06 janvier 2023

"La première fois qu'on a un pic aussi important": les délais en forte hausse dans les crématoriums

Les délais pour les familles en deuil qui souhaitent faire la crémation de leurs défunts explosent. Dans un secteur déjà en tension, ils peuvent aller jusqu'à doubler.

Le 23 janvier 2023. Quand on contacte, ce vendredi, un crématorium en Île-de-France, c'est la première date qui est disponible pour un rendez-vous. Preuve d'une explosion des délais ces dernières semaines, dans plusieurs des 198 crématoriums que compte la France. Pour les familles, l'allongement du délai pour dire adieu à leur proche, qui peut doubler par rapport à la normale, est un moment terriblement difficile. Pour les professionnels du secteur, un tel afflux de décès à gérer et pour certains d’entre eux, inédit.

Les crématoriums essayent de s'adapter

En Loire-Atlantique, Jean-Pierre, qui s'occupe de deux crématoriums, confie n'avoir jamais vu ça depuis qu’il est dirigeant: "En dix ans, c'est la première fois qu'on a un pic aussi important… C'est quelque chose d'exceptionnel".

"La perte d'un être cher est un moment difficile et quand il y a des délais, ça l'est toujours plus."

Pour lui, il n'est pas question de laisser les familles endeuillées attendre plus de dix jours, contre quatre habituellement dans ses établissements, la crémation de leurs proches. Dans son crématorium de la région nantaise, Jean-Pierre a débloqué 30% de créneaux en plus, pour essayer d'améliorer la situation. La même décision a été prise dans les crématoriums de Nice, Perpignan, au Havre ou encore aux Mureaux. Dans cette ville des Yvelines, le crématorium a chamboulé le planning du directeur, Christophe, pour pouvoir faire face aux demandes des familles.

"On décale les horaires, on s'arrange toujours. Pour nous, c'est inconcevable de faire attendre une famille trois semaines pour un défunt."

Aujourd'hui, la loi impose un délai de six jours ouvrables maximum entre le décès et l'inhumation ou la crémation. Un texte soumis à des dérogations en préfecture, qui courent actuellement, et qui est actuellement difficilement tenable.

Une surmortalité "inhabituelle" liée à la grippe et à l'encombrement des hôpitaux?

Cet afflux inédit dans les crématoriums s'explique selon les professionnels par une hausse des hospitalisations et des décès, particulièrement chez les 65 ans et plus, surtout depuis mi-décembre 2022. Si janvier et décembre sont des mois où les décès sont plus élevés qu'au cours de l'année, il y a actuellement une vague inhabituelle de morts qui touche la France, observée par les professionnels du secteur funéraire. Une surmortalité qui serait liée à la grippe et aux hôpitaux encombrés. 291 personnes sont décédées depuis le début de l'épidémie de grippe en France au début du mois d'octobre, dont 251 rien qu'au mois de décembre dernier. Et Samu-Urgences de France décompte, sur le mois de décembre, 32 morts "évitables" aux urgences ou en pré-hospitalier. Un chiffre qu’ils jugent sous-estimé. 

"Le nombre de décès a effectivement été impacté par un taux d’incidence élevé de la grippe avec une augmentation des décès depuis la fin décembre. Cela a généré plus de demandes de crémations, entrainant un délai d’attente plus important dans certains de nos crématoriums", explique le Sifurep, un syndicat qui regroupe parmi les plus importants crématoriums franciliens. Il cite notamment l'exemple des crématoriums de Nanterre, Arcueil ou Clamart qui ont vu leurs délais d'attente passer de "huit jours d’attente en moyenne en décembre à treize" depuis le début de l'année.

Autre facteur aggravant: le secteur du funéraire est en tension et peine à recruter. Un professionnel de la région Grand-Est le confirme à RMC, ces problèmes de recrutement n'arrangent rien aux délais. En France, 40% des funérailles sont des crémations selon la Confédération des pompes funèbres et de la marbrerie. Un chiffre stable sur les dernières années.

Maryline Ottmann avec Maxime Martinez

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