15 septembre 2022

Guerre d’Ukraine – Jours 201 -202 Washington se réjouit du bellicisme de l’Union Européenne!

La poussière médiatique retombe après le retrait russe d'Izioum. L'impression qui domine est qu'aux yeux des Américains compte moins le fait que les Kiéviens aient pris possession d'un territoire quasiment vidé de ses soldats russes que la possibilité, grâce à l'espoir, illusoire mais habilement entretenu, d'une victoire ukrainienne dans la guerre, de maintenir les dirigeants européens dans leur attitude hostile à la Russie. Le plus étonnant est l'obstination de l'Union Européenne à répéter que l'effondrement russe est pour demain alors que le parti de Vladimir Poutine vient d'obtenir un triomphe à des élections régionales.

Le retrait russe d’Izioum – nouvelles analyses

2 interprétations de ce qui s’est passé dans la région de Kharkov. 

+ Le point de vue de Lucas Leiroz: 

Récemment, l’avancée des troupes ukrainiennes sur les territoires occupés par les forces russes a suscité l’enthousiasme de l’Occident. Les médias pro-ukrainiens ont commencé à annoncer que Kiev avait réussi une contre-offensive militaire majeure, battant les soldats russes, regagnant des territoires et avançant rapidement vers une éventuelle “victoire”. Cependant, ce type de comportement irresponsable de la part des médias n’a absolument pas permis de démontrer ce qui se passait réellement.

Plusieurs opérations ukrainiennes ont été qualifiées par les médias de “contre-offensive”. La plupart de ces missions ont été absolument infructueuses, comme ce fut le cas récemment à Kherson. Cependant, la récente avancée ukrainienne dans la région de Kharkov a été reconnue comme une victoire militaire par Kiev en raison de la retraite russe annoncée le 10 septembre. De vastes zones ont été abandonnées par les troupes de Moscou, ce qui laisse penser que les soldats russes fuyaient la confrontation avec l’ennemi et abandonnaient leurs positions. Les sources officielles de Kiev ont même affirmé que ses forces avaient “reconquis” plus de 3 000 kilomètres de territoire.

Évidemment, cette nouvelle a été diffusée comme un symbole de la “force” et de la “résilience” des soldats ukrainiens. La soi-disant “résistance ukrainienne” a été applaudie dans tout le monde occidental. Les chaînes de médias ont souligné à plusieurs reprises l'”importance” du soutien militaire et financier apporté à Kiev, montrant comment les “résultats” des programmes d’aide influençaient positivement la “résistance ukrainienne” dans cette contre-offensive. Le moral de Kiev a été rehaussé. Zelensky et plusieurs officiels ukrainiens ont commencé à annoncer que le pays se dirigeait vers une victoire militaire. Mais cette euphorie fut de courte durée et la réalité de la situation fut rapidement révélée.

Aux premières heures du 12 septembre, les forces russes ont entamé une série d’opérations tactiques contre des cibles stratégiques sur le sol ukrainien, causant de sérieux dommages aux forces de Kiev. Les opérations se sont concentrées sur des cibles d’infrastructures critiques. Plusieurs villes du pays sont devenues absolument privées d’électricité et d’Internet, coupant les principales plateformes de communication civiles et militaires ukrainiennes. Les véhicules d’information et de propagande locaux ont été mis hors ligne et l’Ukraine a perdu la plupart de ses capacités médiatiques nationales. Certaines sources affirment que 50 % des infrastructures critiques de l’Ukraine ont été détruites en seulement deux heures d’actions tactiques russes.

En parallèle, les Russes ont également intensifié les travaux d’artillerie lourde sur plusieurs autres cibles. Des mobilisations réussies ont eu lieu sur des points stratégiques et ont permis plusieurs gains. En outre, il convient de mentionner que même pendant la retraite des forces russes de Kharkiv, des affrontements ont eu lieu en divers endroits, où des pertes ont été infligées aux ennemis. Le ministère russe de la Défense a indiqué qu’au cours des derniers jours, 4 000 soldats ukrainiens impliqués dans la “contre-offensive” ont été tués, et 8 000 autres blessés.

De toute évidence, ces données sont incompatibles avec le récit occidental selon lequel l’Ukraine inverse le scénario militaire du conflit. Il est en effet impossible d’analyser le cas d’un point de vue réaliste et de croire qu’il y a eu une sorte de “victoire” ukrainienne au lieu d’une retraite tactique russe. L’avantage militaire russe acquis jusqu’à présent ne permettrait pas qu’une perte territoriale aussi importante se produise si facilement. Cela nous amène à penser que ce qui s’est passé était une retraite stratégiquement conçue pour permettre de nouvelles formes d’attaque.

