Ce n’est que récemment que j’ai réfléchi au droit pénal international en tant qu’instrument de l’arbitraire politique. J’ai montré, en prenant l’exemple de l’Autriche, comment les États abusent des poursuites pénales pour crimes de guerre ou génocides présumés afin d’imposer leur volonté en tant que puissance hégémonique.[1]
La République fédérale d’Allemagne renforce désormais le délit d’approbation, de négation ou de minimisation grossière du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.
Cet amendement est d’abord passé presque inaperçu auprès du public. Dans le cadre d’une procédure dite « omnibus »[2], une extension du délit d’incitation à la haine a été adoptée sans longues délibérations.[3]
L’épée de Damoclès du droit pénal
Ce n’est que quelques jours plus tard que des réactions critiques isolées ont été émises. En y regardant de plus près, il s’agit d’une modification radicale de la loi : à l’avenir, les déclarations faites lors d’un rassemblement ou d’une manifestation pourront également tomber sous le coup de l’infraction élargie. Une discussion ouverte sur d’éventuels crimes de guerre dans des conflits latents est donc désormais placée sous l’épée de Damoclès de poursuites pénales.
Mais pourquoi tout cela ? Voici ce que l’on peut lire du Bundestag : « (Il) doit désormais être clairement établi que l’approbation, la négation et la minimisation grossière publiques de génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre sont punissables en vertu du droit allemand si l’acte est commis d’une manière susceptible d’inciter à la haine ou à la violence et de perturber la paix publique. »[4]
L’argument avancé pour la modification rapide de la loi est une procédure d’infraction engagée par la Commission européenne en décembre 2021 contre la République fédérale. La Commission avait reproché à l’Allemagne de n’avoir pas suffisamment transposé la « DÉCISION-CADRE 2008/913/JAI DU CONSEIL du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal ».[5]
Le gouvernement justifie donc l’amendement par le fait que l’approbation, la négation et la minimisation publiques – à l’exception de la référence aux actes commis sous le règne du national-socialisme – n’étaient jusqu’à présent pas explicitement mentionnées dans une disposition pénale allemande. Le gouvernement fédéral semble également attacher de l’importance à la pénalisation explicite : les actes peuvent être punis d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans ou d’une amende.
Une attitude ordonnée par l’État
Le sujet est particulièrement sensible. En effet, qui détermine si un acte incite à la haine ou à la violence ou s’il perturbe la paix publique ? Qui détermine, notamment dans des conflits larvés, s’il s’agit concrètement d’un crime contre l’humanité ? Comment un tribunal allemand peut-il juger ici et maintenant des faits sur lesquels la Cour pénale internationale devra peut-être enquêter pendant de nombreuses années ?
La norme, en tant qu’impératif éthique et idéal de comportement, présuppose nécessairement des faits. Les faits doivent toujours être accessibles à la vérification. Une norme qui n’est pas liée à des faits ne remplit pas la condition fondamentale de l’éthique juridique. Elle est donc contraire à l’éthique.
C’est pourquoi le fait d’associer des obligations de comportement à des opinions ou à des idéologies est l’expression d’une terreur souveraine de l’opinion, car les conditions éthiques normatives pour de telles obligations font défaut. Cela est d’autant plus critique dans un pays qui se réclame de l’Holocauste et de la culpabilité allemande comme « dénominateur historique commun ».
L’amendement du droit pénal de la République fédérale d’Allemagne se présente, à y regarder de plus près, comme une conviction ordonnée par l’État sous la menace d’une contrainte et d’une peine. On passe ainsi d’un droit pénal individuel de la culpabilité à un droit pénal collectif de la conviction. Ce sont les caractéristiques habituelles de l’effondrement des sociétés démocratiques ouvertes et de l’émergence de systèmes totalitaires.
[1] https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/10/13/le-droit-penal-international-un-instrument-de-larbitraire-politique-par-ulrike-reisner/
[2] L’amendement a été rattaché à un autre projet de loi sans lien avec son contenu.
[3] https://www.bundestag.de/dokumente/textarchiv/2022/kw42-de-bundeszentralregister-915600
[4] https://dserver.bundestag.de/btd/20/040/2004085.pdf
[5] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/DE/ALL/?uri=celex%3A32008F0913
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