03 septembre 2022

Emprunts d’État indexés sur l’inflation : un scandale à 15 milliards d’euros

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Génération Frexit, par l’intermédiaire de son président, Charles-Henri Gallois, a révélé un scandale d’État au tout début de juillet. Il s’agit du prix exorbitant (15 milliards d’euros !) d’une partie de la dette de l’État, indexée sur l’inflation !


Tout commence par cet article des Échos du 30 juin 2022.

J’ai fait une vidéo dans la foulée car les Échos n’expliquent pas du tout en quoi le recours à ce type d’emprunt est particulièrement scandaleux compte tenu des conditions économiques lors du mandat de Macron.

Cela m’a valu notamment deux passages média sur le sujet : sur Sud-Radio, puis sur Radio courtoisie.

Ce système d’obligation d’État indexées sur l’inflation (OATi) existe depuis 1998. À l’époque le ministre de l’Économie était le socialiste Dominique Strauss-Kahn. Ce sera d’ailleurs probablement l’un des arguments de l’actuel gouvernement pour se justifier d’y avoir eu recours.

Cependant, les conditions économiques n’étaient pas du tout les mêmes. À l’époque, les taux fixes étaient bien plus élevés, de même que l’inflation (comparé au premier mandat d’Emmanuel Macron). Le gouvernement pouvait donc légitimement espérer obtenir un petit gain, bien qu’il soit toujours hasardeux de parier sur le niveau d’inflation à dix ans de là.

Or la situation récente, sous Macron, est tout autre. Pendant tout le cours de son premier mandat, la France empruntait à un taux fixe de moins de 1 %, voire à taux nuls et parfois mêmes négatifs au cours de l’année 2020. Il était complètement irrationnel de continuer à souscrire à des emprunts indexés sur l’inflation, étant donné le niveau historiquement bas des taux fixes.

Un tel outil financier serait forcément à perte dans ces conditions sous Macron. Or non seulement son gouvernement a renouvelé ce type d’émissions mais il en a augmenté l’encours (c’est-à-dire le montant), passant d’environ 207 milliards d’euros en 2017 à environ 250 milliards d’euros en 2022.

Cette stratégie est aberrante, n’importe qui un tant soit peu informé en conviendra. Imagine-t-on deux secondes un particulier qui souscrirait à un équivalent d’emprunt à taux variable sur 10, 15 ou 25 ans alors qu’il peut emprunter avec des taux fixes très bas ? Cette décision lunaire de l’État semble donc être délibérée, et cela pour deux raisons.

1. L’encours a encore augmenté entre avril et mai 2022 (+7 milliards d’euros) alors que l’inflation était bel et bien là. Elle était déjà de 4,8 % en avril en France et elle est passée à 5,2 % en mai. Pour ce qui est de la zone euro, elle se montait à 7,4 % en avril et à 8,1 % en mai.

2. Pire encore, la première émission d’obligations vertes indexées sur l’inflation a été réalisée par le gouvernement en mai 2022. Il est à noter qu’une majorité écrasante de ces obligations d’État indexées sur l’inflation sont de plus indexées sur l’inflation en zone euro (71 % de l’encours à la fin de mai 2022), laquelle est sensiblement supérieure à celle en France. Cela va encore accroître la facture, et il est probable que nous finirons l’année avec un surcoût de près de 20 milliards d’euros pour les finances publiques, soit l’équivalent d’un tiers du revenu annuel de l’impôt sur les sociétés.

Il suffit d’ailleurs de regarder dans le détail les fiches des titres et la différence entre la valeur nominale (valeur de remboursement au moment de l’émission) et l’encours réel (réévalué avec l’inflation et ce qui devra effectivement être remboursé). La facture est abyssale. 40,5 milliards d’euros ! Cela montre bien que le coût de 15 milliards d’euros pour 2022 n’est que la partie émergée de l’iceberg. On voit la facture dans la partie immergée. Ces 40,5 milliards d’euros représentent les deux tiers des recettes annuelles de l’impôt sur les sociétés.

Dans le tableau ci-dessus, vous retrouvez l’ensemble des titres d’emprunts indexés sur l’inflation ayant encore cours, la date de la premier émission (syndication) et celle de l’échéance (dernier remboursement). Vous trouverez également la valeur nominale initiale de l’emprunt, la valeur nominale des emprunts indexés effectués sous Macron (que ce soit l’émission première de syndication où les adjudications postérieures), la valeur de l’encours réel (réévalué avec l’inflation, ce qui va vraiment être remboursé in fine) et le surcoût (dernière colonne : différence entre la valeur réelle de l’encours qui prend en compte l’inflation et la valeur nominale initiale).
 
Autre élément accablant pour Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, lorsque l’on prend les titres à la valeur nominale, près de la moitié (113 milliards d’euros) ont été émis ou adjugés sous Macron. Le total de la valeur nominale des OATi et OAT€i à fin juin étant de 227 milliards d’euros.

