Le 22 février, deux jours avant l’entrée des troupes russes en Ukraine, les États-Unis et l’Union européenne ont imposé à la Russie des tonnes de sanctions. Ils ont également confisqué quelque 300 milliards de dollars de réserves russes investies à l’« Ouest ». Les sanctions avaient été négociées entre l’UE et les États-Unis et préparées plusieurs mois à l’avance.
L’idée était de mettre la Russie en faillite en quelques semaines. Les rêveurs à l’origine de ces sanctions n’avaient aucune idée de l’ampleur réelle de l’économie russe et de l’efficacité des sanctions. Les sanctions n’ont pas réussi à influencer la Russie de quelque manière que ce soit, mais leurs conséquences ont entraîné une pénurie d’énergie en Europe et ont fait monter des taux d’inflation déjà élevés. En Russie, l’inflation est en baisse et les chiffres économiques généraux sont bons. Les prix de l’énergie, désormais plus élevés, génèrent suffisamment de revenus supplémentaires pour financer entièrement ses efforts de guerre.
Un acteur sain d’esprit conclurait que les sanctions étaient une erreur et que leur levée aiderait l’Europe plus qu’elle n’aiderait la Russie. Mais non, les pseudo-élites américaines et européennes ne sont plus capables d’agir de manière sensée. Au lieu de cela, elles redoublent d’efforts avec le plan de sanctions le plus fou dont on ait jamais entendu parler :
L’Union européenne a fait avancer, mercredi, un plan ambitieux, mais non testé, visant à limiter les revenus pétroliers de la Russie.
…
Si le prix mondial du pétrole reste élevé, cela compliquera les efforts de l’Union européenne pour imposer un plafonnement du prix du pétrole russe, qui devait obtenir l’approbation finale jeudi, après que les négociateurs de l’UE soient parvenus à un accord sur la mesure dans le cadre d’un nouveau train de sanctions contre Moscou.
Selon le plan, un comité comprenant des représentants de l’Union européenne, du Groupe des 7 nations et d’autres pays qui acceptent le plafonnement des prix se réunirait régulièrement pour décider du prix auquel le pétrole russe devrait être vendu, et qu’il changerait en fonction du prix du marché.
Plusieurs diplomates impliqués dans les discussions de l’UE ont déclaré que la Grèce, Malte et Chypre – les nations maritimes qui seraient les plus touchées par le plafonnement des prix – ont reçu l’assurance que leurs intérêts commerciaux seraient préservés.
Ces pays avaient retardé ce qui sera le huitième train de sanctions adopté par l’Union européenne depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, car ils craignaient qu’un plafonnement des prix du pétrole russe exporté en dehors de l’Union n’affecte leurs secteurs du transport maritime, de l’assurance et d’autres secteurs, ont indiqué les diplomates.
Les prix du pétrole étant élevés, la Russie engrange des milliards de dollars de recettes, même si elle vend de plus petites quantités. Le plafond – qui fait partie d’un vaste plan préconisé par l’administration Biden et approuvé par le G7 le mois dernier – vise à fixer le prix du pétrole russe à un niveau inférieur à celui d’aujourd’hui, mais toujours supérieur au coût. Le Trésor américain calcule que ce plafond priverait le Kremlin de dizaines de milliards de dollars par an.
Comment faire en sorte qu’un gros producteur d’une denrée rare vende ses produits en dessous du prix général du marché ? À moins d’avoir un cartel d’acheteurs très puissant qui peut également se procurer ce produit ailleurs, vous ne pouvez pas y parvenir. C’est une impossibilité économique.
Pour que la mesure soit efficace et réduise les revenus de la Russie, les États-Unis, l’Europe et leurs alliés devraient convaincre l’Inde et la Chine, qui achètent des quantités importantes de pétrole russe, de ne l’acheter qu’au prix convenu. Selon les experts, même avec des partenaires volontaires, le plafond pourrait être difficile à mettre en œuvre.
La Russie a déclaré qu’elle ne vendrait plus de pétrole à toute partie soutenant le régime de fixation des prix du G7. C’est pourquoi ni la Chine, ni l’Inde, ni aucun autre pays que l’UE et les États-Unis n’acceptera d’y adhérer.
