22 février 2023

DeSantis, tournant ukrainien

Un développement important a lieu dans la situation politique intérieure US, essentiellement au sein du parti républicain dans la perspective essentielle des élections présidentielles de 2024. Il s’agit du développement de la position politique du gouverneur Ron DeSantis vis-à-vis de la politique ukrainienne des USA, et en général vis-à-vis de l’engagement US en soutien inconditionnel de l’Ukraine.

DeSantis, qui est clairement l’adversaire potentiel principal de Trump pour l’investiture républicaine de 2024, effectue un tournant par rapport à des positions classiques (quoique peu affirmées en tant que gouverneur plus intéressé par les questions intérieures de son État) de soutien automatique à la politique belliciste (la politiqueSystème), dont effectivement la politique ukrainienne belliciste actuellement suivie.

« “Nous avons beaucoup de problèmes qui s'accumulent ici dans notre propre pays et que Biden néglige”, a déclaré DeSantis à l'émission “Fox & Friends” de Fox News plusieurs heures après l'arrivée du dirigeant américain dans la capitale ukrainienne. “Il est très préoccupé par ces frontières à l'autre bout du monde [en Ukraine]. Il n'a rien fait pour sécuriser notre propre frontière [avec le Mexique] ici chez nous”.

» Le gouverneur a insisté sur le fait que l'administration Biden a “effectivement [donné à Kiev] un chèque en blanc sans objectif stratégique clair identifié.” “Je ne pense pas qu'il soit dans notre intérêt de nous engager dans une guerre par procuration... pour des choses comme les frontières [ukrainiennes] ou la Crimée”, a déclaré DeSantis. [...]

» “La crainte de voir la Russie pénétrer dans les pays de l'OTAN et tout cela, et les écraser, vous savez, cela n’est pas près de se produire”, a-t-il déclaré, en référence aux affirmations occidentales selon lesquelles la Russie envisage d'envahir les pays de l'OTAN. DeSantis a affirmé que le conflit en Ukraine n'aurait pas éclaté en premier lieu sans “la faiblesse dont le président a fait preuve au cours de sa première année de mandat”. »

Le ‘Journal-dde.crisis’ de PhG avait récemment traité la question des conceptions de politique étrangère de DeSantis, surtout dans une optique de concurrence entre le gouverneur et Trump (les deux hommes sont les plus populaires parmi les électeurs républicains). Il était surtout question, justement, des positions historiques de DeSantis, puisque durant sa période passée au Congrès (2013-2018) et son soutien apporté à la politiqueSystème impliquant les guerres extérieures du type-Ukraine.

« Quant à l’adversaire le plus sérieux, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, jusqu’ici essentiellement connu (et très populaire) pour ses engagements intérieurs, l’équipe Trump a commencé à dresser un réquisitoire.

» “Trump est le président de la paix et il est le premier président depuis deux générations à ne pas avoir commencé une guerre, alors que si vous regardez le bilan de DeSantis au Congrès, il a voté pour plus d’engagement et plus d’interventionnisme militaire à l'étranger”, a déclaré une personne proche de la campagne Trump, qui a parlé sous couvert d'anonymat pour décrire des discussions internes.

» DeSantis a été député de Floride à la Chambre des Représentants des États-Unis de janvier 2013 à septembre 2018 (démission à la fin de sa campagne pour l’élection [gagnée] de gouverneur de Floride). Nommé à la commission des affaires étrangères de la Chambre dès son arrivée à la Chambre et ensuite président de la sous-commission de la sécurité nationale à la commission de surveillance et de réforme du gouvernement, il a évidemment “de nombreux antécédents en matière de guerre et de paix” que l’équipe Trump décortique pour trouver des arguments contre lui, au nom de la paix dans le monde. »

Là-dessus, le développement du texte avait anticipé ce qui paraissait d’ores et déjà l’évidence lorsqu’on constate la puissance des courants hostiles à l’engagement ukrainien chez les républicains populistes : une évolution nette de DeSantis contre la politique ukrainienne de Biden, pour contrer les accusations de l’équipe Trump, dans tous les cas pour sa position présente. Cela nous conduisait à une hypothèse générale sur l’évolution de la politique intérieure US par rapport à ‘Ukrisis’.

« D’autre part, je suis prêt à mettre quelques euros dans un pari concernant une évolution du gouverneur DeSantis, qui va commencer à nous parler d’Ukraine et des charmes du rétablissement de la paix. Ce qui signifie, si mon hypothèse est bonne, si la guerre continue à durer, si les dirigeants de “l’Ouest collectif” continuent à montrer la même extrêmement-collective sottise, – beaucoup de “si” sans grand risque, – que la campagne des présidentielles de 2024 aux USA pourrait trouver comme point central de débat la guerre en Ukraine. »

Comme on le voit, les choses continuent à se mettre en place dans un sens favorable à d’intéressantes confrontations.

L’Ukraine, débat électoral

Bien entendu, l’évolution de DeSantis est celle d’un politicien très populaire qui a rapidement compris que l’opposition à l’engagement ukrainien est un thème extrêmement populaire parmi l’électorat qu’il veut séduire, – qui est, en bonne partie, le même que celui de Trump. Il ne s’agit nullement d’une politique pacifiste, ou “anti-guerre” au sens où l’entendent les activistes de cette tendance, à droite et à gauche. Par exemple, DeSantis affirme une position antichinoise marquée, d’ailleurs comme Trump lui-même et les républicains en général.

« [DeSantis] a également critiqué Biden pour “l’humiliation nationale” que représente le fait que “la Chine ait fait voler un ballon espion à travers le territoire américain”. [...]

» Bien que la Russie soit “hostile” aux États-Unis, elle ne représente pas le même niveau de menace pour les États-Unis que la Chine, selon le gouverneur. »

DeSantis calque sa position en politique internationale sur la tendance réaliste-populiste que Trump développe à partir de sa perception du sentiment populaire chez les républicains. (Par exemple encore, comme Trump également DeSantis affirme qu’une politique plus habile aurait évité le conflit entre la Russie et l’Ukraine.) Il n’y a donc rien d’absolument extraordinaire à attendre des hommes politiques, du côté républicain, – de Trump comme de DeSantis d’ailleurs, – qui agissent le plus souvent par opportunisme et démagogie par rapport à leur famille politique. Mais il reste à constater l’essentiel, savoir que leurs positions (comme celle d’un sénateur républicain, Josh Hawley, qui a fait une intervention remarquée ), qui ne sont nullement majoritaires dans la direction républicaine, le sont de plus en plus parmi les électeurs républicains. Pour cette raison essentiellement, alors que Biden entend mener jusqu’à son extrême sa politique ukrainienne, il devient de plus en plus possible, sinon probable, que les débats qui vont entourer les primaires (qui ne sont plus qu’à dix mois de nous) vont concerner l’engagement US en Ukraine. L’argument est d’autant plus fort qu’il s’affirme face aux graves problèmes intérieurs qui ne sont pas sérieusement traités. (Problème de l’immigration illégale à la frontière Sud, l’état catastrophique des infrastructures intérieures ; comme le montrent les accidents ferroviaires répétées ; la montée constante de la pauvreté et de l’insécurité ; etc.)

Un tel développement serait une première... Pour la première fois dans cet “Occident collectif” qui favorise et pousse à cette folle guerre, celle-ci deviendrait l’enjeu d’une élection présidentielle.

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