Si l’on pousse un peu plus l’analyse des données financières, on se rend compte que la perte était en effet quasi assurée pour l’État. Il suffit de regarder ce que l’on appelle en finance le point mort d’inflation. Cela revient à se demander sous quel niveau d’inflation l’État aurait pu être gagnant avec un tel système d’emprunt. Il s’avère que cela aurait pu marcher si l’inflation avait été cantonnée sous la limite de 1,5 % jusqu’à la fin de 2021 et ce pour les dix années à venir sous Macron.

Problème : cette condition est si improbable qu’elle ne s’est réalisée que onze fois en cent onze ans si l’on considère l’historique de l’inflation annuelle en France.

Et il était encore moins probable qu’elle soit réalisée sous la présidence de Macron puisque l’on sait que la BCE a sorti la sulfateuse monétaire depuis 2015 afin, précisément, de relancer l’inflation.

Le bilan de la BCE (donc la création monétaire) a été multiplié par plus de quatre depuis 2015. C’est l’une des causes majeures de l’inflation et c’était d’ailleurs attendu.

Quiconque possédant des notions financières ne saurait commettre une bourde aussi grave. Cela ne laisse donc que deux possibilités pour expliquer ce choix aussi calamiteux : l’incompétence ou le conflit d’intérêts (ou bien les deux). Dans tous les cas, cela mérite largement la création d’une commission d’enquête parlementaire destinée à faire toute la lumière sur cette question. Il faut aussi cesser d’employer ce type d’outil financier.

Scandale dans le scandale, ce mécanisme comprend un plancher de sécurité pour les investisseurs : si l’inflation est trop basse ou négative, ils seront tout de même remboursés au nominal.

Face je gagne, pile tu perds. Il faut être résolument décidé à ruiner l’État pour accepter une clause aussi déséquilibrée. Une OATi n’est intéressante que dans la mesure où l’État peut raisonnablement espérer bénéficier d’une baisse de l’inflation sous le seuil des taux fixes à un horizon pas trop lointain. Elle repose sur le pari que cette inflation va assez rapidement chuter de manière sensible sous les taux fixés par le marché (ou que ceux-ci vont monter au-dessus de celle-là). Si cet avantage est gommé par une garantie donnée à l’investisseur que sa rémunération sera toujours au moins égale à la valeur nominale, alors, cet instrument perd presque tout intérêt, et ne devient plus qu’une manière sophistiquée de faire payer beaucoup plus à l’État ses emprunts.

Cet arrangement injuste et scandaleux est un indice supplémentaire d’une possible entente entre le gouvernement et les investisseurs au profit de ceux-ci.

C’est d’ailleurs l’unique argument qu’a donné Bruno Le Maire à l’Assemblée nationale en réponse aux questions basées sur ce dossier des députés Jean-Philippe Tanguy et Philippe Brun (voir notre article « Rebondissement dans le scandale d’État des emprunts indexés sur l’inflation ! »).
 
Argument lunaire car ce n’est pas à L’État et au contribuable de payer pour assurer la rentabilité des banques et assurances. Cela n’a aucun sens d’un point de vue de l’État, de l’intérêt général et des finances publiques.

Ce scandale d’État est à relier à une autre pratique financière qui a explosé sous Macron : la prime d’émission. Le Canard enchaîné a révélé cette pratique.

Cette pratique consiste à faire baisser artificiellement la dette à court terme (100 milliards d’euros planqués comme ci-dessus) mais elle va l’augmenter à moyen ou long terme. Encore une fois, une telle pratique est ahurissante et aura un coût sensible pour les finances publiques. La manipulation consiste à vendre une dette qui vaut 100 à 150 mais à payer des intérêts prohibitifs dessus. De telle sorte qu’à terme, au lieu de payer 102, vous paierez peut-être 160.

Cette pratique malhonnête a explosé sous Macron et elle mérite également de faire l’objet d’une commission d’enquête parlementaire.

Génération Frexit et son président appellent solennellement l’opposition à se saisir de cette affaire et à lancer une commission d’enquête parlementaire. À titre de comparaison, le scandale des contrats passés avec les cabinets de conseil et McKinsey ne porte que sur un milliard d’euros. Or le seul scandale des emprunts indexés sur l’inflation est au minimum quinze fois plus coûteux pour les finances publiques (15 milliards d’euros pour 2022).

Toute inaction de la part de l’opposition (Nupes, Les Républicains et le Rassemblement national) ne pourra qu’être interprété comme une démission de son rôle ou une incapacité à le remplir. L’opinion publique, que nous travaillons à informer de la réalité de ce scandale, ne comprendrait pas une inaction de sa part.

Charles-Henri GALLOIS

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