus tard, la prise de Marioupol… Il s’agit ici du corps d’armée le plus fourni du dispositif. (4/6)
N’est-il pas surréaliste de parler d’une contre-offensive en direction de Bakhmout/Artiomovsk, au moment où les Ukrainiens sont en train de perdre la ville? D’autre part, on soulignera le paradoxe consistant à parler d’offensives ukrainiennes alors que l’armée russe déloge progressivement les troupes ukrainiennes de positions défensives (tranchées, immeubles bunkerisés). L’auteur veut-il dire que maintenant que les Russes ont dégagé le terrain, les Ukrainiens vont pouvoir reprendre une guerre de mouvement? Mais avec quelles troupes? Quel équipement? Quelles munitions? Actuellement le ration de tirs Ukraine/Russie est de 1/8. Comment va-t-il s’inverser en un rapport même seulement de 3 ou 4/1, qui serait nécessaire pour pouvoir avancer avec un peu de succès?
« Il est assez probable que les trois contre-offensives simultanées de l’armée ukrainienne surviennent alors que l’armée russe lance une offensive dans l’oblast de Kharkov, au nord du Donets… Ce qui disperserait les forces de cette dernière. (5/6) »
L’armée ukrainienne a un ratio de pertes de 8/1 (l’inverse du ration de munitions d’artillerie!). Elle serait capable de lancer trois offensives en même temps? Et, par ailleurs, les Russes devraient dégarnir leurs lignes pour attaquer au Nord? On peut même imaginer un message de Choïgou à Reznikov: cher collègue, je vous en prie, je vous ai dégagé le terrain!
« Accompagnée d’attentats terroristes à Minsk, Moscou et en Transnistrie, l’opération TRIDENT permettrait à Kiev et l’OTAN de reprendre tout le sud du pays, menaçant la Crimée et le sud-ouest russe… Le but étant de forcer l’ennemi à négocier. (6/6) »
On passera sur l’encouragement au terrorisme. Et sur l’oubli du fait que le terrorisme est l’arme des faibles. Mais l’auteur n’a-t-il pas vu l’ampleur de la riposte, des 8-9 mars, en réponse à quelques incursions ukrainiennes en territoire russe? La vitesse à laquelle Marc Legrand fait manœuvrer l’armée ukrainienne et cette OTAN un peu fantomatique qu’il évoque, est digne de Picrochole, personnage de Rabelais; ou d’un jeu vidéo, comme on voudra. Mais est-ce bien sérieux?
En réalité, j’épingle cette présentation des choses parce que je l’ai entendue aussi à très haut niveau, dans un cénacle, l’été dernier, où il y avait des ministres européens. J’y ai entendu parler, pendant deux jours, de la future victoire ukrainienne sans un seul mot sur les opérations au sol, la réalité militaire…..
Surtout, Marc Legrand devrait se souvenir de ce que cette idée de triple offensive – comme l’a montré Jacques Baud – remonte à l’hiver 2021-2022: une grande offensive ukrainienne se préparait, qui devait à la fois reconquérir le Donbass et poser les conditions d’une reconquête de la Crimée. Moscou a pris la menace suffisamment au sérieux pour intervenir militairement à titre préventif et (1) briser les troupes ukrainiennes et leurs matériels se trouvant dans le nord, la région de Kiev et en Galicie; (2) conquérir le sud pour protéger la Crimée (3) amorcer le démantèlement des lignes de défense ukrainienne, qui continue encore.
La guerre se déroule sur un terrain, avec des obstacles physiques, des installations défensives, des matériels, des effectifs. ce n’est pas le monde d’une sorte de « bataille pure et parfaite désincarnée ». Nous payons l’effondrement de la culture générale. Le problème vient de ce que l’absence de culture stratégique et militaire concerne jusqu’au sommet des Etats européens.
M.K. Bhadrakumar analyse la médiation chinoise entre l’Arabie Saoudite et l’Iran: une très lourde défaite géostratégique américaine
« L’accord annoncé vendredi à Pékin concernant la normalisation des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran et la réouverture de leurs ambassades est un événement historique. Il va bien au-delà de la question des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran. La médiation de la Chine signifie que nous assistons à un profond déplacement des plaques tectoniques dans la géopolitique du 21e siècle.
Les États-Unis exclus de l’accord
La déclaration conjointe publiée vendredi à Pékin commence par indiquer que l’accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran a été conclu « en réponse à la noble initiative du président Xi Jinping ». L’Arabie saoudite et l’Iran ont exprimé leur « appréciation et leur gratitude » à Xi Jinping et au gouvernement chinois « pour avoir accueilli et parrainé les pourparlers, ainsi que pour les efforts qu’ils ont déployés en vue de leur réussite ».
