01 décembre 2022

Qu'est-ce que la Nef, cette banque « verte » où l'on pourra bientôt ouvrir un compte courant ?

Créée en 1988, la Nef se présente comme la première banque éthique de France. Elle a été l’une des premières à financer des projets durables : Biocoop, énergies renouvelables… Elle a lancé en octobre 2022 une levée de fonds de 30 millions d’euros pour asseoir son indépendance et proposer à terme un compte courant et une carte bancaire. Bernard Horrenbeek, président du directoire de la Nef explique leur démarche.

La Nef répond au modèle initial de la banque : collecter l’épargne et accorder des crédits. Avec une différence de taille par rapport aux grands groupes bancaire : elle ne cherche pas à tout prix la rentabilité ou à spéculer par ailleurs. En parallèle, cette banque éthique assure ne financer que des projets utiles à la société et à l’environnement. Et ce en toute transparence. Souvent citée en exemple dans les classements des banques vertes, la Nef s’apprête à prendre un tournant pour répondre à une croissance de plus en plus importante. Bernard Horrenbeek, président du directoire de la Nef nous explique l’évolution de cette coopérative qui se fait une place dans le secteur bancaire français.

La Nef se présente comme une banque éthique. Pouvez-vous la présenter ?

C’est un projet qui a démarré, il y a plus de 30 ans. C’était alors une association d’épargnants qui a depuis bien grandi. On assure une transparence totale sur la circulation de l’argent qui transite chez nous en épargne. Sur la façon dont on va les utiliser. Et on publie l’intégralité des crédits que nous accordons, pour la plupart, à des entreprises qui s’inscrivent dans un projet environnemental, sociétal. Aujourd’hui, une banque éthique c’est essentiellement une banque d’épargne. Nous proposons un compte sur livret. Pour pouvoir utiliser l’argent, il faut se constituer une épargne. Nous ne sommes pas une banque classique, on est une société financière coopérative où tous les citoyens peuvent prendre une part. Aujourd’hui, nous avons 42.000 sociétaires.

Être une banque éthique, c’est avoir un contrôle complet sur les flux pour savoir d’où vient l’argent – pas d’activités néfastes – et de le gérer pour financer une activité vertueuse. Nous produisons le modèle bancaire de base : recevoir de l’argent et le transformer en crédit.

En octobre 2022, la Nef a lancé une campagne de financement pour lever 30 millions d’euros de fonds propres en trois ans. Pour quoi faire ?

Le monde d’aujourd’hui nécessite que l’on se repositionne. Nous avons démontré durant 30 ans qu’il était possible de faire de la finance autrement. Au vu des évolutions climatiques et de la société, il est temps pour nous de prendre plus de place dans la société. Jusqu’à maintenant, nous n’avons jamais fait de publicité. Nous avons eu une croissance continue grâce au bouche-à-oreille.

D’ailleurs, nous n’arrivons pas à suivre la demande sur le crédit. Pour l’instant on n’a pas encore les moyens de répondre à toutes les demandes. On est donc en plein développement. La régulation bancaire fait que nous devons être vigilants au ratio de solvabilité bancaire (valable pour toutes les banques). C’est-à-dire que pour utiliser de l’argent en crédit, il faut avoir du capital. Cette levée de fonds propres viendra renforcer ce dernier.

Vous proposez un compte sur livret. Quel est son rendement ?

Notre livret d’épargne rémunère aujourd’hui à 0,05 %. Ce n’est évidemment pas un livret A. Cela vient en complément. Ce n’est pas à la NEF que vous allez devenir riche mais votre plus-value sera sociétale. Savoir que l’argent placé, participe à l’amélioration de la société. Il y a 30 ans, personne ne finançait les projets d’installation en agriculture bio ou d’énergies renouvelables. Nous, on l’a fait.

En ce moment certains acteurs du secteur font face à des turbulences, comme Biocoop Scarabée placé en redressement judiciaire. Cela ne risque-t-il pas d’impacter votre activité ?