Les Russes ont maintenu leurs effectifs militaires à un faible niveau dans les régions évacuées, tandis que Kiev attaque en force, en rassemblant la quasi-totalité de ses troupes. Un scénario d’affrontement direct serait épuisant pour les deux parties et entraînerait des pertes inutiles, tout en nuisant considérablement aux forces russes qui seraient en désavantage numérique. Les Russes ont donc battu en retraite et fortifié une ligne de défense près du Donbass, où il était possible de former un front solide contre les ennemis. Depuis cette position stratégique, de nouvelles attaques ont commencé à être planifiées et exécutées.

La neutralisation de l’infrastructure ukrainienne est précisément la première étape de cette nouvelle offensive russe. En détruisant les communications ennemies et en endommageant leurs bases logistiques, les Russes pourront avancer plus facilement vers la reprise des territoires abandonnés. De retour dans le Donbass, les Russes pourront recomposer leurs effectifs militaires.

Ces dernières heures, les médias occidentaux ont tenté d’omettre les succès tactiques russes contre les infrastructures ukrainiennes. L’objectif est d’essayer de prolonger le récit pro-Kiev et de maintenir le moral des Ukrainiens à un niveau élevé, tout en accélérant la pression pour de nouveaux paquets d’aide militaire. Mais il est peu probable que ce récit fallacieux dure longtemps. Il est improbable que la prétendue “contre-offensive” change le scénario de l’impopularité de la politique d’aide face à l’opinion publique américaine et européenne.

Alors que la Russie continue de contrôler le conflit et devrait multiplier les incursions dans les jours à venir, la tentative des médias de justifier l’assistance militaire à Kiev par des inventions sans fondement telles que cette “contre-offensive” ne sera perçue qu’avec plus d’antipathie par les citoyens des pays occidentaux, dans le contexte actuel de la vague de protestations contre l’OTAN et les sanctions”.

+ Et celui de Scott Ritter: 

Le 1er septembre, l’armée ukrainienne a entamé une offensive majeure contre les forces russes déployées dans la région située au nord de la ville de Kherson, dans le sud du pays. Dix jours plus tard, les Ukrainiens ont étendu la portée et l’ampleur de leurs opérations offensives pour inclure la région autour de la ville de Kharkov, au nord.

Alors que l’offensive de Kherson a été repoussée par les Russes, les forces ukrainiennes subissant de lourdes pertes en hommes et en matériel, l’offensive de Kharkov s’est avérée être un succès majeur, des milliers de kilomètres carrés de territoire précédemment occupés par les troupes russes étant replacés sous le contrôle du gouvernement ukrainien.

Au lieu de lancer sa propre contre-offensive contre les Ukrainiens opérant dans la région de Kharkov, le ministère russe de la Défense (MOD) a fait une annonce que beaucoup ont trouvée choquante : “Pour atteindre les objectifs déclarés d’une opération militaire spéciale visant à libérer le Donbass,” ont annoncé les Russes via Telegram, “il a été décidé de regrouper les troupes russes… pour accroître les efforts en direction de Donetsk.”

Minimisant la notion de retraite, le ministère russe de la Défense a déclaré qu'”à cette fin, en l’espace de trois jours, une opération a été menée pour réduire et organiser le transfert des troupes [russes] sur le territoire de la République populaire de Donetsk.

Au cours de cette opération, précise le rapport, un certain nombre de distractions et de mesures de démonstration ont été effectuées, indiquant les actions réelles des troupes”, ce qui, selon les Russes, a permis de “détruire plus de deux mille combattants ukrainiens et étrangers, ainsi que plus de cent unités de véhicules blindés et d’artillerie.”

Pour citer l’immortel Yogi Berra, c’était “du déjà vu”.

Le 25 mars, le chef de la direction opérationnelle principale de l’état-major général des forces armées de la Fédération de Russie, le colonel général Sergueï Rudskoï, a donné un briefing dans lequel il a annoncé la fin de ce qu’il a appelé la phase un de l'”opération militaire spéciale” (OMS) de la Russie en Ukraine.