Le communiqué conjoint mentionne également l’Irak et Oman pour encourager le dialogue saoudo-iranien en 2021-2022. Mais le fait marquant est que les États-Unis, qui sont traditionnellement la puissance dominante dans la politique de l’Asie de l’Ouest depuis près de huit décennies, ne figurent nulle part dans le communiqué. (C’est nous qui soulignons, CdS) (…)
Mais M. Biden doit en assumer la responsabilité. Cet échec cataclysmique est largement imputable à sa ferveur à imposer ses dogmes néoconservateurs en complément de la puissance militaire américaine et à l’insistance fréquente de M. Biden lui-même sur le fait que le sort de l’humanité dépend de l’issue d’une lutte cosmique entre la démocratie et l’autocratie.
La Chine a montré que l’hyperbole de M. Biden est illusoire et qu’elle se heurte aux réalités. Si la rhétorique moralisatrice et irréfléchie de M. Biden a aliéné l’Arabie saoudite, ses tentatives pour supprimer l’Iran se sont heurtées à la résistance obstinée de Téhéran. En fin de compte, M. Biden a littéralement poussé Riyad et Téhéran à rechercher des forces compensatrices qui les aideraient à repousser son attitude oppressive et dominatrice.
Un moment Suez
L’exclusion humiliante des États-Unis du centre de la scène politique de l’Asie occidentale constitue un « moment Suez » pour la superpuissance, comparable à la crise vécue par le Royaume-Uni en 1956, qui a obligé les Britanniques à comprendre que leur projet impérial était dans l’impasse et que l’ancienne façon de faire – mettre au pas les nations plus faibles en tant qu’obligations ostensibles du leadership mondial – ne fonctionnerait plus et ne mènerait qu’à un bilan désastreux.
Ce qui est stupéfiant ici, c’est la puissance cérébrale, les ressources intellectuelles et le « soft power » que la Chine a mis en jeu pour surpasser les États-Unis. Les États-Unis disposent d’au moins 30 bases militaires en Asie occidentale – cinq rien qu’en Arabie saoudite – mais ils ont perdu leur rôle de leader. À bien y réfléchir, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Chine ont fait leur annonce historique le jour même où Xi Jinping a été élu pour un troisième mandat présidentiel.
Ce que nous voyons, c’est une nouvelle Chine, sous la direction de Xi Jinping, qui trotte sur le haut plateau. Pourtant, elle adopte une attitude effacée et ne s’attribue aucun titre de gloire. Il n’y a aucun signe du « syndrome de l’empire du Milieu », contre lequel les propagandistes américains avaient mis en garde.
Quand un diplomate indien fait l’éloge de la Chine!
Au contraire, pour le public mondial – en particulier des pays comme l’Inde ou le Viêt Nam, la Turquie, le Brésil ou l’Afrique du Sud – la Chine a présenté un exemple salutaire de la manière dont un monde multipolaire démocratisé peut fonctionner à l’avenir – comment il est possible d’ancrer la diplomatie des grandes puissances sur une politique consensuelle et conciliante, sur le commerce et l’interdépendance et d’aboutir à un résultat « gagnant-gagnant ».
Un autre message important est implicite : La Chine en tant que facteur d’équilibre et de stabilité au niveau mondial. L’Asie-Pacifique et l’Asie occidentale ne sont pas les seules à nous observer. Le public comprend également l’Afrique et l’Amérique latine – en fait, l’ensemble du monde non occidental qui forme la grande majorité de la communauté mondiale et qui est connu sous le nom de « Global South ».
Ce que la pandémie et la crise ukrainienne ont fait remonter à la surface, c’est la réalité géopolitique latente qui s’est accumulée au fil des décennies, à savoir que le Sud mondial rejette les politiques de néo-mercantilisme menées par l’Occident sous le couvert de l' »internationalisme libéral ». (C’est nous qui soulignons, CdS!)
L’Occident poursuit un ordre international hiérarchique. Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, l’a récemment déclaré à l’improviste, avec des accents racistes, en déclarant publiquement que « l’Europe est un jardin, le reste du monde est une jungle ». Le reste du monde est une jungle, et la jungle pourrait envahir le jardin ».
Demain, la Chine pourrait tout aussi bien contester l’hégémonie américaine sur l’hémisphère occidental. Le récent document du ministère chinois des affaires étrangères intitulé « L’hégémonie américaine et ses dangers » nous indique que Pékin ne sera plus sur la défensive.
Rôle discret de la Russie?
