15 décembre 2022

Les Capucins de Nîmes, premiers martyrs de la révolution.

Il convient, chaque année à cette date du 14 juin, de commémorer l’anniversaire du massacre des premiers religieux victimes de la révolution, et cela est d’autant plus nécessaire que le souvenir de ces faits est occulté ou du moins minimisé, à tel point que l’histoire officielle n’en parle que sous le nom de « bagarre de Nîmes ».
Ce que je vais publier ci-dessous est essentiellement le résumé d’un opuscule que nous avons dans la bibliothèque du Mesnil-Marie et qui est intitulé « Premières victimes religieuses de la révolution ». Il avait été publié à Valence en 1916 avec l’imprimatur de l’évêque du lieu.
Tout en le résumant, j’ai dû aussi toutefois le compléter par des recherches personnelles dans les sources historiques les plus fiables.

Lully

A – Les Capucins à Nîmes.

Les Capucins étaient déjà présents à Nîmes au XVIème siècle, mais leur couvent avait été dévasté par les protestants en décembre 1561.
L’ « Edit de grâce » signé le 28 juin 1629, appelé aussi Paix d’Alais (aujourd’hui orthographié Alès), avait marqué la véritable fin de ces guerres civiles dites « guerres de religion » : tout en confirmant la liberté de culte pour les huguenots, il permettait enfin le rétablissement du culte catholique dans tous les endroits dont les protestants l’avaient jusqu’alors banni, et il mettait fin à la puissance politique du parti protestant qui menaçait l’unité et la paix du Royaume.

Quinze jours après l’ « Edit de grâce », par un brevet du 13 juillet 1629, Louis XIII rappelait les Capucins à Nîmes. Les travaux du couvent ne purent commencer qu’en 1631 alors que déjà ces religieux particulièrement fervents et zélés rayonnaient vers les Cévennes, et travaillaient à ramener à la plénitude de la vérité chrétienne les esprits égarés par le calvinisme.
Cette fondation entrait dans le plan de nouvelle évangélisation du Royaume conçu par le célèbre (et très injustement calomnié) Père Joseph de Paris - né François Leclerc du Tremblay – , capucin et conseiller du Cardinal de Richelieu.


Le Révérend Père Joseph de Paris, capucin, né François Leclerc du Tremblay



B – Situation au début de la révolution.

Cent cinquante ans plus tard, à la veille de la révolution, les Capucins de Nîmes formaient toujours une communauté prospère et fervente, gardienne de l’orthodoxie et foyer de vitalité catholique pour la ville et ses environs.
En 1789, on estime la population catholique nîmoise à environ 40.000 âmes, tandis que les protestants étaient environ 14.000. Ces derniers compensaient leur infériorité numérique par leur situation sociale : l’industrie et le commerce étant pour une très grande part entre leurs mains.

Le couvent des Capucins consistait en un ensemble relativement spacieux situé à l’extrémité de ce que l’on appelle l’Esplanade.
Il abritait, si mes comptes sont exacts, vingt-trois religieux, très estimés de la population : lorsque, en application des décrets de l’assemblée dite nationale, les officiers municipaux se présentèrent à la fin de l’année 1789 pour procéder à l’interrogation des Capucins et à l’inventaire du couvent, ils se heurtèrent – nous disent les témoins - « à une barrière vivante de poitrines humaines ».
La délégation du conseil municipal avait donc dû rebrousser chemin, par crainte d’être molestée par la foule.

Le 10 mai 1790, les représentants de la loi revinrent et, employant des formes plus respectueuses, pénétrèrent à l’intérieur du couvent. Tous les religieux comparurent et furent unanimes pour déclarer leur intention de rester fidèles à leur profession et à la vie commune.

Or, dès l’édit de tolérance de 1787, les protestants avaient convoité le couvent pour y établir un temple et une école de prédicants : ils pensaient pouvoir réaliser leur dessein en 1789, après les premières mesures de l’assemblée qui tendaient à l’extinction de la vie religieuse, et ils offrirent d’acheter l’église et le couvent pour la somme de 200 000 livres. Leur proposition fut rejetée avec indignation, si bien que, blessés dans leur orgueil, ils résolurent de s’approprier les lieux par tous les moyens. C’est aussi cela qui explique la fureur et la cruauté des évènements que nous détaillerons plus loin.


Nîmes, détail de la carte de Cassini :
l’implantation des Capucins y est marquée sous le « N » de « Nismes »


C – Protestantisme et maçonnerie.

