Jean-Michel Lavoizard publie sur Boulevard Voltaire
une analyse pertinente sur la résistance du continent africain à
se faire imposer la vaccination pour tous édictée par l’Occident.
Nous la relayons volontiers car son auteur est un excellent connaisseur de l’Afrique :
Ce 15 juillet, Pierre Delsaux, directeur général de
l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas
d’urgence sanitaire (HERA, créée en septembre 2021),
interrogé par des parlementaires européens sur le surplus de
stock de vaccins anti-Covid, a fait cette déclaration :
« Je
voudrais vous dire une chose. Maintenant, aujourd’hui, les États
membres sont disposés à donner des millions et des millions de
doses de vaccins à des pays pauvres. Le problème, c’est qu’ils n’en
veulent pas. J’ai des collègues qui passent des heures, des week-ends,
des jours et des nuits à essayer de trouver un moyen d’envoyer ces
vaccins à des pays pauvres, mais ils n’en veulent pas. Désolé, désolé,
ils n’en veulent pas. C’est un fait. »
Le budget global d’HERA s’élève à 6 milliards d’euros pour la période 2022–2027, dont 1,3 milliard pour la préparation et la réaction en cas d’urgence sanitaire en 2022, qui dépasse les besoins communautaires.
Comment expliquer ce paradoxe apparent d’une main africaine nécessiteuse qui refuse celle, européenne généreuse, qu’on lui tend ?
Vu des institutions européennes qui, outrepassant les domaines de compétence fixés par leurs textes fondateurs, prétendent imposer leur conception du bien et du bonheur aux citoyens européens ainsi qu’à leurs tributaires lointains, jusque dans leur mode de vie et si besoin contre leur volonté, cette constatation peut paraître stupéfiante et choquante.
Vu d’Afrique, c’est l’ignorance des réalités locales et l’arrogance, perçues comme telles, qui sont choquantes, effet d’un produit stupéfiant bureaucratique. Leur caractère involontaire n’excuse pas cette maladresse, même animée des meilleures intentions, car l’aveuglement y est idéologique et le déni de réalité systémique. Au nom de la non-ingérence, qui encourage la mauvaise gouvernance.
En effet, les propos du fonctionnaire européen sont révélateurs d’un défaut caractéristique de prise en compte des contextes culturels et de la psychologie des interlocuteurs africains, hypersensibles à la parole étrangère, par fierté culturelle et par susceptibilité historique. À notre époque d’émancipations africaines vindicatives et quérulentes dans tous les domaines, aboutissement forcé d’indépendances inachevées, l’expression « les États sont disposés à donner » est perçue comme condescendante. « Donner des millions et des millions de doses de vaccins à des pays pauvres » peut être interprété comme une marque forcée de mendicité, pour se débarrasser d’une énorme quantité de vaccins excédentaires et superflus. Alors que la langue de bois institutionnelle a remplacé artificiellement tous les termes à connotation négative (tiers-monde, sous-développé, aide, etc.) par d’autres plus valorisants (en voie de développement ou d’émergence, partenariat, etc.), « pays pauvres » ne passe plus. Surtout quand la faute morale et historique de la pauvreté persistante est attribuée aux « donateurs bienveillants ».
La conclusion, « c’est un fait », en dit long sur l’incompréhension des raisons du refus « de millions et de millions de vaccins » inutilisés en Europe.
Au-delà des questions de forme, on peut conseiller au « généreux donateur européen » de s’interroger d’abord sur la réalité du besoin sanitaire en Afrique face à une pandémie de Covid encore moins dangereuse qu’en Europe, sur un continent où les causes de mortalité sont nombreuses, faute de gouvernance plus que de moyens. À la défiance populaire habituelle envers les autorités politiques nationales s’ajoutent les rumeurs persistantes de complots des organisations internationales visant à juguler la démographie galopante par vaccination falsifiée et stérilisation déguisée. D’où le refus par les populations du COVAX.
C’est ainsi que les technostructures nationales et internationales se heurtent à des rejets massifs des populations africaines, dont elles sont devenues des freins au développement qualitatif. Par leurs excès procéduriers, leur langage abscons et leurs process importés et mal transposés dans les milieux locaux, l’administration du développement est devenue le développement de l’administration.
Enfin, on peut s’interroger aussi sur la gestion européenne des stocks de vaccins et leur réelle utilité sanitaire, indépendamment de leur valeur financière. Pour que HERA, déesse grecque du mariage et de la fécondité, mère d’Héphaïstos, dieu du feu, et d’Arès, dieu de la guerre, n’aggrave pas encore le divorce entre les citoyens européens et leurs dirigeants, et n’alimente pas également la colère des peuples.
Jean-Michel Lavoizard
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