Les objectifs de l’opération, qui avait commencé le 24 février lorsque les troupes russes ont franchi la frontière avec l’Ukraine, étaient de causer “de tels dommages aux infrastructures militaires, aux équipements et au personnel des forces armées ukrainiennes” afin de les immobiliser et d’empêcher tout renforcement significatif des forces ukrainiennes déployées dans la région du Donbass.

Rudskoï a ensuite annoncé que les troupes russes allaient se retirer et se regrouper afin de pouvoir “se concentrer sur l’essentiel – la libération complète du Donbass.”

Ainsi a commencé la phase deux.

Le 30 mai, j’ai publié un article dans Consortium News où je discutais de la nécessité d’une phase trois. J’ai noté que

“la phase un et la phase deux de l’opération russe étaient spécifiquement adaptées aux exigences militaires nécessaires pour éliminer la menace que représentait pour Lougansk et Donetsk le renforcement de la puissance militaire ukrainienne dans l’est de l’Ukraine. À un moment donné, la Russie annoncera qu’elle a vaincu les forces militaires ukrainiennes déployées dans l’est et, ce faisant, mettra fin à la notion de menace imminente qui a donné à la Russie la justification légale d’entreprendre son opération”.

Une telle issue, écrivais-je, “laisserait à la Russie un certain nombre d’objectifs politiques non atteints, notamment la dénazification, la démilitarisation, la neutralité ukrainienne permanente et l’adhésion de l’OTAN à un nouveau cadre de sécurité européen selon les lignes tracées par la Russie dans ses propositions de traité de décembre 2021”. Si la Russie mettait fin à son opération militaire à ce stade, ai-je déclaré, elle céderait la victoire politique à l’Ukraine, qui “gagne” en ne perdant pas.

Ce raisonnement reposait sur ma conviction que ” si l’on pouvait auparavant soutenir qu’une menace imminente continuerait d’exister tant que les forces ukrainiennes posséderaient une puissance de combat suffisante pour reprendre la région du Donbass, un tel argument ne peut être avancé aujourd’hui”. (…)

En bref, je pensais que l’impulsion pour que la Russie s’étende à une troisième phase ne se produirait qu’après avoir achevé sa mission de libération du Donbass en phase deux. “L’Ukraine, disais-je, même avec l’infusion massive d’aide militaire de l’OTAN, ne serait plus jamais en mesure de menacer une conquête russe de la région du Donbass.” (…)

Les armées ukrainienne et russe sont toutes deux de grandes organisations professionnelles soutenues par des institutions conçues pour produire des guerriers qualifiés. Les deux armées sont bien dirigées, bien équipées et bien préparées pour entreprendre les missions qui leur sont confiées. Elles comptent parmi les plus grandes organisations militaires d’Europe.

L’armée russe, en outre, est composée d’officiers du plus haut calibre, qui ont suivi une formation poussée dans les arts militaires. Ce sont des experts en stratégie, en opérations et en tactique. Ils connaissent leur métier.

Pour sa part, l’armée ukrainienne a subi une transformation radicale dans les années qui ont suivi 2014, où la doctrine de l’ère soviétique a été remplacée par une doctrine hybride qui intègre la doctrine et les méthodologies de l’OTAN.

Cette transformation s’est accélérée de manière spectaculaire depuis l’invasion russe, l’armée ukrainienne passant virtuellement d’un équipement lourd plus ancien, datant de l’ère soviétique, à un arsenal qui reflète plus fidèlement l’organisation et l’équipement des nations de l’OTAN, qui fournissent des milliards de dollars d’équipement et de formation.

Les Ukrainiens sont, comme leurs homologues russes, des professionnels de l’armée qui savent qu’il faut s’adapter aux réalités du champ de bataille. L’expérience ukrainienne est toutefois compliquée par la tentative de fusionner deux approches doctrinales disparates de la guerre (l’ère soviétique et l’OTAN moderne) dans des conditions de combat. Cette complexité crée des possibilités d’erreurs, et les erreurs sur le champ de bataille entraînent souvent des pertes – des pertes importantes.

La Russie a mené trois styles de guerre différents au cours des six mois qui ont suivi son entrée en Ukraine. La première était une guerre de manœuvre, conçue pour s’emparer d’un maximum de territoire afin de façonner le champ de bataille sur le plan militaire et politique.

L’opération a été menée avec environ 200 000 soldats russes et alliés, qui ont affronté une armée ukrainienne en service actif de quelque 260 000 hommes, soutenue par 600 000 réservistes. Le rapport standard de 3:1 entre l’attaquant et le défenseur ne s’appliquait pas – les Russes ont cherché à utiliser la vitesse, la surprise et l’audace pour minimiser l’avantage numérique de l’Ukraine, tout en espérant un effondrement politique rapide en Ukraine qui empêcherait tout combat majeur entre les forces armées russes et ukrainiennes.