Avant de poursuivre, il faut faire remarquer que, à Nîmes, comme en beaucoup d’autres lieux, les idées révolutionnaires étaient professées majoritairement par des hommes issus du protestantisme.
C’est ici qu’il faut en particulier signaler la famille Rabaut.

Le père, Paul Rabaut (1718 – 1794), ministre calviniste, était pénétré de « l’esprit des lumières » et, quoique ayant démissionné en 1785, il restait une personnalité influente.
Sous son apparent esprit de tolérance et d’humanité, il dissimulait un anti-catholicisme virulent. C’est lui qui avait été à l’origine de la première des loges maçonniques de Nîmes, la « loge de la bienfaisance », dont il avait présidé la première séance le 15 juin 1749.
Il signait ses lettres « le chevalier de l’Etoile » (« l’Etoile » étant une société fondée à Lausanne par Antoine Court de Gébelin).
Ses trois fils avaient continué dans son sillage.

L’aîné, Jean-Paul Rabaut (1743 – 1793), est entré dans l’histoire sous le nom de Rabaut Saint-Etienne. Pasteur adjoint de son père en 1764, il lui avait succédé en 1785.
Député du Tiers-Etat aux Etats généraux, membre particulièrement agissant de l’assemblée dite Constituante (il travailla sur l’un des projets de la « constitution civile du clergé »), il sera ensuite député à la Convention où il siégera avec les Girondins (ce qui lui vaudra finalement la guillotine).
A Paris, Rabaut Saint-Etienne avait retrouvé Court de Gébelin à la fameuse « loge des neuf soeurs », qui était celle où Voltaire avait été initié.

Le second, Jacques-Antoine Rabaut (1744 – 1820), dit Rabaut-Pommier, fut lui aussi ministre calviniste. Elu à la Convention (où il vota la mort du Roi avec sursis), proche des Girondins, il échappa toutefois à la guillotine.

Le troisième, Pierre-Antoine Rabaut (1745 – 1808), appelé Rabaut-Dupuis (ou Dupuy), n’embrassa pas la carrière de pasteur comme ses frères mais fut d’abord commerçant.
Il était vénérable de la « loge de la bienfaisance », fondée par son père, et avait en outre oeuvré à la fondation, en 1783, d’une deuxième loge : la « loge philanthropique ».
Une troisième loge fut créée en 1788, la « loge d’Henri IV et Sully ».

Lorsque les troubles commencèrent, les loges furent les pourvoyeuses des membres des clubs révolutionnaires.
Le « club des amis de la constitution » de Paris avait de nombreuses ramifications en province, parmi lesquelles le « club des amis de la constitution » de Nîmes, extrêmement agissant, qui se composait de 417 citoyens ainsi répartis : 354 d’origine huguenote et 63 d’origine catholique (et dans ceux-ci une majorité étaient des apostats ou d’anciens repris de justice, c’est donc dire que ces clubistes n’appartenaient pas d’âme au catholicisme).

L’examen des discours prononcés au sein du club et de la correspondance échangée avec Paris démontre que francs-maçons, protestants et clubistes voulaient le triomphe de l’anti-catholicisme.
Rabaut Saint-Etienne, bien que n’étant pas à Nîmes au moment des faits, peut cependant, par l’influence de sa correspondance sur ses coreligionnaires nîmois et confrères maçons, être considéré comme l’un des principaux instigateurs et responsables du massacre.

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Jean-Paul Rabaut, dit Rabaut Saint-Etienne.


D. Les prémices de la « Bagarre ».

Le 13 avril 1790 avait été déposée à l’assemblée une motion en vue d’obtenir que le catholicisme fût déclaré religion de l’Etat, mais les efforts du parti révolutionnaire avaient conduit à l’ajournement puis au rejet de cette motion.
L’émotion fut grande dans la France entière et de nombreuses protestations furent envoyées à l’assemblée.
Les catholiques de Nîmes se réunirent le 20 avril et envoyèrent à l’assemblée une adresse signée par quelque 6000 personnes demandant que la religion catholique, apostolique et romaine fût, par un décret solennel, proclamée religion d’Etat et qu’elle seule jouît des honneurs du culte public.

Cette adresse des catholiques nîmois eût un retentissement considérable, d’autant qu’elle ne fut pas seulement envoyée à l’assemblée mais diffusée dans toute la France pour que d’autres municipalités y souscrivent et que le plus grand nombre de fidèles s’unisse à cette protestation.

