Pour les services du ministre du Travail tous les moyens sont bons pour mettre fins aux grèves.
Dans une note interne que l’Humanité a pu consulter, les services d’Olivier Dussopt font des préconisations contre le droit de grève. De quoi licencier les élus du personnel coupables d’entraver la « liberté du travail », par exemple. Suite à notre publication, le ministre a tenté dans un tweet de démentir nos informations. Pour vous permettre de juger sur pièces nous vous invitons à découvrir l'intégralité de la note à la fin de cet article.
Intimidations et chantages à l’emploi, réquisitions ou remplacements de salariés grévistes, sanctions et discriminations à leur encontre… En marge de la répression des manifestations dans la rue – avec, au bas mot, plus de mille interpellations, n’ouvrant, dans l’écrasante majorité des cas, sur aucune poursuite et donc manifestement arbitraires –, une autre répression est en cours, dans les entreprises, petites ou grandes, dans les administrations et les services publics. Les exemples ne manquent pas : des raffineries de TotalEnergies, où les directions ont menacé de renoncer aux investissements, aux centres d’incinération des déchets qu’elles ont tenté de relancer avec des intérimaires… Et, là aussi, au coude-à-coude avec les patrons, le gouvernement est à la manœuvre pour s’en prendre au droit de grève.
Nous insérons dans cet article des extraits de la note interne de la DGT.
Nous insérons dans cet article des extraits de la note interne de la DGT.
Une série de jurisprudences pour faciliter les licenciements
La preuve ? Le 13 mars, à trois jours du coup de force d’Emmanuel Macron et d’Élisabeth Borne avec le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution en guise de vraie-fausse conclusion pour l’examen parlementaire du projet de loi sur les retraites, la direction générale du travail (DGT) a adressé à ses relais hiérarchiques au sein de l’inspection du travail un singulier vade-mecum sur l’autorisation administrative des licenciements pour faits de grève des salariés protégés du fait de leurs mandats syndicaux ou de représentation du personnel. Dans cette fiche technique que les responsables de service ont été chargés de faire passer aux agents de terrain, la DGT rappelle certes que « le droit de grève est un droit constitutionnel ».
" Nous savons que nos collègues résisteront et dénonceront les cas de répression. " Représentants du personnel CGT
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal du droit de grève », précisent ainsi les auteurs du document. Mais derrière cette pétition de principe sur laquelle ils ne s’étendent pas du tout, ils énumèrent une série de jurisprudences susceptibles de faciliter, dans les faits, la chasse aux syndicalistes. Pour la CGT du ministère du Travail, « ce document est un véritable manuel juridique pour faciliter les licenciements en justifiant des décisions d’autorisations pour motif disciplinaire des grévistes ».
La note interne de la DGT que l’Humanité a pu consulter s’attarde en particulier sur les contrôles quant à la « matérialité » et la « gravité des faits » reprochés au salarié protégé dans le cadre d’un mouvement de grève. En creux, elle encourage le recours des employeurs à des constats d’huissier de justice qui doivent emporter le jugement de l’inspection du travail, en dépit du doute subsistant quand, par exemple, ils sont contredits par des attestations émanant d’autres salariés. Pareil pour le recours à d’éventuels procès-verbaux de gendarmerie ou de police nationale : l’inspecteur du travail doit juste « s’assurer que ces pièces ne sont pas couvertes par le secret de l’enquête et de l’instruction ».
Impasse sur l’exercice du droit des salariés
Parmi les éléments qui peuvent justifier le licenciement en cas d’actes « illicites » – comportements agressifs et violents, atteintes à l’outil de production, entraves à la liberté du travail ou à la liberté de circulation, séquestrations –, les agents doivent établir la participation « personnelle » du syndicaliste ou « a fortiori » son rôle « prépondérant, constant et particulièrement actif » en tant que « meneur ». Afin d’atténuer ou de renforcer la gravité de la faute, la DGT insiste : « Les juridictions administratives prennent en considération le rôle modérateur que devraient jouer les salariés protégés dans le cadre d’un conflit collectif. »
Pour les représentants du personnel CGT au sein de l’inspection du travail, cette fiche technique qui fait l’impasse « sur l’exercice du droit de grève par les salariés, leurs garanties en la matière et les modalités pratiques d’exercice de ce droit », mais également « sur le contrôle des employeurs qui portent atteinte au droit de grève », n’est pas un accident. « En solidarité avec la mobilisation historique qui s’amplifie, nous savons que nos collègues résisteront et dénonceront les cas de répression des grévistes, écrit le syndicat. Le rôle de l’inspection du travail est de défendre le droit de grève, pas d’aider les patrons à museler la contestation sociale ! »
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