On a toute une série de règles en interne, on peut faire face à ça. Comme pour les banques classiques, la crise économique augmente le risque. On prévoit une augmentation du coût du risque dans les années à venir. En 2008, aucun de nos membres n’a été impacté par la crise financière car nous participons uniquement à l’économie réelle.

Quand on fait un crédit, l’objectif n’est pas seulement d’être remboursé. C’est surtout que le projet réussisse. L’idée n’est pas de se faire de l’argent à tout prix, ce que l’on veut c’est que l’argent produise quelque chose de positif pour la société. Nous sommes autant partenaire que prêteur.

En tant que particulier. Comment souscrire à la Nef ?

Il faut aller sur internet, sur le site que nous venons de lancer « Je participe au Big Banque ». On propose de prendre des parts dans la coopérative, mais aussi d’ouvrir un livret (à partir de 10 €). Aujourd’hui, nous n’offrons pas de compte courant pour les particuliers. Mais c’est notre souhait.

Jusqu’à maintenant, votre banque est adossée au Crédit Coopératif, lui-même adossé à la BPCE (Banque populaire et à la Caisse d’épargne française). En juin, vous avez demandé à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) votre autonomie. Pourquoi ?

Au départ, nous étions une association d’épargnants qui faisaient du crédit. Dans les années 80, la loi bancaire a mis fin à ce fonctionnement. Les dirigeants d’alors ont créé une société coopérative. Pour le régulateur (ACPR), celle-ci devait être adossée à une banque pour exister.

Nous avons demandé un agrément pour être désormais autonome car nous pesons désormais un milliard d’euros. Nous ne sommes plus dans la logique de la petite association qui se transforme en coopérative. La Nef est désormais une banque, petite certes, mais à part entière.

La tendance est plutôt au regroupement bancaire qu’à la création de nouvelle banque…

En effet, la crise de 2008 a amené plus de régulations mais à aussi favoriser les grands groupes. Aujourd’hui, 85 % du marché bancaire est tenu par six groupes. Or, il faut laisser de la place aux petits car l’innovation vient de nous.

Quand proposerez-vous un compte courant pour les particuliers ?

Dans un ou deux ans, après la phase d’autonomie, nous souhaitons passer à une autre phase. Pourquoi pas en collaborant avec une fintech (application technologique dans le secteur financier NDLR). On veut occuper une place importante. La transition énergétique a lieu maintenant.

Vous n’avez pas d’agences. Comment allez-vous à la rencontre de vos clients ?

C’est une particularité chez nous, nos banquiers sont itinérants. Ils vont à la rencontre des projets. Il y a toujours une double analyse : économique et éthique des projets. S’il n’y a pas un enjeu sociétal, on n’y va pas. On essaie de réinventer à la fois la banque digitale mais dans la proximité.

La banque d’autrefois était celle avec des agences près de chez soi. Nous, on ne peut pas se permettre financièrement de relancer des agences. C’est impossible. On doit inventer de nouvelles façons d’être proche de nos clients.

Prévoyez-vous des recrutements ?

Oui, bien sûr. Nous sommes actuellement 110 salariés. Depuis 2008, nous voyons des banquiers du secteur traditionnel se tourner vers nous. Ils se questionnent sur leur rôle et souhaitent que l’épargne n’aille pas sur n’importe quel projet. On est déjà dans une croissance importante. Il y a quatre ou cinq ans, nous débloquions 30 millions d’euros de crédits. En 2021, 200 millions. Le total d’encours sur les livrets Nef s’élève à 788 millions d’euros (au 30 septembre 2022).

Quel regard portez-vous sur les banques classiques qui communiquent à leur tour sur leurs démarches plus « vertes » ?

Tant mieux si les banques se mettent à faire du vert, du social, du sociétal. Actuellement, on est encore beaucoup sur du greenwashing, ou sur des petites « poches » qu’ils ont dans leur activité mais qui ne représentent pas la totalité de leurs activités. Nous, ce que l’on veut faire, c’est prouver que l’on peut financer les choses autrement. Alors tant mieux, si l’ensemble du secteur financier se décarbone complètement. Mais on y croit qu’à moitié. C’est pour ça qu’il y a une place à prendre.

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