Les révolutionnaires, les clubistes, les francs-maçons et les protestants se déchaînèrent : ils crièrent au fanatisme et, à grand renfort de mensonges et de subversion, entreprirent une vaste campagne d’opinion pour déconsidérer les catholiques, suscitèrent troubles et désordres, et agitèrent le spectre des plus criminelles intolérances…

La tension monta d’un cran lorsque les élections donnèrent la majorité aux catholiques au sein du conseil municipal. Les protestants s’agitèrent plus violemment et intriguèrent pour renverser cette municipalité.
Au cours du mois de mai, un premier incident grave eut lieu : des soldats du régiment de Guyenne (au sein duquel l’influence maçonnique était très forte), poussés par des gardes nationaux protestants, s’en prirent à des catholiques.
Le baron de Marguerittes, maire de Nîmes, parvint à juguler les troubles pour un temps : par un décret municipal du 31 mai, le port d’armes fut interdit en ville.

Pendant ce temps, le Roi avait rejeté l’adresse des catholiques nîmois, mais ceux-ci, faisant remarquer que la décision royale portait l’empreinte de la contrainte, se réunirent à nouveau et signèrent une nouvelle déclaration, le 1er juin 1790.
Peu s’en fallut que ce jour-là Nîmes ne fût ensanglantée : la municipalité dut réquisitionner près de 600 soldats pour maintenir l’ordre et spécialement pour sécuriser le parcours de la procession de la Fête-Dieu.

« On ne peut pas en rester là, il faut se réunir, s’armer et se disposer à partir au premier moment ; il faut que les communautés protestantes se procurent des armes, de la poudre et des balles… » Tel était le mot d’ordre qui circulait depuis le mois de mai, relayé par les ministres calvinistes et les révolutionnaires.

E – La « Bagarre ».

Le dimanche 13 juin 1790, à partir du milieu de l’après-midi, des protestants en armes confluèrent massivement vers Nîmes, certains venant de communes éloignées de huit, dix, voire douze lieues.
En fin de journée, ces protestants armés commencèrent à s’en prendre aux catholiques qui, pour la plupart, étaient désarmés en raison de l’arrêté municipal du 31 mai. Il y eût des troubles dans toute la ville et déjà plusieurs morts.
Le comble est que des huguenots allèrent se poser en victimes auprès des soldats du régiment de Guyenne et qu’on leur remit des pièces d’artillerie !
La tombée de la nuit vint interrompre les troubles et la municipalité crut qu’on en resterait là…

Les huguenots venus de l’extérieur allèrent camper sur l’Esplanade, en face du couvent des Capucins, et pendant la nuit leur nombre s’augmenta.
Certains historiens n’hésiteront pas à parler d’un total de 15.000 huguenots armés présents à Nîmes pour la journée du 14.



Le lundi 14 juin, comme d’habitude, les Capucins ouvrirent les portes de leur église à 5 h du matin, psalmodièrent l’office divin et assistèrent à la Messe conventuelle.
Un peu après celle-ci, une compagnie de gardes nationaux se présenta au couvent pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’armes ou de « ligueurs » cachés : ils se livrèrent à une fouille minutieuse et furent forcés de reconnaître qu’il n’y avait rien de suspect dans le couvent.
Le chef de la compagnie recommanda aux religieux de tenir closes portes et fenêtres, ce qui fut fait.

Les choses restèrent en l’état jusque vers midi où quelques coups de feu furent tirés sur l’Esplanade. Personne ne fut blessé, car c’était en réalité un signal.
Environ deux heures plus tard, prétextant que les coups de feu avaient été tirés depuis le couvent (ce qui était impossible puisque la visite domiciliaire avait démontré qu’il n’y avait point d’armes !), les huguenots se ruèrent à l’attaque et commencèrent à enfoncer les portes à coup de hache.
Au moment de l’attaque, les religieux étaient pour la plupart au choeur, achevant le chant des vêpres. Je détaillerai plus loin ce qu’ils eurent à subir.

Après la mise à sac du couvent des Capucins, les bandes protestantes se répandirent par la ville et s’y livrèrent au pillage et au massacre : « Plus de trois-cents citoyens ont péri », écrivit le maire, Monsieur de Marguerittes, et ce chiffre n’est certainement pas exagéré. Pour certains historiens, on pourrait monter jusqu’à cinq cent.
Pour empêcher l’identification des victimes et leur dénombrement précis, les massacreurs jetèrent de la chaux vive sur les cadavres entassés dans la grande fosse commune de l’Hôtel-Dieu.
Les survivants ont témoigné des atrocités inouïes qui furent commises, et ont donné des détails épouvantables sur la manière dont certains cadavres furent mutilés et outragés.
On a même parlé d’un repas qui eût lieu le soir dans la maison d’un révolutionnaire et au cours duquel les mâchoires inférieures et les barbes des capucins immolés auraient été exposées sur un plat au milieu de la table !