Ce plan a réussi dans certaines régions (dans le sud, par exemple, autour de Kherson), et a effectivement fixé les troupes ukrainiennes sur place et provoqué le détournement de renforts loin des zones d’opération critiques. Mais il a échoué sur le plan stratégique – les Ukrainiens ne se sont pas effondrés mais plutôt solidifiés – ce qui garantit un combat long et difficile à venir.

Dans la deuxième phase de l’opération, les Russes se sont regroupés pour se concentrer sur la libération du Donbass. La Russie a alors adapté sa méthodologie opérationnelle, utilisant sa supériorité en matière de puissance de feu pour mener une avancée lente et délibérée contre les forces ukrainiennes retranchées dans de vastes réseaux défensifs et, ce faisant, atteindre des ratios de pertes inouïs, avec au moins dix Ukrainiens tués ou blessés pour chaque perte russe.

Pendant que la Russie avançait lentement contre les forces ukrainiennes retranchées, les États-Unis et l’OTAN fournissaient à l’Ukraine des milliards de dollars d’équipement militaire, y compris l’équivalent de plusieurs divisions blindées (chars, véhicules de combat blindés, artillerie et véhicules de soutien), ainsi qu’une formation opérationnelle poussée sur cet équipement dans des installations militaires hors d’Ukraine.

En bref, pendant que la Russie détruisait l’armée ukrainienne sur le champ de bataille, l’Ukraine reconstituait cette armée, remplaçant les unités détruites par de nouvelles forces extrêmement bien équipées, bien entraînées et bien dirigées.

La deuxième phase du conflit a vu la Russie détruire l’ancienne armée ukrainienne. À sa place, la Russie a dû faire face à des unités territoriales et nationales mobilisées, soutenues par des forces reconstituées formées par l’OTAN. Mais l’essentiel des forces formées par l’OTAN était maintenu en réserve.

Ce sont ces forces qui ont été engagées dans les combats actuels. La Russie se retrouve dans une véritable guerre par procuration avec l’OTAN, face à une force militaire de type OTAN qui est soutenue logistiquement par l’OTAN, entraînée par l’OTAN, dotée de renseignements de l’OTAN et travaillant en harmonie avec les planificateurs militaires de l’OTAN.

Cela signifie que la contre-offensive ukrainienne actuelle ne doit pas être considérée comme une extension de la bataille de la phase deux, mais plutôt comme le début d’une nouvelle troisième phase qui n’est pas un conflit ukraino-russe, mais un conflit OTAN-Russie.

Le plan de bataille ukrainien est marqué du sceau “Made in Brussels”. La composition des forces a été déterminée par l’OTAN, tout comme le moment et la direction des attaques. Les services de renseignement de l’OTAN ont soigneusement repéré les failles dans les défenses russes et identifié les nœuds critiques de commandement et de contrôle, de logistique et de concentration des réserves qui ont été ciblés par l’artillerie ukrainienne, laquelle fonctionne selon un plan de contrôle des tirs créé par l’OTAN.

En bref, l’armée ukrainienne que la Russie a affrontée à Kherson et autour de Kharkov ne ressemblait à aucun adversaire ukrainien qu’elle avait affronté auparavant. La Russie ne combattait plus une armée ukrainienne équipée par l’OTAN, mais une armée de l’OTAN dirigée par des Ukrainiens.

L’Ukraine continue de recevoir des milliards de dollars d’aide militaire, et des dizaines de milliers de soldats suivent actuellement un entraînement intensif dans les pays de l’OTAN.

Il y aura une quatrième phase, puis une cinquième… autant de phases que nécessaire avant que l’Ukraine n’épuise sa volonté de se battre et de mourir, que l’OTAN n’épuise sa capacité à continuer d’approvisionner l’armée ukrainienne, ou que la Russie n’épuise sa volonté de mener un conflit non concluant en Ukraine. En mai dernier, j’ai qualifié la décision des États-Unis de fournir des milliards de dollars d’assistance militaire à l’Ukraine de “changement de donne”.

Ce dont nous sommes témoins aujourd’hui en Ukraine, c’est comment cet argent a changé la donne. Le résultat est plus de morts dans les forces ukrainiennes et russes, plus de civils morts, et plus d’équipements détruits.

