30 octobre 2022

Transsexualité : les motifs inavouables des thérapies de conversion précoces

Lorsque j'étais doctorante en sexologie, j'ai eu une conversation avec un collègue qui, dans mon esprit, s'est figée à tout jamais comme la raison pour laquelle je devais m'opposer à la transition des enfants souffrant de dysphorie de genre. Aujourd'hui, tout parent et éducateur ayant une sensibilité de gauche est visiblement satisfait de prendre les mots d'un enfant au premier degré lorsqu'il dit être né dans le mauvais corps, sans se rendre compte que, ce faisant, une question de la plus haute importante est balayée sous le tapis.

Ce jour-là, la réunion hebdomadaire de notre laboratoire de recherche venait de se terminer et je discutais avec un collègue en rangeant mes affaires pour retourner à mon bureau. Il m'avait précédemment parlé de son fils longtemps persuadé qu'une erreur avait été commise à sa naissance – « je suis une fille », disait souvent cet enfant.

Petit, son fils adorait jouer avec des poupées. Il mettait les robes et les chaussures à talons de sa mère et rêvait d'avoir les cheveux aussi longs que la princesse Jasmine dans Aladdin. À l'école, il préférait la compagnie des filles, trouvant les garçons trop méchants et turbulents. Après des années de thérapie et de tergiversations sur la meilleure décision à prendre, son fils avait fait son coming out : il était gay.

Femme hétérosexuelle, j'ai grandi dans la communauté gay, à une époque où l'homophobie était endémique dans la société nord-américaine. J'ai été témoin du harcèlement et de l'ignorance que mes amis subissaient au quotidien. La plupart, par conséquent, cachaient leur orientation réelle à toute personne extérieure à leur communauté et bien peu avaient dit la vérité à leurs parents.

«Beaucoup de ces enfants seraient devenus homosexuels s'ils n'avaient pas subi un nouveau genre de thérapie de conversion »

Si les choses se sont indéniablement améliorées depuis, la discrimination à l'égard des personnes homosexuelles existe toujours. Et assister, ces dernières années, au déferlement d'articles élogieux sur des enfants transgenres dans à peu près tous les médias progressistes, m'a révoltée et attristée. Parce que la réalité sous-jacente ignorée par le public, c'est que beaucoup de ces enfants seraient devenus homosexuels s'ils n'avaient pas subi un nouveau genre de thérapie de conversion.

Une thérapie de conversion est censée modifier l'orientation sexuelle d'un individu. Aujourd'hui, plus aucun professionnel de santé digne de ce nom ne mène ce type de procédure thérapeutique, car nous savons que l'orientation sexuelle est immuable à partir d'un âge très précoce. Par contre, l'identité de genre – que quelqu'un se sente masculin ou féminin – est flexible chez les enfants prépubères et se stabilise à l'âge adulte.

Les thérapies qui cherchent à aider les enfants atteints de dysphorie de genre à se sentir à l'aise avec leur sexe de naissance (on parle souvent d' « approche thérapeutique » dans la littérature scientifique) ont été assimilées à des thérapies de conversion, mais cette confusion est inexacte. En l'état actuel des connaissances, toutes les études longitudinales menées sur des enfants dysphoriques montrent que la majorité cesse de l'être au cours de leur développement : à la puberté, ils dépassent progressivement leur impression d'être dysphorique et, à l'âge adulte, deviennent des personnes homosexuelles et non pas transgenres.

Si des enfants disent qu'ils « sont » du sexe opposé, c'est parce que c'est la seule façon qu'ils ont de faire comprendre à des adultes qu'ils veulent faire des choses que l'autre sexe fait. Chez les hommes, les comportements inter-sexués dans l'enfance sont de très solides prédicteurs d'homosexualité à l'âge adulte. Et des études ont aussi montré que même les enfants à la dysphorie de genre très marquée finissent par ne plus la ressentir.

Un autre phénomène indique que l'homophobie pourrait être un moteur de transition : la dysphorie de genre à apparition rapide (rapid-onset gender dysphoria ou ROGD), où l'on voit des adolescentes ou de très jeunes femmes déclarer subitement à leurs parents leur volonté de transition, sans jamais avoir préalablement manifesté de signe de malaise vis-à-vis de leur sexe de naissance. Cette envie se fait jour en général pendant ou après la puberté, sans qu'aucun des critères diagnostiques de la dysphorie de genre se retrouve chez ces individus.

Une étude publiée mi-août 2018 sur le sujet – et qui suscite beaucoup d'attention médiatique pour avoir rendu furieux certains militants de la cause transgenre – observe que beaucoup de ces jeunes filles s'étaient déclarées lesbiennes ou bisexuelles avant de se dire transgenres.