L’idée est folle et bien trop compliquée pour aboutir à quoi que ce soit :
En vertu des nouvelles règles, les entreprises participant au transport du pétrole russe – y compris les armateurs, les assureurs et les souscripteurs – seraient tenues de s’assurer que le pétrole qu’elles aident à transporter est vendu à un prix égal ou inférieur au plafond. S’ils sont pris en train d’aider la Russie à vendre à un prix plus élevé, ils pourraient faire l’objet de poursuites dans leur pays d’origine pour violation des sanctions.
Le brut russe sera soumis à un embargo dans la plupart des pays de l’Union européenne à partir du 5 décembre, et les produits pétroliers suivront en février. Le plafonnement des prix des expéditions vers les pays non membres de l’UE a été défendu par la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, comme un complément nécessaire à l’embargo pétrolier européen.
En vertu de l’accord de l’UE, la Grèce, Malte et Chypre seront autorisés à continuer à expédier du pétrole russe. Si elles n’avaient pas accepté de placer leurs entreprises en première ligne pour l’application du plafonnement des prix, il leur aurait été interdit d’expédier ou d’assurer des cargaisons de pétrole russe en dehors de l’Union européenne, ce qui aurait porté un coup dur aux principales industries.
Plus de la moitié des pétroliers qui transportent actuellement le pétrole russe appartiennent à des Grecs. Et les services financiers qui sous-tendent ce commerce – notamment l’assurance, la réassurance et les lettres de crédit – sont très majoritairement basés dans l’Union européenne et en Grande-Bretagne.
Il s’agit bien entendu d’une invitation ouverte à d’autres pays à entrer dans le secteur du transport maritime du pétrole et des services financiers connexes au détriment des entreprises européennes.
La Chine et l’Inde y trouveront leur compte pour accroître leurs parts de marché dans ces domaines. Leurs navires transporteront le pétrole russe à qui voudra l’acheter au prix du marché moins le rabais russe toujours négociable. Les navires grecs resteront inutilisés ou seront vendus, tandis que les pétroliers indiens, chinois et asiatiques seront très, très occupés. Les grandes compagnies d’assurance chinoises seront heureuses de se joindre à ce nouveau marché mondial des services.
Le fait que les bureaucrates européens aient accepté cette idée américaine stupide, qui nuira avant tout aux entreprises européennes, est un autre signe que Bruxelles a renoncé à avoir une quelconque autonomie.
Aujourd’hui, les pays de l’OPEP+, le cartel vendeur de pétrole, ont réagi à l’idée folle de sanctions et à la dépression mondiale à venir en acceptant de diminuer leur production quotidienne de 2 millions de barils. Cela n’a pas été fait par solidarité saoudienne avec la Russie. L’Arabie saoudite a besoin d’un pétrole à plus de 80 $/bl pour financer son budget.
Le Brent, qui était tombé à 83 $/bl le 26 septembre, est depuis remonté à 93 $/bl.
La demande mondiale de pétrole est d’environ 100 millions de barils par jour. Si la demande se maintient, la réduction de 2 % de la production de l’OPEP+ aura des effets significatifs sur les prix et les 100 dollars le baril seront à portée de main.
Mais l’OPEP+ s’est engagée à assurer la stabilité des prix, et non à les augmenter de manière significative. Lors de la session de l’OPEP+ aujourd’hui, le prince saoudien Abdulazis a montré ce tableau :
Depuis le début de l’année, les prix de toutes les formes d’énergie à base de carbone, à l’exception du pétrole brut, ont considérablement augmenté. Abdulazis a fait valoir que le tableau montre que l’OPEP+ gère les prix du pétrole de manière responsable. L’UE ne fait certainement pas de même.
L’administration Biden a entre-temps réduit de près de moitié le contenu de la réserve stratégique de pétrole des États-Unis. Ceci afin de maintenir les prix à la pompe américains à un niveau bas et les Démocrates au pouvoir.
Ce n’est pas non plus d’une mesure responsable.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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