23 septembre 2022

Réforme des retraites : les Français seront-ils sauvés sur le gong ?

Aujourd'hui, Emmanuel Macron doit déjeuner avec Elisabeth Borne pour évoquer, entre autres, la réforme des retraites. Après l'énorme ratage du premier quinquennat, qui s'est terminé en eau de boudin au début du confinement, le Président a promis une réforme pour son deuxième mandat. C'était une promesse de campagne. Mais sa majorité se fissure sur la solution à retenir : amendement à la sauvette en PLFSS 2023, ou texte en bonne et due forme débattu dans l'opinion publique ? Au train où le régime se délite, il est bien probable que, finalement, Macron renonce à une opération qui devrait se dérouler dans un contexte très compliqué. Ce qui s'appelle : être sauvé sur le gong...

Tiens, voici le retour de la réforme des retraites. Saison 2 depuis l’arrivée de Macron au pouvoir, mais véritable emblème du serpent de mer politique depuis plus de vingt ans. 

Nous avions annoncé, lors du précédent quinquennat, que Macron ne disposait déjà pas d’une majorité suffisante pour réaliser un “big bang” social, dont la colonne vertébrale consistait à fusionner (en apparence) tous les régimes pour créer un hyper-monopole public. Et nous ne nous étions pas trompés, puisque la réforme n’a finalement pas été promulguée. 

Au vu de la non-majorité dont il dispose aujourd’hui, l’affaire se présente encore moins bien. 

C’est pour cette raison que le Président s’est résolu, cet été, à fortement réduire la voilure de ses ambitions en proposant un prudent allongement de la durée de cotisation. Dans la pratique, cela reviendrait à continuer la réforme de Marisol Touraine, elle-même prolongement de la réforme Fillon de 2003. Concrètement, il s’agit “d’indexer” la durée de cotisation sur l’espérance de vie des Français. 

C’est, en soi, impopulaire, mais relativement indolore par rapport au chambardement prévu en 2019. 

Macron renoncerait au passage en force

Toute la question est de savoir comment faire passer cette réforme auprès d’une opinion qui sort à peine du traumatisme du COVID pour entrer dans le traumatisme de la pénurie énergétique. C’est d’autant plus compliqué que le Conseil d’Orientation des Retraites a pointé du doigt l’excédent du régime en 2021, et en annonce un autre en 2022. Si la situation doit à nouveau se tendre en 2023, les déficits publics abyssaux que la France enregistre depuis 2020 complique le recours à l’urgence pour régler le problème. Après tout, pourquoi s’alarmer d’un si petit déficit quand la coque du navires souffre de tant de brèches béantes sur les autres sujets ?

Un temps, Emmanuel Macron semble avoir préconisé le recours à un amendement en loi de financement de la sécurité sociale pour accélérer le processus. La méthode est effectivement expéditive. Elle se résumerait à ajouter un article au texte fixant les nouvelles durées de cotisations. 

Cette méthode a ses vertus : elle évite les longs débats qui sont autant d’occasion d’enflammer le pays. Elle a aussi un inconvénient : elle met le feu aux poudres en interdisant un débat, là où le Président avait annoncé un changement de méthode. et ne recherche du consensus. 

Macron a-t-il encore la légitimité politique pour faire passer cette réforme ?

Visiblement, de nombreuses voix ont porté (en particulier celle de François Bayrou et d’Elisabeth Borne) pour dissuader le Président de la République de compliquer une rentrée sociale qui l’est déjà suffisamment. Il semblerait donc que le Président s’en soit remis au gouvernement pour arrondir les angles.

Il faut encore attendre la décision finale, mais tout porte à croire que le Président va se résoudre à chercher un dénouement “pacifique” pour réaliser sa promesse de campagne….

Toute la question porte désormais sur sa capacité politique à agir au Parlement, même en “arrondissant les angles”. Tout le monde a bien noté qu’Emmanuel Macron avait peu à peu vidé les institutions de leur contenu en restreignant les décisions les plus importantes à des conseils de défense opaques et “hors organigramme”. 

Est-il encore capable de gouverner sans utiliser ces subterfuges qui lui permettent de contourner l’opinion et les corps intermédiaires ? La réforme des retraites en sera le meilleur test. 

De mon point de vue, le pari risque d’être difficile à réussir pour lui, car il est désormais cornerisé dans une sorte de présidence subie faute de mieux, dont les Français attendent majoritairement qu’elle expédie les affaires courantes et évite les faux pas. 

Dans ce contexte contraint, Macron a-t-il une légitimité suffisante pour réformer les retraites, même si cette réforme se limite à proroger la réforme Touraine ? On peut avoir quelques doutes sur la réponse, dans la mesure où l’opinion en France est désormais largement interdite d’expression dès lors qu’elle conteste le Président et qu’elle ne se retrouve pas dans la NUPES. 

La réalité est que le manque de tonus au Rassemblement National et la déliquescence des Républicains laissent sans voix un pays majoritairement à droite. Cette frustration silencieuse est pour l’instant confortable, mais elle risque tôt ou tard de poser un sérieux problème de gouvernance au pouvoir en place. 

Et la réforme des retraites, même modérée, pourrait très bien cristalliser la colère de ce pays introuvable. 

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