Cependant, si la Russie veut l’emporter, elle devra identifier ses nombreuses faiblesses qui ont conduit au succès de l’offensive ukrainienne et s’adapter en conséquence. Tout d’abord, l’offensive ukrainienne autour de Kharkov représente l’un des plus graves échecs en matière de renseignement d’une force militaire professionnelle depuis l’échec israélien à prévoir l’assaut égyptien sur le canal de Suez qui a déclenché la guerre du Kippour en 1973.

Depuis de nombreuses semaines, les Ukrainiens avaient signalé leur intention de mener une offensive dans la région de Kherson. Il semble que lorsque l’Ukraine a lancé ses attaques le long de la ligne de Kherson, la Russie a supposé qu’il s’agissait de l’offensive tant attendue et a envoyé des réserves et des renforts sur ce front.

Les Ukrainiens ont été repoussés avec de lourdes pertes, mais pas avant que la Russie ait engagé ses réserves de théâtre. Lorsque l’armée ukrainienne a attaqué dans la région de Kharkov quelques jours plus tard, la Russie a été prise par surprise.

Et puis, il y a la mesure dans laquelle l’OTAN s’était intégrée dans chaque aspect des opérations militaires ukrainiennes.

Comment cela a-t-il pu se produire ? Une défaillance du renseignement de cette ampleur suggère des déficiences tant dans la capacité de la Russie à collecter des données de renseignement que dans son incapacité à produire des évaluations précises et opportunes pour les dirigeants russes. Pour y remédier de manière adéquate, il faudra procéder à un examen de fond en comble. En bref, des têtes vont tomber – et bientôt. Cette guerre n’est pas près de s’arrêter, et l’Ukraine continue de se préparer à de futures actions offensives.

Pourquoi la Russie gagnera quand même

En fin de compte, je crois toujours que le jeu final reste le même – la Russie gagnera. Mais le coût de la prolongation de cette guerre est devenu beaucoup plus élevé pour toutes les parties concernées.

La réussite de la contre-offensive ukrainienne doit être replacée dans une juste perspective. Les pertes que l’Ukraine a subies, et subit encore, pour obtenir cette victoire sont insoutenables. L’Ukraine a épuisé ses réserves stratégiques, et celles-ci devront être reconstituées si l’Ukraine souhaite poursuivre son avancée sur cette voie. Cela prendra des mois.

La Russie, quant à elle, n’a rien perdu de plus qu’un espace indéfendable. Les pertes russes ont été minimes, et les pertes d’équipement ont été facilement remplacées.

La Russie a en fait renforcé son dispositif militaire en créant de solides lignes défensives dans le nord, capables de résister à toute attaque ukrainienne, tout en augmentant la puissance de combat disponible pour achever la tâche de libérer le reste de la République populaire de Donetsk sous contrôle ukrainien.

La Russie dispose d’une profondeur stratégique bien supérieure à celle de l’Ukraine. La Russie commence à frapper des cibles d’infrastructure critiques, telles que des centrales électriques, qui paralyseront non seulement l’économie ukrainienne, mais aussi sa capacité à déplacer rapidement de grandes quantités de troupes par train.

La Russie tirera les leçons de la défaite de Kharkov et poursuivra ses objectifs de mission déclarés.

En résumé, l’offensive de Kharkov a été la meilleure chose qui puisse arriver à l’Ukraine, tandis que la Russie est loin d’avoir touché le fond. La Russie doit procéder à des changements pour résoudre les problèmes identifiés lors de la défaite de Kharkov. Gagner une bataille est une chose, gagner une guerre en est une autre.

Pour l’Ukraine, les pertes énormes subies par ses propres forces, combinées aux dommages limités infligés à la Russie, signifient que l’offensive de Kharkov est, au mieux, une victoire à la Pyrrhus, qui ne change pas la réalité fondamentale selon laquelle la Russie gagne et gagnera le conflit en Ukraine“.

L'avancée de la bataille

Une carte fait une comparaison intéressante avec les batailles de Kharkov durant la Seconde Guerre mondiale, montrant que la décision de retirer des troupes russes  a été prise en se rappelant ce qu’avait coûté à l’Armée Rouge la seconde bataille de Kharkov. 

