Pour retrouver son leadership en Europe, Paris doit opérer un tournant radical de sa politique étrangère, notamment en figurant parmi les principaux soutiens militaires de Kiev, estime, dans une tribune au « Monde », un collectif d’universitaires et de responsables de think tanks.
L’issue de la guerre en Ukraine reste incertaine. Mais les contours de « l’Europe d’après » se dessinent déjà, avec un centre de gravité qui, en toute hypothèse, se déplacera vers l’est du continent. Et où la France risque un sérieux déclassement.
Notre traditionnelle posture de « puissance d’équilibre » et de dialogue avec Moscou est en effet décrédibilisée au sein d’une OTAN ressoudée. Tout comme notre projet d’« autonomie stratégique » européenne, pertinente sur le fond, mais qui n’est actuellement plus audible et qui doit être repensé.
Erreurs et insuffisances
Les Etats les plus actifs dans le soutien à l’Ukraine contestent le primat de Paris et de Berlin au sein de l’Union européenne (UE). Ne nous leurrons pas : par ses erreurs et ses insuffisances face à l’agression russe, la France a manqué une occasion historique d’y faire valoir sa place et sa force de proposition.
Mais, en s’adaptant maintenant à ces nouvelles réalités stratégiques, notre pays peut encore prétendre à un tel rôle. Derrière la lutte héroïque des Ukrainiens se joue en effet aussi une compétition entre les alliés soutenant Kiev, tels le Royaume-Uni qui cherche à retrouver une place en Europe, et la Pologne qui entend y affirmer la sienne. Dans cette compétition, nous devons donc gagner deux batailles-clés.
La première est celle du leadership européen. La France a notamment été à la traîne en matière d’aide militaire. Elle n’a débuté l’envoi de canons Caesar qu’en mai, alors que nos voisins avaient envoyé de grandes quantités d’artillerie et de chars dès les premières semaines du conflit.
L’aide militaire française restait, à la mi-octobre, inférieure à celle de l’Estonie et dix-sept fois inférieure à celle du Royaume-Uni. La France est en outre quasi absente dans l’entraînement des Ukrainiens. Si le matériel envoyé est de grande qualité et si l’aide au renseignement est essentielle, ce soutien reste globalement insuffisant.
De 100 millions à 4 milliards d’euros
Or, pour retrouver une capacité de leadership, la France doit figurer parmi les principaux soutiens militaires de l’Ukraine. Première puissance militaire d’Europe continentale, elle doit agir comme la meilleure alliée de celle-ci. Elle a pour l’heure laissé ce rôle aux Anglo-Saxons qu’elle critique si souvent, mais dont le soutien à Kiev est décisif. Elle a conforté ses alliés dans l’idée que seule l’Amérique pouvait vraiment les défendre face à la menace russe. Rien n’est cependant perdu.
Nous pouvons et devons hisser notre soutien militaire à Kiev au premier rang européen. Par exemple, en portant de 100 millions à 4 milliards d’euros le montant du fonds d’aide militaire annoncé par le président de la république. Sacrifice excessif ? Le coût d’un tel geste équivaudrait à la suppression de la redevance pour l’audiovisuel public.
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