André Faure n'aime pas entendre que Toyota a inventé la voiture électrique. Ce mécanicien retraité, installé sur les hauteurs de Malemort, s'empresse alors de raconter l'histoire méconnue du « premier prototype, mis au point par EDF ».
André Faure, aujourd’hui âgé de 97 ans, est bien placé pour en parler. Car en 1971, il a participé à son élaboration, au centre de recherche des Renardières, en Seine-et-Marne.
Présenté au président Pompidou
Sous l’égide de son patron, Roland Wolf, il avait pour mission de transformer une Renault 4L en véhicule électrique. Le tout en six mois, afin que le prototype puisse être présenté au président Georges Pompidou lors d’une cérémonie organisée pour les 25 ans de la nationalisation d’EDF.
Ces recherches très sérieuses étaient soutenues par l’État. À l’époque, on considérait déjà la voiture électrique comme un marché d’avenir. EDF estimait que 2,5 millions de véhicules seraient en circulation en France au début des années 1990.
On a dénombré, l’an passé, 111.000 immatriculations de voitures électriques en France, et un peu plus de 42.000 en 2019. Loin des chiffres imaginés il y a cinquante ans. « Il a fallu un peu plus de temps que prévu. Moi, j’ai l’impression d’avoir été un pionnier », rigole André Faure.
Une batterie de 300 kg
Pour faire fonctionner sa 4L, le mécanicien corrézien se souvient s’être creusé la tête. « Quand j’ai mis la batterie de 300 kg dans la voiture, les roues avant touchaient la carrosserie ! Je ne sais plus bien comment on a fait mais au bout du compte, elle a fini par rouler à 50 km/h pendant deux heures. »
Trois ans plus tard, le ministre de la Qualité de vie (oui, cela existait !) André Jarrot s’était même rendu au conseil des ministres au volant d’une R5 électrique, fruit d’un partenariat entre EDF et Renault. Une voiture qui sortait également du centre des Renardières, qu’André Faure avait quitté pour rejoindre sa Corrèze natale, en 1972.
« Il faut des modèles entre 8.000 et 10.000 euros »
À la fin des années 1970, EDF s’est finalement retiré des recherches sur les voitures électriques, faute d’avoir pu s’adosser à des partenaires industriels. « Mon patron disait qu’il faudrait, pour que cela fonctionne, des batteries trois fois moins lourdes, trois fois plus puissantes et qu’elles puissent tenir au moins cinq ans, raconte André Faure. On y est finalement arrivé, mais je pense que pour que la voiture électrique s’impose, il faut mettre sur le marché des petits modèles vendus entre 8.000 et 10.000 euros, capables de faire une centaine de kilomètres. C’est ce que recherchent les actifs pour aller au travail ou les retraités pour aller faire leurs courses ! »
Un Résistant qui a pris le maquis dans le Lot
Il ne faut pas prendre à la légère les conseils d’André Faure, dont la vie a été riche d’expériences. Le 1er janvier, il a fait partie de la poignée de Corréziens qui ont reçu l’Ordre national du mérite. Sur proposition de la ministre chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, il a été élevé au grade de Chevalier. Cela n’a rien à voir avec l’élaboration de la fameuse 4L électrique, qui est loin de constituer son seul fait d’arme.
André Faure fut aussi un Résistant, qui a pris le maquis dans le Lot en février 1944 avant de participer à la libération de Cahors, Montauban et Toulouse. Une période qu’il raconte avec une modestie non feinte : « Je ne dis pas que je suis un héros, contrairement à certains. Je dis la vérité : je n’ai jamais mitraillé. Je l’aurais fait si j’avais vu passer une voiture de la milice, mais l’occasion ne s’est pas présentée ! »
Pour tout cela, on se dit qu’André Faure aurait bien mérité de recevoir la Légion d’honneur, comme l’avait demandé en fin d’année dernière le sénateur Daniel Chasseing. La sollicitation n’a malheureusement pas abouti car l’ancien Résistant ne « remplissait pas les conditions », a-t-on fait savoir au parlementaire corrézien.
Le chauffage électrique de l'Hyper 19
Après avoir participé à l’élaboration du prototype de 4L électrique, André Faure a été muté à Tulle à sa demande. Sa nouvelle mission : « développer le chauffage électrique ». Un de ses premiers clients fut Jean Escande, qui faisait construire en 1972 à Malemort le premier grand centre commercial de Corrèze : l’Hyper 19. « Il m’a demandé de lui faire un devis en me disant que si j’étais moins cher que le fioul, il ferait installer le chauffage électrique dans le magasin. » André Faure fait alors « descendre des ingénieurs de Paris ». Jean Escande décide de faire confiance aux équipes d’EDF et devient lui aussi un pionnier. « Cela s’est su et il a en quelque sorte lancé une mode dans la région », se souvient André Faure.
Tanguy Ollivier
Futur de la voiture électrique : l’arlésienne...
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