Pour l’analyste Military Advisor (sur Twitter), “le but stratégique de l’offensive ukrainienne n’est pas atteint, malgré le succès médiatique.
-Les troupes russes n’ont pas été encerclées.
-L’armée/police russe n’a pas subi de pertes lourdes/modérées.
-Des équipements lourds ont été sauvés.
-La Russie dispose désormais d’une réelle liberté d’action. (…)

L’armée russe a maintenant atteint la même ligne de défense que lors de la deuxième bataille de Kharkov en 1942 (encerclement Izjum/Barvenkovo). La leçon est bien apprise et les résultats sont complètement différents.”

Pour l’instant, la montée en puissance de l’armée russe est réelle mais lente. 

+ des renforts russes continuent à affluer vers la ligne de front. 

+ toutes les attaques ukrainiennes ont été repoussées.  Sur le front nord, pour essayer d’enfoncer la ligne de repli des Russes, à KhersonAndreïevka, Zaporojie

+ Les unités Wagner ont continué leur progression vers Bakhmut

+ Le soir du 14 septembre, pour définitivement écarter les tentatives ukrainiennes d’établir des têtes de pont sur l’autre rive de la rivière Ingoulets,  des missiles russes ont touché le barrage du réservoir de Karatchounovskie sur la rivière Ingoulets près de Krivoï Rog. L’inondation est sur le chemin de la tête de pont ukrainienne entre Andrievvka et Davidov Brod. La montée du niveau d’eau détruira tous les passages et les lignes d’alimentation à la tête de pont.

+ Les frappes contre des infrastructures électriques ont continué.  Selon Big Serge:D’autres centrales thermiques et les infrastructures associées sont frappées aujourd’hui. La Russie a sorti les bombardiers stratégiques Big Bear armés de missiles X-101. Teaser de la saison 2…

Pour ma part, je pense que le gouvernement russe et le commandement militaire ont, ces derniers jours, gardé leur sang-froid. Ils ne veulent pas tomber dans le piège de l’escalade tendu par les Américains. Je continue à penser, jusqu’à nouvelle con figuration, que la méthode est du type “Turenne”: l’armée russe s’est aperçue qu’elle s’était avancée vers Kharkov sans avoir les moyens de tenir ses positions. Face à une menace d’avoir à se battre à 5 contre 1, l’armée russe a préféré un retrait tactique, peu glorieux mais effic ace et ceci tout en inffligeant de lourdes pertes aux Kiéviens. 

Bien entendu, les stratèges de salon ukrainophiles, tout comme nos dirigeants, poussent des cris de triomphe. Sans voir que tout cela fait le jeu des Américains, qui sont sûrs que les pays membres de l’Union Européenne ne vont pas se mettre à négocier avec Moscou puisque “Kiev est sur le point de gagner la guerre”. 

L’illustration la plus fragrante en est le pathétique discours de la présidente de la Commission Européenne “sur l’état de l’Union”, habillée en jaune et bleu (et dont le débit haché en anglais pour un  discours appelant à détruire complètement l’économie russe seulement huit décennies après l’horreur déclenchée par la Wehrmacht en URSS met profondément mal à l’aise) : 

Elargir la vision

Une fois que l’on a recensé toutes les erreurs tactiques commises par les Russes, qui les ont obligés au retrait d’Izioum, il serait temps de regarder le tableau d’ensemble: 

+ Les manoeuvres VOSTOK (voir la vidéo ci-dessous) 2022 ont rassemblé, sous commandement russe, des contingents issus de pays dont l’ensemble représente 40% de la population mondiale. 

+ Selon une de mes sources, du fait de la crainte d’un “coup” indirect de la Russie en Syrie, “une conférence militaire a été convoquée à la hâte à Tel Aviv  où prennent part les chefs d’état-major de 24 pays otaniens plus celui du Maroc” pour parler de « coopération stratégique militaire internationale »

+ On n’a pas entendu dire que les Etats-Unis aient réussi, jusqu’à maintenant, un test de missile hypersonique. 

+ La Maison Blanche est essentiellement préoccupée de limiter – voire empêcher le succès républicain annoncé aux élections de mi-mandat. Elle n’a pas appuyé popur l’instant le plan Zelenski de mise en place d’un approvisionnement régulier de l’Ukraine en matériel militaire fondé sur une garantie de sécurité sur un mode de “quasi-appartenance” à l’OTAN.  Est-ce que les Américains, comme les Russes, veulent éviter la confrontation directe? 

+L’Allemagne et l’ensemble de l’Union Européenne sont en train de passer en mode panique face au sabordage – qu’ils ont eux-même provoqué – de leur économie. Le 13 septembre, le Washington Post a ouvertement parlé d’une motivation essentielle des Etats-Unis en Ukraine: empêcher la coopération germano-russe. 

