L'OTAN et l'Union Européenne ne veulent pas en démordre: il faut faire chuter Vladimir Poutine après l'avoir enlisé dans une guerre longue. Et peu importe les Ukrainiens qui ne sont que la chair à canon des obsessions politiques de nos dirigeants. Peu importe ce qui restera de l'Ukraine au bout de cette guerre. Car la réponse à l'offensive (à direction OTANienne à peine camouflée) dans la direction de Kharkov a été à la fois le retrait tactique de troupes russes d'Izioum et Koupiansk mais aussi la destruction, dimanche 11 septembre, d'une partie de l'infrastructure ukrainienne pour l'approvisionnement en électricité et en eau. La troisième phase du conflit a commencé. Le premier mois de guerre avait été occupé par la diversion russe sur Kiev permettant la conquête rapide de l'Ukraine du Sud et l'encerclement de Marioupol.C'est un moment où l'Ukraine avait encore de velléités de négocier. La deuxième phase, à partir du début avril, a été caractérisée par (a) le refus kiévien de négocier la fin de la guerre; (b) une surenchère russophobe de l'UE - suivant bêtement les encouragements américains - (c) La destruction lente mais complète de bastions ukrainiens: à Marioupol puis dans le Donbass. La troisième phase de la guerre commence à présent, suite à l'offensive ukrainienne dans la région de Kharkov: devant le refus des Etats-Unis d'amener les Ukrainiens à la table de négociation (comme la visite de Pelosi à Taïwan, il s'agit d'abord de politique intérieure, limiter la victoire républicaine annoncée aux élections de novembre - et peu importe la situation dans laquelle on met les Taïwanais ou les Ukrainiens), la Russie a commencé à faire, dimanche 11 septembre, ce qu'elle avait jusque-là essayé d'éviter: commencer à détruire systématiquement les infrastructures civiles ukrainiennes - et non plus seulement les objectifs militaires.
Pour l’instant la Russie a mené une guerre limitée
Ce que livrent mes sources d’information aujourd’hui 11 septembre confirme le paradoxe d’une Russie qui a mené la guerre depuis la fin février avec des économies d’effectifs et dans un état d’esprit que j’appelle « à la Turenne » (par opposition à la vision « à la Bonaparte »).
« L’opération spéciale » relève d’une guerre pour l’instant limitée, s’étant interdit les destructions d’infrastructures ukrainiennes civiles, tout en infligeant des pertes conséquentes à l’armée ukrainienne, en laissant toujours ouverte, au moins théoriquement, la porte de la négociation. C’est, transposée à notre époque, la guerre telle que la concevait celui que Napoléon Bonaparte considérait comme le plus grand chef de guerre avant lui, Henri de Turenne. (Au style très opposé au sien puisque Bonaparte a toujours recherché à porter des coups massifs pour disloquer rapidement les lignes ennemies, et ceci sans tenir compte de la vie de ses propres soldats).
En réalité, pour des raisons dont nous ne connaissons pas encore toutes les dimensions, après avoir hésité à négocier sérieusement, jusqu’à la fin mars 2022, Kiev est entrée dans la logique jusqu’au-boutiste que lui proposait Washington. Peu importe l’hécatombe de soldats ukrainiens sur le terrain (mon estimation personnelle est de 200 000 tués et blessés ukrainiens et je constate que la BBC, peu suspecte de russophilie, insiste sur l’énormité des pertes ukrainiennes et le caractère limité des pertes russes ), peu importe les souffrances infligées aux civils des zones où l’on a abrité ses installations militaires (voir le rapport d’Amnesty International sur la question), on a été prêt, du côté kiévien, à poursuivre le conflit au-delà du raisonnable :
+ propagande effrénée sur des succès ukrainiens la plupart du temps imaginaires. Et menaces contre tous ceux niant la communication ukrainienne (y compris établissement de listes de journalistes et experts occidentaux à proscrire ou « neutraliser »)
+ envoi au front de soldats de moins en moins expérimentés, véritable chair à canons et missiles russes.
+ bombardements kiéviens de zones civiles (Donetsk, Gorlovka) avec, chaque jour, des blessés et des morts dans une population que, depuis 2014, on ne considère plus, à Kiev, comme ukrainienne. Je n’ai pas entendu, malheureusement, les médias subventionnés occidentaux mentionner, par exemple, l’envoi de mines pétale sur Donetsk, pour blesser méchamment la population civile.
+ bombardement kiévien CRIMINEL de la centrale nucléaire de Zaporojie, soutenu, activement ou tacitement par l’OTAN, en prenant sciemment le risque d’un nouveau Tchernobyl.