G – Le martyre des Capucins.

Au moment où les portes du couvent commencèrent à être attaquées à coups de hache, nous l’avons vu, les Capucins achevaient les vêpres au choeur.
La plupart des religieux (dix-neuf) parvint à s’enfuir : certains coururent se cacher au dessus de l’église, entre la voûte et la toiture, et d’autres dans le clocher ; plusieurs parvinrent à se blottir au-dessus des lambris du plafond des cellules, de la bibliothèque… etc. ; enfin quelques autres parvinrent à s’enfuir dans les champs après avoir escaladé les murs du jardin… On relate même le cas d’une famille protestante des environs du couvent qui, émue de compassion, sauva la vie de l’un des pères en le faisant monter sur le toit de sa maison.


Pillage d’une église pendant la révolution


L’église et la sacristie furent pillées et saccagées, le tabernacle profané. La bibliothèque, riche de précieux volumes (Antoine-Balthazar Fléchier – neveu de l’illustre évêque et prédicateur qui avait illustré le siège épiscopal de Nîmes au XVII ème siècle – avait légué quelque deux mille volumes à la bibliothèque du couvent), fut dévastée. La pharmacie, une des plus belles du Royaume grâce à laquelle d’abondants secours étaient dispensés aux pauvres, fut entièrement détruite. Toutes les représentations du Crucifix, toutes les images ou statues de la Vierge et des Saints qui se trouvaient dans le couvent furent lacérées, brisées ou mutilées…
On a recueilli des témoignages selon lesquels, dans les jours qui suivirent, des protestants dansaient à Massillargues, vêtus en Capucins ou arborant des surplis, des étoles ou des chapes, et buvant « à la santé de la nation » (!!!) dans des vases sacrés.

Cinq religieux subirent le martyre. Ce sont :

1) Le Père Benoît de Beaucaire, âgé de 58 ans, qui fut massacré dans l’église.
En entendant les coups de hache à la porte de l’église, il se munit d’une étole et se précipita pour soustraire le Saint-Sacrement à la profanation. Il n’en eut pas le temps car déjà un huguenot se jetait sur lui ; il l’implora : « Laissez-moi le temps d’achever ma prière ! ».
« Je t’accorde cinq minutes… »

Alors le Père s’inclinant vers l’autel entreprit de consommer les Saintes Espèces. Mais à peine les cinq minutes étaient-elles écoulées qu’il fut abattu à bout portant, sur l’autel, par un coup de fusil puis transpercé de baïonnettes : il avait la bouche encore pleine d’Hosties et son cadavre fut traîné dans l’église et la sacristie.

2) Le Père Siméon de Sanilhac, âgé de 44 ans, fut trouvé agenouillé en prière dans sa cellule, et transpercé d’un nombre incalculable de coups de fourche et de baïonnettes.

3) Le Père Séraphin de Nîmes, âgé d’environ 27 ans, n’appartenait pas à la communauté de Nîmes mais au couvent du Pont-Saint-Esprit. Il était arrivé la veille pour rendre visite à sa famille. La tradition familiale rapporte qu’il était chez ses parents, le 13 juin au soir, lorsque les troubles commencèrent ; sa famille voulut le retenir en lui présentant les dangers qu’il encourrait, mais il s’y refusa énergiquement : « Mon devoir est de rentrer au couvent ». Il fut lui aussi trouvé dans sa cellule et subit d’horribles mutilations.

4) Le Frère Célestin de Nîmes, âgé de 22 ans, novice clerc, fut ensuite massacré avec une grande sauvagerie dans sa cellule après avoir été torturé pour lui faire dire où se cachaient les autres membres de la communauté : « Dis-nous donc où sont les autres! Allons, ils sont bien plus nombreux ! Il faut bien en finir avec tous ces jean-foutre… »

5) Le Frère Fidèle d’Annecy, âgé de 82 ans, infirme, sourd et aveugle, ne pouvait plus quitter sa paillasse : il y fut démembré et découpé à la hache, puis ses bourreaux tentèrent de mettre le feu à son grabat. C’est après ce meurtre que les barbares pillèrent la pharmacie ; ils s’enivrèrent avec les potions à base d’alcool, en particulier avec de l’ « eau d’angélique », et ils se félicitaient mutuellement en riant : « Le barbu, l’avons-nous assez bien traité ? Buvons à sa santé ! »

Les Capucins cachés dans les lambris des plafonds entendirent les massacreurs ricaner : « C’est être bons patriotes et bons amis de la constitution que de faire ce que nous faisons ! »


L’ancien couvent des Capucins à Nîmes


H – Après le massacre.