+ Le président chinois Xi Jinping effectue sa première visite à l’étranger depuis plusieurs mois pour se rendre à Sarmakand, pour le sommet de l’Organisation de la Coopération de Shanghai, où il va rencontrer Vladimir Poutine ce 15 septembre. 

+ La Russie doit surveiller l’évolution des tensions entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. 

Le point de vue de M.K. Bhadrakumar

“L’une des caractéristiques récurrentes de la guerre froide est que les États-Unis ont presque toujours accordé une grande importance à l’aspect visuel d’une affaire soviéto-américaine, tandis que Moscou a choisi de se concentrer sur le résultat final. La crise des missiles de Cuba en est l’exemple le plus connu. Le dénouement a consisté en l’abandon public du déploiement prévu de missiles soviétiques à Cuba et en une déclaration et un accord publics américains de ne plus envahir Cuba. Mais on a su par la suite qu’il y avait aussi une partie non médiatisée, à savoir le démantèlement de tous les missiles balistiques Jupiter qui avaient été déployés en Turquie.

Le schéma comportemental reste le même en Ukraine. Selon le récit occidental, la Russie regarde l’abîme de la défaite au milieu de la “déroute” dans la région de Kharkov. Il est toutefois intéressant de noter qu’aux niveaux responsables du Beltway, on constate une réticence à battre les tambours, probablement parce qu’on sait que les forces ukrainiennes sont simplement revenues dans la direction de Balakleysko-Izioum pour occuper des zones que les Russes avaient prévu de quitter.

Une fois de plus, Moscou laisse les journalistes américains s’occuper de l’aspect visuel de la situation, tandis que Moscou se concentre sur le résultat final, qui a trois dimensions : premièrement, achever l’évacuation en cours de la direction Balakleysko-Izyiom sans perte de vies humaines ; deuxièmement, exploiter les mouvements de troupes ukrainiennes pour cibler les forces qui sont sorties à découvert de positions bien fortifiées dans la région de Kharkov ; et, troisièmement, se concentrer sur la campagne à Donetsk.

La dernière partie devient très sensible pour Moscou, car une partie importante des “correspondants de guerre” russes ont diffusé des rapports sensationnels selon lesquels c’est l’apocalypse maintenant. Même des politiciens de haut rang, tels que Gennady Zyuganov, secrétaire général du parti communiste et voix puissante à la Douma d’État, se sentent agités.

Lors de la première séance plénière de la session d’automne de la Douma d’État russe, mardi, M. Ziouganov a déclaré que l'”opération spéciale” s’est transformée en une véritable guerre et que la situation sur le front a “changé radicalement” au cours des deux derniers mois.

Un fragment du discours, publié sur le site Internet du parti communiste, cite également Zyuganov, qui a déclaré que “toute guerre exige une réponse. Avant tout, elle exige une mobilisation maximale des forces et des ressources. Elle exige une cohésion sociale et une hiérarchisation claire des priorités”.

Bien qu’il s’agisse d’une critique constructive, le conseil de Ziouganov sera très certainement ignoré par le Kremlin. Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a répondu avec empressement : “Pour l’instant, non, cette mobilisation totale ou partielle n’est pas à l’ordre du jour”.

La base de soutien du président Poutine reste plus solide que jamais. Les récentes élections régionales et locales russes se sont en partie transformées en un “référendum” sur la situation en Ukraine. Et le fait que le parti au pouvoir ait obtenu l’un des meilleurs résultats de son histoire en remportant environ 80 % des mandats dans les parlements régionaux et locaux témoigne d’un vote de confiance retentissant dans la direction de Poutine. (C’est moi qui souligne E.H.)

Cela dit, les “patriotes en colère” constituent un casse-tête. C’est pourquoi la situation actuelle autour de Bakhmout à Donetsk revêt une importance particulière. Bakhmout est sans aucun doute le pivot de toute la fortification que Kiev a érigée dans le Donbass au cours des huit dernières années. C’est un nœud de communication stratégique avec des routes dans de nombreuses directions – Lisitchansk, Gorlovka, Kostiantinovka et Kramatorsk – et le contrôle de la ville est vital pour établir une suprématie totale sur la région de Donetsk.

Les troupes russes et les milices alliées tentent depuis le 3 août de percer les défenses ukrainiennes dans la direction de Bakhmout-Soledar, mais avec un succès mitigé. On rapporte aujourd’hui que les Russes sont entrés dans la ville de Bakhmout et ont pris le contrôle de la zone industrielle située au nord-est de la ville.