«Ces parents seront applaudis pour leur ouverture d'esprit (...) en réalité, ils sont purement et simplement homophobes »

Comment l'expliquer ? En plus du malaise physique et psychologique accompagnant typiquement la puberté, il semble désormais socialement plus acceptable d'être un homme transgenre qu'une femme homosexuelle. L'étude montre aussi que la transition augmente la popularité des personnes concernées auprès de leurs pairs et leur offre une meilleure protection contre le harcèlement, car les enseignants sont plus sensibles aux violences anti-trans qu'aux anti-gay.

Lorsqu'un enfant grandit, ses parents finissent tôt ou tard par remarquer si leur fils est efféminé. Pour ceux que l'idée d'avoir un garçon féminin dérange, la transition offre une solution prometteuse – en permettant à l'enfant de changer de genre, un garçon féminin aura l'air ensuite d'être une fille féminine. Un petit garçon qui aime des activités typiquement féminines – se maquiller, par exemple – attirerait radicalement moins l'attention et les critiques s'il était une fille.

Une logique similaire s'applique à l'orientation sexuelle future d'un enfant. À un niveau ou à un autre, ces parents peuvent se dire qu'il existe une chance que leur fils efféminé soit sexuellement attiré par des hommes une fois adulte. Et au lieu de laisser la chose se produire, ils pourraient préférer consentir aux demandes de leur enfant en vue d'une transition vers l'autre sexe pour qu'aux yeux du monde extérieur, leur enfant semble hétérosexuel – un adolescent attiré par d'autres garçons aura l'air d'être hétéro s'il devient une fille. Le plus perturbant dans l'affaire, c'est que ces parents seront applaudis pour leur ouverture d'esprit et leur emplacement du « bon côté de l'histoire », alors qu'en réalité, ils sont purement et simplement homophobes. Dans certains cas, un enfant est susceptible d'intérioriser l'homophobie de sa famille, ce qui accentuera ses désirs de transition.

Les meilleures intentions

Soutenir publiquement de tels propos est suffisant pour vous voir frappé de l'anathème « transphobe » et je comprends pourquoi les militants de la cause transgenre et leurs alliés considèrent que ces informations sont dangereuses : on pourrait les utiliser comme preuve pour dire que les personnes transgenres n'existent pas réellement ou pour les forcer à ne pas ressentir ce qu'elles ressentent. Une méta-analyse de 28 études montre que la transition est effectivement bénéfique chez certains adultes, mais si un enfant peut finalement dépasser son malaise par rapport à son sexe de naissance, considérer que l'homosexualité est préférable à une vie de supplémentation hormonale, d'opérations chirurgicales et de risques de stérilité ne devrait rien avoir de polémique.

Depuis que j'ai commencé à écrire sur ce sujet, voici déjà plusieurs années, beaucoup de mes amis m'ont exprimé leur soulagement de n'avoir pas grandi à l'époque et dans le climat politique actuels. Enfants, ils ont souvent dit qu'ils ne se sentaient pas bien dans leur corps et qu'ils s'identifiaient au sexe opposé, pour finalement devenir des hommes homosexuels parfaitement heureux et équilibrés. Et, rétrospectivement, ils redoutent d'avoir pu subir une transition, aujourd'hui considérée comme un moyen viable et quasiment banal de résoudre ce « problème ».

Le militantisme transgenre a su profiter des victoires de haute lutte du mouvement gay. Le public comprend désormais que les homosexuels étaient traités de manière ignoble et il comprend aussi que bien des procédures visant à « changer » les personnes homosexuelles étaient absolument contraires à l'éthique. Et beaucoup de gens, ayant les meilleures intentions du monde, sont dès lors persuadés que le fait d'être transgenre est, dans ce cas, identique au fait d'être homosexuel – quelque chose qu'il ne faut jamais remettre en question et qui doit toujours être réalisé.

Reste que concernant les enfants manifestant une dysphorie de genre, nous ne sommes pas encore capables de déterminer dans quelle catégorie ils se situeront après la puberté : la majorité qui dépassera cet état ou la minorité qui y restera et pour laquelle la transition est une procédure effectivement bénéfique. Avant d'avoir la réponse, nous devons suivre les données scientifiques et ne jamais oublier que les personnes homosexuelles méritent, elles aussi, d'être aimées et acceptées telles qu'elles sont.

*Debra Soh est docteure en neurosciences, spécialiste des questions de sexualité.

** Cet article est paru dans Quillette. Quillette est un journal australien en ligne qui promeut le libre échange d'idées sur de nombreux sujets, même les plus polémiques. Cette jeune parution, devenue référence, cherche à raviver le débat intellectuel anglo-saxon, en donnant une voix à des chercheurs et des penseurs qui peinent à se faire entendre. Quillette aborde des sujets aussi variés que la polarisation politique, la crise du libéralisme, le féminisme ou encore le racisme.« Le Point » publiera chaque semaine une traduction d'un article paru dans Quillette.

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