La gestion de la crise énergétique se résume pour le moment à l’extension du « quoi qu’il en coûte » qui est devenu « le bouclier tarifaire » La hausse des prix entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022 ressort pour les ménages sans bouclier à 46,4% pour l’essence à la pompe, 105% pour le gaz et 36,7% pour l’électricité. Avec « le bouclier » l’effet moyen de la hausse est ramenée de 54,2% à 28,5%. L’extension du domaine des prix manipulés se poursuit. On avait déjà des taux d’intérêts et des taux de change manipulés, c’est maintenant au tour de l’énergie. Cette crise risque donc d’avoir des effets collatéraux particulièrement destructeurs pour l’activité, le tissu industriel, le pouvoir d’achat et surtout la cohésion sociale.
Plus de la moitié du parc nucléaire français est à l’arrêt. L’hiver sera tendu car sur une puissance totale de 61,6 gigawatts seulement 45 seront opérationnels à la fin de l’année. EDF devrait pour cela remettre en route 25 réacteurs d’ici la fin de l’année. Il faudra même faire venir des centaines de soudeurs américains qui travaillent chez Westinghouse pour remettre en service des centrales françaises. Le marché doute du calendrier de redémarrage d’EDF, car le prix du MWh atteint 1200 € pour livraison décembre La production nucléaire restera de toute façon très basse en 2023 entre 315 et 345 Térawattheures contre 393 TWh en 2018
Le gaz ne représente que 20% de l’énergie consommée en France mais il impacte à 100% les factures d’électricité des entreprises françaises. Cela tient aux règles de fixation du prix de l’électricité en Europe fixées par Bruxelles. Comme la Commission Européenne interdit aux états de fixer le prix de leur électricité, c’est en fait Vladimir Poutine qui le fixe pour eux. Un grand succès !
L’Europe de l’électricité a mis en place « le système marginaliste » par lequel le prix du MWh sur le marché de gros est celui auquel produit la dernière centrale appelée en renfort.
La répartition instantanée du courant fonctionne. Elle permet à un pays de passer de la situation d’exportateur à la situation d’importateur. Ce qui n’a pas marché c’est l’incitation à l’investissement dans de nouvelles capacités de production. En revanche on a empilé les subventions aux énergies renouvelables et aux centrales à charbon pour le cas où !
Ce n’est pas Vladimir Poutine qui a ordonné la fermeture d’une douzaine de centrales nucléaires pour faire plaisir aux écologistes, mais François Hollande !
Angela Merkel restera peut-être comme la plus mauvaise dirigeante européenne depuis la dernière guerre mondiale. Après avoir été encensée pendant des années par tout le monde politique et les médias, l’Allemagne aura avec elle abandonné sa sécurité aux mains des américains, ses exportations aux mains des chinois et son énergie aux mains des russes déclenchant un véritable naufrage de sa politique énergétique qui a toujours consisté à faire plaisir aux écologistes.
Les errements de l’état stratège ont affaibli la filière nucléaire française
On a assisté à un saccage du parc nucléaire hérité du Général de Gaulle. Les politiques qui appellent à la responsabilité des français refusent bien évidemment d’endosser les leurs. Bruxelles et la gauche avec tous les présidents de la République y compris Emmanuel Macron ont défait ce que de Gaulle avait fait. Tous les signaux de faiblesse de notre politique énergétique ne datent pas de l’invasion de l’Ukraine.
François Mitterrand avait enterré le projet de la centrale de Plogoff en Bretagne tandis que Lionel Jospin a fermé Superphénix. Nicolas Sarkozy en 2009 a gelé le projet de construction d’un EPR à Penly. François Hollande a sacrifié Fessenheim et son gouvernement a mis trois ans à valider l’allongement de la durée de vie des centrales de quarante à cinquante ans.
Emmanuel Macron n’aime pas du tout qu’on lui rappelle qu’il a beaucoup varié sur l’énergie nucléaire. En 2018 il a confirmé la fermeture de Fessenheim. Les deux réacteurs ont été fermés en février et juin 2020. Pourtant la Loi de transition énergétique n’imposait pas la fermeture de Fessenheim avant que l’EPR de Flamanville ne soit mis en service. Il s’agissait bien sûr d’obtenir que Nicolas Hulot ministre de l’écologie du gouvernement d’Edouard Philippe accepte de repousser de 2025 à 2035 la réduction à 50% du nucléaire dans le mix énergétique de la France. Emmanuel Macron a aussi communiqué à l’époque sur la fermeture de douze autres centrales.