Les massacres auraient pu se continuer encore plusieurs jours après le 14 juin si des troupes de Montpellier n’étaient arrivées, avec une artillerie imposante, pour assurer le maintien de l’ordre. Néanmoins les meurtriers ne furent pas arrêtés.

Dans la soirée du 14 juin, alors que les protestants continuaient leurs exactions dans d’autres quartiers de la ville, quelques catholiques s’introduisirent discrètement dans le couvent : ils purent plus tard témoigner de l’état des lieux et des corps des martyrs. Ils en firent sortir les survivants et les cachèrent dans leurs maisons.
Les corps des suppliciés furent ensuite ensevelis à la hâte dans un caveau situé devant l’autel de l’Immaculée Conception.

Au lendemain de la « Bagarre », parce qu’on était en plein dans les préparatifs de la Fête de la Fédération qui devait être célébrée exactement un mois plus tard à Paris, tout fut fait pour minimiser ce massacre et pour étouffer l’affaire.
On insista pour que les religieux survivants réintègrent le couvent, et « on » exerça des pressions sur Monsieur Henri-Claude Clémenceau de La Bouillerie, curé de la cathédrale et vicaire général de Nîmes, pour qu’il rédige un certificat relativisant les faits…

Néanmoins la nouvelle de ces atrocités se répandit et ne laissa pas d’inquiéter les catholiques de toute la région : ce fut même l’un des motifs qui suscita le rassemblement du 18 août 1790 entré dans l’histoire comme le « premier camp de Jalès », réuni à l’instigation de Monsieur Louis Bastide de Malbosc, maire de Berrias (dans l’actuel département de l’Ardèche) dont le frère n’avait trouvé le salut qu’en s’enfuyant de Nîmes pendant la « Bagarre ».
Quant à l’abbé Clémenceau de La Bouillerie, il est le grand oncle du célèbre Georges Clémenceau et nous le retrouverons parmi les prêtres martyrisés aux Vans, le 14 juillet 1792.

Les dix-neuf Capucins de Nîmes survivants commençaient à peine à remettre leur couvent en état lorsque, en mars 1791, ils furent frappés par les décrets de l’assemblée qui interdisaient les voeux monastiques et supprimaient les ordres religieux. Malgré leur volonté ferme de persévérer dans leur vocation, ils furent expulsés et dispersés. L’un d’eux, le Père Bruno de Carpentras, sera guillotiné à Orange pendant la grande terreur.
Les protestants ne purent cependant s’approprier le couvent et l’église, qui devint pour un peu de temps le siège de la paroisse constitutionnelle Saint-Denis.
La terreur installa la guillotine sur l’Esplanade et transforma l’église et le couvent en prison : huit-cent prisonniers y étaient entassés à la chute de Robespierre.

I – Au XIX ème siècle.

Rendue au culte par le concordat, l’église des Capucins fut ensuite érigée en paroisse sous le vocable des Saintes Perpétue et Félicité et fit l’objet d’une reconstruction totale de 1852 à 1862. Ce qui subsistait du couvent fut détruit en 1857 pour laisser place à d’autres bâtiments.


Nîmes : l’Esplanade et la nouvelle église Sainte Perpétue
(photo du début du XXème siècle)


Les restes de ces glorieux martyrs furent déposés dans la chapelle de cette nouvelle église dédiée aux âmes du Purgatoire.

A la fin du XIXème siècle, l’Ordre Capucin se préoccupa d’introduire leur cause de béatification et c’est dans cette perspective que fut édité l’opuscule que nous avons résumé ici, mais nous ne savons pas si cette volonté fut suivie d’effets et s’il y eût un commencement d’instruction.

Voici toutefois la prière qui avait été composée alors « pour qu’il plaise à Dieu d’accélérer l’heure de la glorification de Ses serviteurs » :

O Dieu tout puissant qui, dans le gouvernement du monde, atteignez vos fins avec force et suavité, nous Vous demandons, pour la glorification de Votre Nom, que Vos serviteurs Benoît et ses compagnons, de l’Ordre des Frères Mineurs Capucins, massacrés par les ennemis de la religion catholique, soient, après mûr examen, jugés dignes des honneurs réservés aux véritables martyrs morts pour la défense de la Foi.
Nous Vous le demandons par Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne avec Vous en l’unité du Saint-Esprit, dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.


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