Entre-temps, un réalignement des forces sur la scène mondiale est en cours, avec la Chine et la Russie d’un côté et les États-Unis de l’autre. Le fait que, la veille même de l’annonce historique faite à Pékin vendredi, le ministre saoudien des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan Al Saud, ait atterri soudainement à Moscou pour une « visite de travail » et se soit entretenu avec le ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, visiblement ravi, n’est-il pas un message important ?
Bien entendu, nous ne saurons jamais quel rôle Moscou aurait joué en coulisses, en coordination avec Pékin, pour jeter des ponts entre Riyad et Téhéran. Tout ce que nous savons, c’est que la Russie et la Chine coordonnent activement leurs actions en matière de politique étrangère. Il est intéressant de noter que le 6 mars, le président Poutine a eu une conversation téléphonique avec le président iranien Ebrahim Raisi. (…)
Une mauvaise nouvelle pour Israël?
Il est concevable que Riyad n’ait plus rien à voir avec les complots diaboliques ourdis à Washington et à Tel-Aviv pour créer une alliance anti-iranienne en Asie occidentale. Il n’est pas non plus envisageable que l’Arabie saoudite participe à une attaque israélo-américaine contre l’Iran.
Cette situation isole gravement Israël dans la région et rend les États-Unis impuissants. Sur le fond, cela réduit à néant les efforts fébriles déployés dernièrement par l’administration Biden pour cajoler Riyad afin qu’il rejoigne les accords d’Abraham.
Toutefois, il est significatif qu’un commentaire du Global Times ait noté avec une certaine audace que l’accord saoudo-iranien « constitue un exemple positif pour d’autres points chauds de la région, tels que l’apaisement et le règlement du conflit israélo-palestinien ». À l’avenir, la Chine pourrait jouer un rôle important dans la construction d’un pont entre les pays pour résoudre les problèmes épineux de longue date au Moyen-Orient, comme elle l’a fait cette fois-ci ».
En effet, le communiqué conjoint publié à Pékin indique que « les trois pays [l’Arabie saoudite, l’Iran et la Chine] ont exprimé leur volonté de déployer tous les efforts possibles pour renforcer la paix et la sécurité régionales et internationales ». La Chine peut-elle sortir un lapin de son chapeau ? L’avenir nous le dira.
Pour l’heure, le rapprochement saoudo-iranien aura certainement des retombées positives sur les efforts déployés en vue d’un règlement négocié au Yémen et en Syrie, ainsi que sur la situation politique au Liban.
Les sanctions contre l’Iran sont devenues inefficaces
Le communiqué conjoint souligne que l’Arabie saoudite et l’Iran ont l’intention de relancer l’accord général de coopération de 1998 dans les domaines de l’économie, du commerce, de l’investissement, de la technologie, de la science, de la culture, des sports et de la jeunesse. Dans l’ensemble, la stratégie de pression maximale de l’administration Biden à l’égard de l’Iran s’est effondrée et les sanctions occidentales contre l’Iran sont devenues inefficaces. Les options politiques des États-Unis à l’égard de l’Iran se sont réduites. L’Iran gagne en profondeur stratégique pour négocier avec les États-Unis.
Le tranchant des sanctions américaines réside dans les restrictions imposées au commerce du pétrole iranien et à l’accès aux banques occidentales. Il est tout à fait concevable qu’un retour de bâton soit sur le point de se produire alors que la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite – trois des principaux pays producteurs de pétrole et de gaz – commencent à accélérer leur recherche de mécanismes de paiement contournant le dollar américain.
Quand l’Iran et l’Arabie Saoudite adhèreront aux BRICS…
La Chine discute déjà d’un tel arrangement avec l’Arabie saoudite et l’Iran. Les transactions commerciales et économiques entre la Chine et la Russie tentent d’éviter le dollar américain pour les paiements. Il est bien entendu que toute érosion significative du statut du dollar en tant que « monnaie mondiale » ne sonnera pas seulement le glas de l’économie américaine, mais affaiblira également la capacité des États-Unis à mener des « guerres éternelles » à l’étranger et à imposer leur hégémonie mondiale.
En définitive, la réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran est également un précurseur de leur intronisation en tant que membres des BRICS dans un avenir proche. Il est certain qu’il existe déjà une entente entre la Russie et la Chine à ce sujet. L’adhésion de l’Arabie saoudite et de l’Iran aux BRICS réinitialisera radicalement la dynamique du pouvoir dans le système international.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/03/15/guerre-dukraine-j-378-j-385-la-frappe-hypersonique-russe-qui-a-terrifie-lotan/
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