Le taux de change EUR/USD a été malmené tout au long de la semaine, rejoignant son niveau d’il y a 20 ans à 0,9570 $ pour 1 €, dans un contexte marqué par l’écroulement de la Livre sterling (dont nous parlons un peu plus bas) et le renforcement du Dollar sous l’effet du resserrement monétaire rapide et ambitieux décidé par la FED.
Mais ce que le Danemark a bien compris, c’est que la monnaie européenne souffre dans un domaine en particulier : celui des échanges extérieurs. Le choc lié aux prix de l’énergie continue d’avoir un impact très négatif sur le secteur industriel, entraînant à son tour un choc négatif des termes de l’échange pour la zone euro. Les biens qui étaient auparavant produits en Europe pourraient à l’avenir devoir être importés de pays étrangers où les prix de l’énergie n’ont pas autant augmenté qu’en Europe. Résultat : l’euro s’affaiblit, car tout déficit commercial se traduit par une dépréciation de la monnaie du pays qui importe trop ou qui n’exporte plus assez. Nous sommes bien loin des velléités de relocalisations, de réindustrialisation et de démondialisation de Macron pendant la crise Covid.
Si l’on ajoute à cela l’augmentation du risque d’une « fragmentation » politique en Europe (voir l’hebdo de la semaine dernière sur les cas italien et suédois), l’euro encourt désormais un risque existentiel, dont il n’est, enfin !, plus tabou de parler ! Symbole du traité du Maastricht qui promettait à ses signataires la croissance, l’emploi et la paix, l’euro comme monnaie commune est, depuis 1992, la figure de proue d’un projet politique sur lequel les gouvernements des pays membres ne semblent plus s’entendre. L’heure du Frexit arrive, qu’on aide ou non à son avènement.
Le chiffre de la semaine
5 Mds £ par jour !
C’est déjà le retour du QE (c’est-à-dire de la planche à billet) outre-Manche ! La dette est une drogue dure, même en dehors de la zone euro !
5 Mds £ par jour, c’est donc le rythme des rachats d’obligations de l’État britannique (les fameux Gilts) sur les marchés auquel s’astreindra la Banque d’Angleterre (BoE) jusqu’au 14 octobre, et ce afin de rassurer les créanciers qui ont fait exploser les taux d’emprunt étatiques, suite à l’annonce pour le moins maladroite du plan d’action du gouvernement Truss pour lutter contre l’inflation, qui flirte avec les 10%. Le taux britannique de référence à 10 ans a dépassé les 4,5 % en séance, seuil critique qui n’a pas manqué de faire plonger la livre sterling à son plus bas historique. Au total, ce sont près de 70 Mds £ qui seront ainsi créés par la BoE, ce qui aggravera l’inflation monétaire et alimentera la hausse des prix. La situation outre-Manche pourrait donc complètement échapper à Liz Truss, qui doit déjà faire face à ses premières grèves, trois semaines seulement après son arrivée au 10 Downing Street. Même le Fonds Monétaire International y est allé de sa petite mise en garde. Liz Truss a-t-elle, comme M Thatcher en 1984, fait ses réserves de charbon pour résister aux manifestants ou va-t-elle lâcher du lest, sentant que, comme partout ailleurs dans le monde, la situation échappe peu à peu complètement à la caste ? Y a-t-il dans l’Angleterre de 2022 plus de charbon que de malheureux ou plus de malheureux que de charbon ? Ça tangue au pays du flegme. Soros est peut-être déjà, lui, en embuscade.
La déclaration de la semaine
« Le Gouvernement a fait ses calculs : les Français ne perdront pas de pouvoir d’achat cette année. » BFM-TV
Les Français ne perdront pas de pouvoir d’achat cette année, selon le gouvernement ! Sic ! Même si l’inflation atteint un niveau hors-normes (5,6%) et que les classes modestes en encaissent déjà une de l’ordre de 15 ou 20% puisque leur propension marginale à consommer (logement, transport, alimentaire) est plus forte que celle des riches qui peuvent se payer le luxe d’épargner (ce qu’a à la fois révélé et accéléré le quoi qu’il en coûte macro-lemairien), le gouvernement Borne estime avoir neutralisé ses effets. On se pince, on se retient de rire et on lit avec délectation le tweet de Jérôme Kerviel qui, à la lecture de cette brève qui eût plutôt eu sa place dans le Gorafi, a affirmé être soulagé que Bercy ait enfin retrouvé « sa calculette fétiche à la Société Générale » (ça ne manque pas de sel). Alors que l’examen du Budget a démarré à l’Assemblée, les services de Bercy affirment avoir fait les comptes (à l’ardoise magique ?) : avec les mesures de l’Exécutif, le pouvoir d’achat des Français devrait se maintenir cette année et même légèrement augmenter en 2023 ! Le bouclier tarifaire (+4% en 2022 puis +15% en 2023) et la remise sur le carburant (30 c€/L) auraient absorbé plus de 2 points d’inflation. Quant aux mesures en faveur du pouvoir d’achat votées cet été comme l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires, la revalorisation des retraites, le chèque énergie exceptionnel en fin d’année, elles devraient amortir plus d’un point d’inflation. Mais elles ont des effets pervers que nous avons expliqués dans notre mensuel Finance & Tic.
Au total, le soutien de l’Etat compenserait 4,5 points de l’inflation, soit 75% de la hausse des prix totale sur un an, sans que l’on sache comment Bercy passe de 3 points à 4,5 points. La magie du génie sûrement, qui, par un ultime tour de passe-passe, lui ajoute la future hausse des salaires prévue pour l’an prochain pour affirmer que, décidément, les Français ont bien de la chance de vivre là où ils vivent, puisque l’inflation est attendue à « seulement » 4,2% en 2023.
Gardez vos tickets de caisse et vos factures d’énergie et envoyez-les à Bruno qui a dû faire l’économie d’une pile dans sa calculatrice gouvernementale ! Lamentable.
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