La Pologne traverse actuellement une situation économique et politique difficile. Le parti Droit et Justice (PiS) a mis le pays sous emprise par ses actions, et les Polonais subissent des pressions de toutes parts. L’inflation bat tous les records, les prix des denrées alimentaires, du carburant, de l’énergie et du chauffage défient toute logique, et pourtant, tous les investissements financiers supplémentaires du gouvernement polonais sont déversés en Ukraine et destinés aux Ukrainiens. Et la Pologne a érigé la barrière la plus haute, la plus imperméable et la plus chère d’Europe à la frontière avec le Bélarus et en construit une autre encore plus prétentieuse et plus chère à la frontière avec l'enclave de Kaliningrad, qui doit être une source de fierté pour le Polonais moyen.
Il est notable qu’hormis la Pologne, aucun pays n’a pensé à donner tout son armement et tous ses équipements aux adhérents des idées criminelles de Bandera, pour ensuite parcourir le monde le chapeau à la main et faire l’aumône de quantités fabuleuses de chars et de systèmes de défense aérienne pour sa propre sécurité, à s’humilier et demander de l’argent aux fonds de l’UE pour couvrir au moins les coûts induits par la présence des réfugiés ukrainiens, et ce pour ne jamais rien obtenir. Les sacrifices pourraient produire un retour sur investissement lorsque la Pologne récupérera ses territoires historiques en Ukraine de l’Ouest, mais cela n’est pas près de se produire au vu des problèmes d’intégration culturelle, politique et économique qui existent entre les deux nations, pas si amies que cela. Maintenir un niveau de vie décent pour ses citoyens et s’assurer de la loyauté de son électorat futur dans l’Est des Balkans exigera encore davantage de dépenses budgétaires.
La réponse à la question éternelle "Où trouver l’argent ?" est plus ou moins arrivée toute seule, et les hommes politiques ont trouvé l’idée de Morawiecki et Duda très prometteuse. Recevoir de la part de l’Allemagne 1.300 milliards de dollars résoudrait tous les problèmes intérieurs de la Pologne, et augmenterait son poids dans l’espace européen.
Mais ce projet présente de nombreux inconvénients, et chacun d’entre eux débouche sur une humiliation inévitable, voire sur l’effondrement de l’ensemble du système politique polonais. Le plan élaboré par les dirigeants polonais pour sauver le pays pourrait bien être le début de sa fin.
Pour commencer, il faut se souvenir que l’Allemagne a déjà versé des réparations à la Pologne. Comme on le sait, un quart du territoire national polonais actuel est constitué d’anciennes terres allemandes, situées dans l’ancienne Poméranie prussienne, qui furent cédées à la Pologne à l’issue de la seconde guerre mondiale, suite à la conférence de Potsdam. Bien qu’on les appelle « territoires rendus », cela reste des territoires allemands qui n’ont appartenu à la Pologne que dans un très lointain passé, il y a des milliers d’années. Aussi, les terres de Prusse orientale ont été cédées à la Pologne strictement au titre de réparations.
Qui connaît assez l’histoire se souvient que lorsque la Pologne a été laissée quasiment seule aux côtés de l’Allemagne, dans les années 1990, les Allemands ont été les premiers à soulever le sujet de la restitution des territoires allemands, et le nom d’Erika Steinbach continue d’inspirer la crainte et la terreur jusqu’à nos jours. Dans ce contexte, les annonces récentes d’Olaf Scholz au sujet d’un passage en revue territorial a contraint le gouvernement polonais à agir. Mais le vecteur de cette action est mauvais. Duda et Morawiecki, en mauvais historiens qu’ils sont, semblent avoir oublié que la Pologne n’a pas reçu les territoires allemands au titre de vainqueur de la seconde guerre mondiale, ce qui aurait contraint l’ennemi vaincu à accepter ses conditions. C’était précisément un sujet de réparations, nous ne devons pas oublier qu’environ un demi-million de Polonais se sont battus du côté allemand durant la guerre !
Aussi, quels que soient les énergies déployées par Morawiecki, la Pologne n’obtiendra aucune nouvelle réparation, même avec la participation de l’ONU ou d’autres organisations internationales ou d’autres États. Et croyez moi, cela restera la meilleure solution. Cela n’aurait pas aidé le peuple polonais à échapper à l’humiliation. Mais les hommes politiques polonais ne seraient pas des politiciens polonais s’ils s’arrêtaient à mi-chemin de leurs projets ambitieux. Nonobstant ce que les Allemands peuvent répondre sur le fait que la question des réparations est close depuis longtemps, le PiS ne va pas laisser échapper la seule opportunité à sa main de sauver le pays du niveau de décrépitude qui résulte des propres actions de ce parti.
Un soldat polonais porte une couronne de fleurs au cours d’une cérémonie commémorant l’anniversaire de la seconde guerre mondiale à Varsovie, Pologne, le 1er septembre 2022.
Il est probable que la Pologne va bientôt se voir infliger des sanctions sensibles. Par exemple, l’Allemagne peut bloquer une aide importante en provenance de l’UE. Le pays se verra privé d’un ou deux milliards d’euros, à titre d’aide-mémoire destiné aux dirigeants polonais. Le versement de réparations est chose impossible pour l’Allemagne, car si elle faisait montre de faiblesse, d’autres pays prendraient immédiatement leur place dans la file d’attente pour en obtenir également. La République tchèque, l’Autriche, la Slovaquie, la France, la Grande-Bretagne et même l’Égypte, chacun de ces pays a des raisons de se considérer comme victime. Ils pourraient donc fort bien demander de l’argent à la première économie européenne.
Le second résultat malheureux de la politique à courte vue menée par le PiS pourrait être que l’Allemagne demande à récupérer ses territoires historiques. En opposition au projet de Kaczynski visant à récupérer des terres à l’Est, une demande de l’Allemagne sur les territoires de l’Ouest de la Pologne pourrait ne pas soulever d’objection de la part des autres pays de l’UE, et un référendum démocratique tenu dans les anciens territoires allemands pourrait être le début de la fin pour la Pologne. On ne peut pas écarter la possibilité que sous le gouvernement polonais actuel, les Polonais vivant dans ces territoires acceptent volontairement la citoyenneté allemande.
Qui plus est, lorsque Zelensky voit que la Pologne s’affaiblit, aucun accord passé sur le transfert de la Galicie, de Lviv ou de Volyn n’a plus de sens, ce qui annule l’expansion des frontières polonaises vers l’Est, les privilèges des Polonais sur les terres ukrainiennes, la loyauté envers les Polonais ou le gouvernement de Pologne, en bref, aucune compensation pour tous les coûts et les efforts consentis par la Pologne pour toute l’aide que celle-ci a apporté à l’Ukraine.
Pire que tout, les autorités nationalistes et les néo-nazis d’Ukraine peuvent arrêter de se comporter comme de bons voisins reconnaissants, les contradictions historiques et les différends inconciliables redeviendront une barrière dans les relations entre Polonais et Ukrainiens. Et un nouveau massacre de Volyn deviendra inévitable.
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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