Certains rapports indiquent que les entrepreneurs militaires russes connus sous le nom de Groupe Wagner ont été déployés à Bakhmut. Il s’agit d’anciens militaires hautement qualifiés.

Les enjeux sont extrêmement élevés. Pour Kiev, toute la logistique des opérations à Donetsk peut s’effondrer s’il perd le contrôle de Bakhmout. Quant aux Russes, la percée dans la direction Bakhmout-Soledar lèvera le principal obstacle à l’offensive cruciale vers l’axe Slaviansk-Kramatorsk à l’ouest, le dernier conglomérat de forces ukrainiennes à Donetsk. Bakhmout n’est qu’à 50 km de Slaviansk-Kramatorsk.

S’exprimant sur la “contre-offensive” ukrainienne le week-end dernier à la National Public Radio, le général Mark Milley, président des chefs d’état-major américains, a soulevé quelques points intéressants :

L’Ukraine a accumulé une bonne quantité de puissance de combat. La façon dont elle l’utilisera sera désormais le facteur déterminant. Les choses vont se clarifier “dans les jours et les semaines à venir”.
Jusqu’à présent, les militaires ukrainiens se sont extraordinairement bien battus en défense. La défense a toujours été la forme la plus forte de la guerre.
L’Ukraine passe maintenant à des opérations offensives où il est essentiel d’intégrer la puissance de feu dans leur manœuvre afin d’obtenir la supériorité.
Par conséquent, “il reste à voir” ce qui se passera dans les prochaines semaines. “C’est une tâche très, très difficile que les Ukrainiens sont en train d’entreprendre” – combiner leur offensive avec leur manœuvre.
L’offensive ukrainienne à Kharkov était prévue comme une attaque de flanc pour encercler et détruire les groupements russes dans la région de Balakleya, Koupiansk et Izioum. Mais le commandement russe avait prévu une telle tentative, car sa ligne de front s’était amincie ces derniers temps. Les forces ukrainiennes étaient presque 4 à 5 fois plus nombreuses que les Russes.

Il est intéressant de noter qu’en prévision d’une offensive ukrainienne, les civils qui ont accepté de quitter la région pour la Russie ont été évacués des localités menacées dans des convois militaires. En utilisant des tactiques de défense mobile sous la couverture d’unités spécialement organisées, les Russes ont finalement réussi à retirer leurs forces.

En effet, le plan ukrainien/USA/OTAN visant à manœuvrer une attaque de flanc et à encercler les troupes russes a été contrecarré avec des pertes minimes. D’autre part, les Ukrainiens admettent également que les Russes ont infligé des pertes importantes en effectifs à leurs adversaires (qui comprenaient une grande partie des combattants des pays de l’OTAN).

Mais les militaires russes ont également commis des erreurs. Ainsi, leurs positions avancées n’ont pas été minées – ce qui est assez inexplicable ; la collecte de renseignements en première ligne a été déficiente ; et les troupes russes résiduelles (réduites à un tiers de leur effectif) n’étaient même pas équipées d’armes antichars.

Le résultat le plus important des événements de la semaine dernière est que le conflit a pris la nature d’une guerre à part entière. Zyuganov n’était pas à côté de la plaque lorsqu’il a déclaré dans son discours à la Douma d’État russe : “L’opération militaro-politique… s’est transformée en une véritable guerre, qui a été déclarée contre nous par les Américains, les membres de l’OTAN et l’Europe unifiée.

“Une guerre est fondamentalement différente d’une opération spéciale. Une opération spéciale est quelque chose que vous annoncez – et à laquelle vous pouvez choisir de mettre fin. Une guerre est quelque chose que vous ne pouvez pas arrêter, même si vous le voulez. Vous devez vous battre jusqu’à la fin. La guerre a deux issues possibles : la victoire ou la défaite”.

Poutine a une grande décision à prendre maintenant. Car, si le bon côté des choses pour les militaires russes est que la ligne de front a été redressée et que d’importantes réserves russes sont transférées sur les champs de bataille, de facto, un état de guerre existe désormais entre la Russie et l’OTAN.

Les récents appels téléphoniques successifs du président français Emmanuel Macron et du chancelier allemand Olaf Scholz à Poutine, après un interlude de plusieurs mois, indiquent qu’il est peut-être nécessaire de réengager le leader du Kremlin”.

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