Depuis plusieurs années, Emmanuel Macron a fait le choix de l’Algérie contre le Maroc. Alors que les relations diplomatiques, économiques et amicales entre Paris et Rabat sont fortes et anciennes, la diplomatie française est en train de casser ces liens séculaires, pour une tentative absurde de rapprochement avec Alger.
Emmanuel Macron a un problème avec l’Algérie. Alors qu’il n’est pas issu d’une famille de Pieds Noirs et qu’il n’a aucun lien familial avec ce pays, il a développé une relation presque pathologique avec ce pays. Cela avait commencé dès la campagne présidentielle de 2016 et son discours sur les « crimes contre l’humanité » qu’aurait été la colonisation. Durant son premier mandat et le début de son second, il a multiplié les visites, envoyé son gouvernement, réalisé des courbettes pour tenter de se faire bien voir par Alger. Il voudrait « réconcilier » la relation entre la France et l’Algérie. C’est bien mal connaitre le régime algérien, corrompu, cacochyme et rentier de la période coloniale. C’est méconnaitre aussi sa psychologie : plus on se montre faible devant lui, plus il est redoutable. Cette insistance répétée à l’égard de l’Algérie est également en décalage complet avec la situation actuelle de la France : plus personne ne s’intéresse à l’Algérie, qui ne représente presque rien de nos échanges commerciaux et économiques. Même la question du gaz est secondaire. Les infrastructures algériennes sont vétustes, les gisements arrivent à terme, faute d’exploitations et de recherches nouvelles. Le gaz de la Méditerranée orientale et du canal du Mozambique est beaucoup plus prometteur que les gisements vieillissants du Sahara algérien.
Alors, pourquoi se fixer autant sur l’Algérie, pourquoi cette insistance à vouloir revenir sur la colonisation, période que tout le monde a oublié ? Emmanuel Macron veut rentrer dans l’histoire et espère laisser une trace par sa politique algérienne. Comme il insiste aussi sur la colonisation dans les pays d’Afrique, avec sa volonté récente de faire travailler des historiens français sur le Cameroun. Comme si les historiens attendaient un mandat élyséen pour travailler ces questions. Les livres, les thèses et les colloques sont déjà légion. Dans une réécriture permanente et biaisée de l’histoire, il abîme l’image de la France et falsifie les faits historiques. À quoi s’ajoute une fracture des liens séculaires avec le Maroc. Alors qu’Emmanuel Macron avait assuré que ses relations avec Mohammed VI étaient « amicales », celui-ci lui a vertement répliqué qu’elles n’étaient « ni bonnes, ni amicales ».
France – Maroc, une amitié ancienne
Les relations entre la France et le Maroc ont toujours été bonnes et sont anciennes. Relations d’amitié entre la dynastie régnante à Rabat et les Orléans, manifestée notamment par la présence du Prince Moulay el-Hassan aux obsèques du comte de Paris en 2019 ; amitié approfondie par le maréchal Lyautey et complétée aujourd’hui par les nombreux liens économiques entre la France et le Maroc. Alors que l’Algérie ne représente rien pour l’économie française, le Maroc est au contraire une terre d’investissements nombreux, avec la présence de Renault et de PME industrielles. Grâce à sa stabilité, son respect du droit et la bonne formation de ses ouvriers, le Maroc est un pays prisé des entrepreneurs français. Des relations anciennes qui ne sont plus du goût de l’Élysée qui fait tout pour les casser. Une note récente des services français a classé le Maroc comme un pays dangereux, au même titre que la Russie ! Comme si la Chine et l’Iran ne représentaient pas une menace beaucoup plus grande pour la France. Un mouvement d’influence pro-algérien fait tout pour casser la relation France – Maroc, alors que les intérêts de Paris sont du côté du royaume chérifien, non d’Alger.
Tanger Med
Outre les liens économiques précités, l’activité touristique qui reprend, faisant du Maroc une destination prisée des Français, le Royaume dispose aussi du premier port d’Afrique avec Tanger Med. Situé dans le détroit de Gibraltar, c’est à la fois un port d’échanges et une plateforme industrielle et logistique. Plusieurs centaines d’entreprises y sont basées, pour un total de 65 millions de tonnes échangées en 2019. Tanger Med est la porte de l’Afrique pour les productions européennes, un lieu essentiel pour les échanges économiques et industriels.
Beaucoup de dossiers restent à régler avec le Maroc. La question de la production de cannabis, le dossier migratoire, le Sahara occidental. Mais le Maroc dispose aussi d’une situation unique en Afrique grâce au type d’islam qui y est développé, l’islam malékite. À la fois rite et école juridique, cet islam donne une aura particulière au roi du Maroc comme commandeur des croyants. Il a ainsi réussi à contenir les islamistes, qui ont gagné des élections et ont dirigé plusieurs gouvernements, avant de se discréditer et de perdre le pouvoir. Le Maroc est ainsi un cas unique dans le monde arabe d’un pays où des islamistes sont arrivés au pouvoir légalement et en sont partis légalement, sans coup d’État. Cette stabilité est due à la présence de la structure monarchique, à l’inverse de l’Algérie et de l’Égypte qui ne tiennent que par des régimes militaires forts. Le Maroc forme ainsi de nombreux imams, notamment pour l’Afrique de l’Ouest et la région du Sahara, opérant une bonne concurrence aux imams formés par Daesh. Pour éviter le terrorisme, c’est beaucoup plus efficace et malin que de déployer une armée de quelques milliers d’hommes dans un espace géographique vaste.
En s’attaquant à la relation France – Maroc, Emmanuel Macron abîme une relation qui fonctionne depuis longtemps, nuit aux intérêts de la France et au rôle que celle-ci pourrait jouer en Afrique, tout en ne pouvant rien gagner à une relation illusoire avec l’Algérie. C’est là l’un des nombreux échecs de la diplomatie arabe de la France qui de l’Atlantique au Liban fait disparaitre une présence pourtant ancienne.
Cette crise France – Maroc démontre aussi que la diplomatie est une chose trop sérieuse pour être confiée aux politiques. Les liens et les échanges réalisés par les chefs d’entreprise, les universitaires, les intellectuels se font dans la durée et ne cèdent pas aux lubies des ministres éphémères. L’Italie fait très bien cela. La France doit suivre cette voie en privatisant sa diplomatie, c’est-à-dire en la faisant reposer sur des personnes qui ont le temps avec eux, qui ne cède pas aux modes du moment et qui recherchent les vrais intérêts de leur pays. Aujourd’hui, un étudiant ou un professionnel sont des ambassadeurs beaucoup plus utiles pour l’influence française que des diplomates parachutés, souvent peu au fait des réalités du pays où ils sont nommés, sans lien avec la population, sans marge de manœuvre par rapport aux politiques. Cette crise démontre ainsi les limites d’un modèle diplomatique aujourd’hui dépassé.
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