08 février 2023

Non, le séisme en Turquie et en Syrie n’a pas été provoqué par l’HAARP, un pseudo-programme militaire américain

Vue aérienne des dégâts causés par le séisme à Hatay, Turquie. REUTERS/Umit Bektas

L’HAARP, un vieux serpent de mer du conspirationnisme, est réapparu à l’occasion du terrible tremblement de terre en Turquie et Syrie. Explications.Ce mardi matin, le monde est encore sous le choc du terrible séisme qui a touché la Turquie et la Syrie. Le bilan de ce dernier ne fait que s’alourdir et comptait déjà plus de 5 000 victimes ce midi. Mais pour certains, alors que l’on recherche encore des rescapés sous les décombres, il ne peut y avoir qu’un seul responsable : l’HAARP. En anglais High Frequency Active Auroral Research Program, un projet scientifique américain basé dans un observatoire en Alaska et qui étudie la haute atmosphère à l’aide d’émetteurs radio.

Certains partisans de la théorie du complot pensent en effet que des dispositifs militaro-scientifiques sont cachés partout dans le monde. Séismes, feux de forêt, inondations et ouragans… pour ces « sceptiques », les catastrophes naturelles auxquelles nous avons assisté ces dernières années auraient la même origine : une arme secrète contrôlant le climat et appartenant soi-disant à l’armée américaine, l’HAARP.

« La façon de démystifier la théorie du complot sur l’HAARP est d’essayer d’expliquer aux gens ce que cette station fait exactement, a répondu l’auteur spécialisé dans les théories complotistes, Mick West, à la rubrique The Observers de France 24. Expliquez-leur qu’il s’agit simplement d’un émetteur radio situé à un endroit précis en Alaska et qu’il ne peut affecter qu’une petite partie de l’air au-dessus de lui. Expliquez-leur que la puissance réelle utilisée par cet émetteur radio est très très faible par rapport à ce dont vous auriez besoin si vous vouliez réellement faire certaines des choses qui sont suggérées » par les complotistes, explique ce débunkeur professionnel.

« À chacun son acception de l’HAARP en fonction des enjeux géopolitiques »

« L’HAARP, c’est un bruit de fond qui existe dans la complosphère depuis une dizaine d’années. Il se réactive systématiquement à chaque événement sismique ou météorologique », confirme Tristan Mendès France au Parisien, maître de conférences associé à Paris Cité et spécialiste des cultures numériques. Les premières théories sur l’HAARP remontent même au milieu des années 90, outre-Atlantique. « C’est assez spectaculaire de voir la synchronicité avec chaque événement dramatique. Instantanément, toute cette fantasmagorie se réactive », ajoute ce collaborateur de l’Observatoire du conspirationnisme. D’aucuns évoquent aussi le spectre d’armes sismiques, là aussi nourri par une fantasmagorie militaro-complotiste.

À chaque catastrophe, le contexte offre une opportunité aux complotistes de faire de l’HAARP le responsable d’un événement pourtant prouvé scientifiquement, les séismes s’étant produits sur des failles bien connues de la communauté scientifique.


« Aujourd’hui, ce serait une sorte de Deep State (NDLR, gouvernement fantôme) mondial qui aurait souhaité détruire la Turquie. Mais c’est aussi un complot des États-Unis ou d’Israël ou encore un avertissement contre la politique d’Erdogan, si l’on en croit les messages publiés sur les réseaux sociaux », décrypte Tristan Mendès France. « À chacun son acception de l’HAARP en fonction des enjeux géopolitiques. C’est adaptable en fonction de l’intérêt des narratifs complotistes, ironise le spécialiste. Il n’y a pas un discours cohérent mais une multitude de théories qui suivent les contours idéologiques de ceux qui les véhiculent ». Chacun ajoute sa corde à son HAARP en quelque sorte…
Fausses vidéos « d’antennes HAARP »

Cette théorie complotiste est, comme souvent, née aux États-Unis, notamment autour d’un fantasme très commun du « programme militaire secret ». Si le programme a été créé par l’Air Force américaine et la Nasa, il n’a jamais rien eu de secret. Depuis août 2015, il a été transféré à l’Université d’Alaska Fairbanks, qui cherche même des collaborateurs. Le projet lui-même répond à ces allégations dans son FAQ. « HAARP n’est pas classé secret-défense. Une étude d’impact environnemental (EIS) a été menée en 1992-1993 conformément à la loi sur la politique environnementale nationale. Les documents du processus d’impact sur l’environnement ont toujours été publics », explique l’université. Une journée portes ouvertes est ainsi organisée tous les ans pour expliquer le projet au grand public.

Si l’on s’en fie à l’outil Google Trends, c’est lors de la catastrophe de Fukushima en mars 2011 que l’HAARP a eu jusqu’ici le plus d’écho sur Internet. Mais il réapparaît régulièrement sous diverses formes. À l’été 2021, plusieurs sites avaient alors partagé une vidéo qui, selon eux, montrerait des Brésiliens en train de démolir des « antennes HAARP » censées être utilisée pour contrôler la météo.

La vidéo montrait en réalité des manifestants arrachant des installations électriques lors d’une émeute ayant eu lieu dans une ferme brésilienne en novembre 2017.

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