Philippe Tesson : le bal des hypocrites

Drôle de monde que celui d’aujourd’hui, un monde qui applaudit ce qu’il exècre. Journaux télévisés, presse écrite, internet, les journalistes sont unanimes pour honorer le décès de Philippe Tesson qui fut un grand Monsieur. 

Je suis toutefois gêné de voir tous ces journalistes encenser le parcours de Philippe Tesson, les valeurs qu’il défendait dans le journalisme, car tous font strictement le contraire de ce qu’il faisait. Comment peut-on, sans être hypocrite, encenser le contraire de ce que l’on fait ? Hypocrisie : « exprimer des sentiments, des opinions, des vertus que l’on n’a pas ou que l’on n’approuve pas ». Aucun scrupule, ils me rappellent tous ces revendiqués « gaullistes » que le grand Charles aurait reniés. Hypocrites les compliments de ceux qui vivent d’un système qui a coulé la presse de Philippe Tesson.

Amusant cet article du Monde qui définit Philippe Tesson en un mot : non conformiste. Pourquoi amusant ? Quand le Quotidien du Médecin, qu’il a fondé en 1971 avant le Quotidien de Paris en 1974, m’a demandé d’ouvrir un blog, c’est la rédaction qui en avait choisi le titre : « L’œil d’un anticonformiste » ! Quel honneur ! Je suis flatté. Malheureusement le Quotidien du Médecin, nous l’avons vu, a bien changé : il est maintenant à l’opposé des valeurs défendues par son fondateur, car il y est interdit de poser des questions qui dérangent et d’être critique à l’égard de la doxa officielle. Philippe Tesson était un journaliste, un patron de presse droit, honnête, libre, qui n’avait pas peur de polémiquer et de dire ce qu’il pensait, c’était sa raison d’être.

Après avoir fait les beaux jours de Combat, un titre qui veut tout dire, il créé son propre journal, Le Quotidien de Paris, qui ne repose ni sur un pari industriel ni sur un pari financier, mais sur un pari rédactionnel, un journal polémique ouvert à toutes les opinions et tendances politiques, provoquant la réflexion. Le Quotidien de Paris était catalogué libéral de droite, mais Tesson, qui avait soutenu Mitterrand et embauché des journalistes de gauche venant de Combat et de L’Aurore, aimait à dire : « Mon journal n’est pas conforme à ce que la droite conforme attend d’un journal conforme. Pour ça, il y a Le Figaro ».

Je me souviens très bien de son soutien en 1991, avec celui du Quotidien du Médecin, alors que son journal commençait à avoir des soucis financiers, qu’il comblait de sa poche grâce aux recettes du Quotidien du Médecin, riche de la publicité des laboratoires pharmaceutiques…

Ce petit billet pour rétablir quelques vérités et soulever l’hypocrisie de la presse, car il existe aujourd’hui un autre Philippe Tesson, qui travaille strictement dans le même esprit que lui, avec les mêmes lignes éditoriales, non conformistes, dans les mêmes difficultés matérielles, refusant d’être acheté, et qui défend les valeurs de Philippe Tesson : le débat et la liberté d’expression, qui n’existent plus dans notre presse. Et pourtant, alors que notre presse encense le premier, elle dit pis que pendre du second. Je veux parler de France Soir et de Xavier Azalbert. En rendant un hommage mérité à Philippe Tesson, il faut rendre le même hommage à ceux qui défendent les mêmes valeurs et non jouer les hypocrites.

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