En aout 2019 il met fin en catimini au programme de recherche Astrid sur les réacteurs de 4ème génération.
En 2022, il s’est soudain rallié à l’énergie nucléaire. En février dernier, en pleine campagne électorale, il a annoncé lors d’un discours à Belfort la construction d’au moins six nouveaux réacteurs mais aucun n’a encore été lancé.
Les discours sur « la sobriété » ne sont pas accompagnés de plans d’économie d’énergie et surtout de la moindre pédagogie auprès de la population. On a entendu le Maitre des Horloges de l’Elysée expliquer que c’était « la fin de l’insouciance et de l’abondance » ce qu’Elisabeth Borne a interprété comme du « rationnement » « Le bouclier tarifaire » est subventionné de façon opaque pour masquer la hausse.
Le ruineux mécanisme de l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) n’a pas été remis en cause. Institué par la Loi de 2010 il permet aux fournisseurs d’énergie alternative (Eolien, Solaire …) d’accéder à un prix régulé à l’électricité produite par les centrales nucléaires d’EDF. L’Europe taxe les bons élèves qui produisent de l’électricité avec du nucléaire ou de l’hydroélectrique pour subventionner ceux qui doivent acheter du gaz pour produire de l’électricité !
La proposition allemande de réforme du marché européen de l’électricité a été reprise par Emmanuel Macron alors qu’elle est manifestement favorable aux intérêts allemands mais une fois de plus contraire aux intérêts des français. Si la France était toujours autonome en matière de production d’électricité, il suffirait qu’elle fasse comme l’Espagne et le Portugal en faisant reconnaitre son « exception énergétique ». Nous faisons tout le contraire puisque nous sommes désormais dépendants de l’électricité produite par nos voisins allemands qui produisent désormais beaucoup d’électricité à partir du charbon et du lignite. Une grande réussite écologique !
La responsabilité industrielle d’EDF est importante
La godille permanente des politiques n’a pas créé de bonnes conditions pour la gestion d’ EDF. Jean Bernard Lévy ne peut toutefois pas échapper à sa responsabilité industrielle, car EDF est totalement responsable des retards de Flamanville dus à de multiples contrôles relevés par l’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN), le bras scientifique de l’Autorité de Sureté Nucléaire (ASN). Des défaillances ont été constatées dans le béton de Bouygues, la cuve de Creusot Forge etc…
Les arrêts de centrales en France sont deux fois plus longs que dans le reste du monde. Même si la réactivité de la filière nucléaire est lourdement dégradée les problèmes techniques sont encore surmontables. La corrosion qui a été découverte est un défaut de conception dans les coudes. Ce sont des problèmes de corrosion sous contrainte sur des réacteurs des dernières séries entrées en service. Plus précisément, des micro fissures sur des coudes de canalisation à 90 degrés servant en cas d’accident à refroidir les réacteurs.
Il est vital pour la filière nucléaire française de retrouver les compétences et les savoir-faire qu’elle a perdu depuis trois décennies, par négligence et par aveuglement politique et économique. Former des soudeurs de haut niveau est désormais une priorité. EDF avec de nombreux partenaires va ouvrir dans les prochains jours une haute école de soudure dans le Cotentin qui devrait à terme former des promotions annuelles de 200 soudeurs et soudeuses. EDF veut prouver à l’opinion et aux politiques, que même affaibli économiquement et humainement par des décisions à courte vue des gouvernements depuis deux décennies, elle peut toujours assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays.
La relance du nucléaire annoncée par Emmanuel Macron après des années est encore totalement floue.
Il reste à l’exécutif à répondre à deux questions clefs. Combien de temps doit-on exploiter le parc existant? Par quels moyens de production faudra-t-il remplacer les centrales en fin d’exploitation? Ce devrait être la tache de Luc Rémont qui devrait devenir le prochain directeur général opérationnel du groupe public. Cet ancien haut fonctionnaire a travaillé dans le passé avec Bruno Lemaire, le ministre de l’Economie, et Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée. Il est passé ensuite dans le privé. Luc Rémont devrait former un duo avec Marianne Laigneau qui deviendrait présidente non exécutive d’EDF. Elle dirige actuellement Enedis. Recruter un haut fonctionnaire qui n’a aucune expérience du nucléaire n’est pas toujours une bonne idée comme on a pu le voir avec madame Lauvergeon chez Areva….
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