C'était une époque où, côté soleil, la météo de juillet en connaissait un rayon. Bien avant son illustre descendante de 2003, la canicule de 1976 fut l'une des plus marquantes du XXe siècle : trois semaines, du 22 juin au 15 juillet, où les températures se sont envolées, transformant la moitié nord de l'Hexagone en étuve. « Je m'en rappelle comme si c'était hier, raconte Claudine, assistante maternelle à Malakoff (Hauts-de-Seine). Il faisait une chaleur à crever. On essayait de trouver le frais au parc. »
En banlieue, comme ailleurs, les volets sont clos du matin au soir. Les chauffeurs de bus débraient. A l'usine Noël de Vitré (Ille-et-Vilaine), les ouvriers embauchent exceptionnellement à 5 heures pour terminer à 13h30. André, un Parisien de 68 ans, en profite pour arrêter de fumer : « On restait à l'intérieur. Rien que d'aller au bureau de tabac, c'était épuisant! » sourit-il.
Sols craquelés et bétail affamé
Les plus accablés sont sans conteste les agriculteurs. « Avant d'être une canicule, 1976 fut d'abord une sécheresse historique », résume Michel Schneider, climatologue à Météo France. En cause, un anticyclone qui prend ses quartiers des mois d'affilée en Europe du Nord. Automne 1975, hiver et printemps 1976 délivrent les averses au compte-gouttes. En ce mois de juillet, le Grand Ouest prend des airs de désert sahélien. Sols craquelés, animaux de ferme faméliques : « Lorsque l'on a pris la route des vacances, se souvient René, habitant du Val-de-Marne, nous croisions en Bourgogne des vaches affamées. Toute la campagne était roussie. C'était triste. »
Partout, le fourrage manque. « On a tout essayé, rappelle Claude Barbat, agriculteur à Ravigny (Mayenne), à l'époque propriétaire d'un troupeau d'une centaine de vaches. On est allés chercher du maïs dans le Maine-et-Loire, puis des betteraves du Calvados », pour finir « couper des arbres et donner les feuilles à manger aux vaches ». Les premiers temps, les éleveurs abattent aussi quelques têtes de bétail. Mais les files d'attente s'allongent devant les abattoirs et le cours de la viande s'effondre.
L'armée est appelée à la rescousse pour transporter du foin. Autant qu'au sabre, les Français s'en remettent au goupillon. Dans les paroisses, les prêtres prient le Ciel de les exaucer : « Dieu à qui nous devons de naître, nous dépendons de toi en toute chose. Accorde-nous la pluie dont nous avons besoin », exhortent-ils à l'unisson.
Un impôt sécheresse est créé
Même l'eau potable commence à manquer. La moitié de la ville de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) en est privée. Et 10 millions de mètres cubes du précieux liquide doivent être acheminés dans les villages asséchés. « Les gens s'inquiétaient », confirme Claudine. Le nettoyage des voitures est interdit pour la première fois. Dans le Pas-de-Calais, des escrocs déguisés en policiers dressent de vraies-fausses amendes aux contrevenants. On compte jusqu'à 500 km de rivières à sec. Les poissons morts se ramassent à la pelle, 500 kg par jour dans le lac d'Enghien, et à Chantilly (Oise) les chevaux de course perdent jusqu'à 40 kg.
A partir de mi-juillet, le mercure va tout de même refréner ses ardeurs. Place à la douloureuse. Le principe d'un impôt sécheresse est acté le 25 août, le jour même où le Premier ministre, Jacques Chirac, remet sa démission. En matière statistique, « 1976 a été le 3e été le plus chaud de la période 1900-1976, détaille Michel Schneider, mais seulement le 7e plus chaud sur la période 1900-2011, derrière 2006, par exemple. » Une canicule 2006 que beaucoup ont oubliée.
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