[...] A l'été 1911, l'Europe a connu une intense vague de chaleur qui s'est étalée sur 70 jours, du 5 juillet au 13 septembre, ne s'interrompant que pour de courtes accalmies. C'est aux Etats-Unis que le mercure a commencé à grimper dès le début du mois de juillet, frappant durement les habitants de la côte est, notamment de la ville de New York.
Peu après, la canicule traversait l'Atlantique et gagnait le Vieux continent. Température "torride", "à peine supportable", "chaleur excessive", les journaux se sont rapidement fait écho de cet épisode inhabituel. "Nous souffrons, depuis trois jours, de chaleurs vraiment exceptionnelles à Paris", écrit ainsi le journal La Croix le 9 juillet 1911.
"La température est en hausse continue depuis le 5 de ce mois [...] Ce matin à 9h, le thermomètre atteignait 27,6°C", poursuit l'article. Mais la vague de chaleur ne fait alors que commencer. La hausse du mercure touche toute la France mais plus intensément le nord du pays. Jusqu'à la mi-juillet, les températures dépassent à plusieurs reprises les 35°C dans la capitale.
A Lyon ou à Toulouse, le thermomètre grimpe jusqu'à 37°C sans descendre sous la barre des 30°C pendant plusieurs jours. Après une légère baisse, une nouvelle vague de hausse marque le mois d'août. Les photos d'époque montrent des promeneurs ou des travailleurs assis sur des bancs ou à même le sol, assommés par la chaleur accablante.
Un groupe d'hommes coiffés d'un chapeau observe un thermomètre dont la colonne monte à 39°C, dans l'édition du 20 août des Annales politiques et littéraires. Alors que le mercure ne baisse toujours pas durablement, certains quotidiens à l'instar du titre Gil Blas s'en prennent même aux météorologues et à leurs prévisions :
Ce qui n'est pas gai, c'est que les météorologistes officiels annoncent une baisse sensible de la pression barométrique. Et v'lan, nous sommes bons pour une nouvelle vague de chaleur puisque ces messieurs – qui ne sont jamais trompés ! à condition qu'on prenne le contrepied de leurs prédictions – nous font espérer la fraîcheur ! Sur le boulevard, hier, le thermomètre marquait à midi, exactement 47 degrés. À trois heures, il n'y en avait plus que 37. C'est plutôt suffisant, n'est-il pas vrai ?
Le mois de septembre n'offre pas le soulagement espéré avec un mercure qui se maintient au-dessus de la barre des 30°C. "De mémoire d’homme on n’avait vu un mois de septembre aussi torride. Le thermomètre marque, tous les après-midi, 33 et 31° à l'ombre. Au soleil, il fait plus de 40°", explique Le Journal de Roanne le 10 septembre.
"Aussi tout grille par la campagne. Les prés, ranimés et reverdis par les pluies d'il y a quinze jours, redeviennent couleur de poussière ; les mais se recroquevillent ; les betteraves cuisent dans terre", poursuit-il. Ce n'est que trois jours plus tard que les températures commencent enfin à baisser dans la capitale et le reste de l'Hexagone.
Plus de 40.000 morts, surtout des enfants
13 septembre 1911 : l'épisode caniculaire est terminé mais le bilan est catastrophique. Ces deux mois et demi de températures inhabituellement élevées et de sécheresse intense ont lourdement touché la population. Plus de 40.000 morts sont recensés dont les trois quarts sont des enfants en bas âge. A l'origine des décès : des insolations mais aussi une poussée de diarrhées.
Dès la mi-juillet, le médecin Jacques Bertillon fait état d'une augmentation des cas de diarrhées chez les enfants, souligne Catherine Rollet, historienne et démographe, autrice de La canicule de 1911 : observations démographiques et médicales et réactions politiques publié en 2010 dans la revue Annales de démographie historique.
"La corrélation entre la température et la mortalité est étroite : les décès, en particulier ceux liés à la diarrhée, augmentent dès lors que la température affiche plusieurs jours de suite des niveaux élevés", constate-t-elle, précisant que la mortalité infantile a atteint 366 et 332 pour mille les semaines de plus forte mortalité en juillet et en août.
Selon les recherches de l'historienne, cette poussée serait à attribuer à une pénurie de lait, les vaches laitières ayant été victimes d'une épidémie de fièvre aphteuse, mais aussi à une mauvaise qualité de l'eau et une hygiène insuffisante, la chaleur favorisant la prolifération des micro-organismes.
La catastrophe a ainsi été perçue comme une véritable "crise de la mortalité infantile" alors qu'on tentait à l'époque de réduire les décès des enfants au cours de leurs premières années. Néanmoins, les fortes températures ont aussi affecté les personnes âgées qui constituaient le quart restant des plus de 40.000 décès.
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