Les quinze derniers jours ont vu trois tentatives de « percée » ukrainiennes :
- La contre-offensive manquée contre Kherson.
- De multiples tentatives manquées de s’emparer de la centrale nucléaire de Zaporojie.
- La contre-offensive dans la région de Kharkov, qui aboutit au retrait des troupes russes de Kupiansk et d’Izioum.
La Russie a entamé une nouvelle phase de la guerre commencée le 24 février
Il ne fait aucun doute que l’armée russe a été prise par surprise lors de la dernière offensive, celle sur Kharkov, et, courant le risque d’être débordée par des effectifs supérieurs, a préféré effectuer un retrait tactique.
De nombreux commentateurs, du côté russe, se sont empressés de crier au désastre, à la défaite humiliante etc…
Il faut raison garder. Cette contre-offensive kiévienne, qui s’accompagne de lourdes pertes du côté des assaillants (on parle de 4000 tués pour les Kiéviens contre 500 pour les Russes durant la semaine qui vient de s”écouler, sur l’ensemble des fronts), marque la fin de la deuxième phase de la guerre commencée le 24 février.
Les informations reçues au soir du 11 septembre disent que la Russie a frappé un grand nombre des infrastructures du pay spour l’approvisionnement en électricité et en eau, dont la région de Kharkov:
“Vers 20 heures, heure locale, les forces armées de la Fédération de Russie ont lancé des frappes de missiles sur les plus grandes centrales thermiques de l’est et du centre de l’Ukraine. En conséquence, plusieurs régions d’Ukraine se sont retrouvées sans eau ni électricité.
Selon les rapports locaux, les centrales Kharkov CHPP-5 et Zmievskaya CHPP dans la région de Kharkiv, Pavlograd CHPP-3 dans la région de Dniepropetrovsk, la centrale thermique de Krementchoug dans la région de Poltava ont été touchées par des missiles russes. L’effondrement du réseau électrique général s’est étendu aux réseaux des régions de Kharkov, Soumy, Dniepropetrovsk, Zaporojie et Odessa. Il a également touché les zones des régions de Donetsk contrôlées par les forces armées ukrainiennes, la région de Kiev et la capitale du pays. Les missiles ont probablement été lancés depuis la mer Noire et la mer Caspienne.
Le président ukrainien Zelensky a confirmé que les régions de Kharkov et de Donetsk (territoires sous le contrôle des forces armées ukrainiennes) étaient complètement hors tension. Les régions de Zaporojie, Dniepropetrovsk et Soumy ont partiellement souffert de la coupure d’énergie“.
On appréciera d’ailleurs, l’ironie de l’histoire : Madame von der Leyen était très fière, le 30 juin dernier, d’annoncer que l’Ukraine pourrait vendre son électricité à l’UE ! Affirmation que l’on découvre bien incompatible, deux mois et demi plus tard, avec les encouragements donnés à l’Ukraine frappant la centrale nucléaire de Zaporojie ; ou avec l’organisation pour l’Ukraine d’une offensive vers Kharkov qui indique simplement à la Russie que l’adversaire n’est pas prêt à entendre la voix du compromis.
Avoir une vision stratégique
Plus généralement, je suis frappé de voir le peu d’importance qu’accorde une de mes sources d’analyse préférées, M.K. Bhadrakumar, à l’offensive ukrainienne sur Kharkov. Et en effet, que pèse le retrait russe de 50km face :
+ à la capacité russe à intensifier son engagement militaire en Ukraine ?
+aux manœuvres militaires conjointes menées par 13 pays aux côtés de la Russie, dont la Chine et l’Inde, avec les Russes, en Extrême-Orient (Vostok 2022) ?
+ au discours historique du Premier ministre indien Modi, qui confirme que l’Inde développera les relations militaires, politiques, économiques, commerciales, monétaires avec la Russie, sans se préoccuper des pressions américaines.
+ à l’entretien imminent entre Xi Jinping et Vladimir Poutine ?
+ à la coupure de plus en plus certaine de l’approvisionnement en gaz de l’Union Européenne (hors Hongrie) par la Russie ?
+ à la supériorité stratégique absolue de l’armée russe, qui peut, avec quelques frappes hypersoniques nucléaires, détruire les Etats-Unis et leurs centres de commandement ?
Evidemment, c’est la population ukrainienne , qui est privée d’électricité. Et, comme dans une prophétie auto-réalisatrice, les Occidentaux amènent les Russes à détruire l’Ukraine bien plus que ce que Moscou avait prévu. Mais comme on le sait, les Américains, les Britanniques, les Français, les Allemands etc… se battront en Ukraine « jusqu’au dernier Ukrainien ».
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