Une connaissance m’a demandé par email quelles étaient mes prédictions pour le futur proche (il vient d’un autre pays, et voulait voir à quoi ressemble la perspective d’un Russe moyen). Je lui ai envoyé les points ci-joints et cette carte.
J’ai pensé que cela pourrait intéresser un public occidental anglophone plus large. Il ne s’agit en aucun cas d’une analyse sophistiquée réalisée par un expert, mais simplement d’une compilation de ce que j’ai lu dans différentes sources et de mes modestes connaissances historiques.
Les régions de Lvov et de Lutsk seront annexées par la Pologne (marquées sur la carte par le drapeau polonais). Presque une certitude – les responsables polonais et ukrainiens ont fait des déclarations sur les « terres communes » et la Pologne a déjà commencé à y assumer certaines fonctions administratives. Le chef du service de renseignement extérieur russe a également fait deux ou trois déclarations publiques à ce sujet, et il est très rare qu’il le fasse. Les Polonais trouveront le moment opportun pour faire entrer une « force de maintien de la paix » militaire afin de consolider leur emprise. Cela ne se fera ni sans heurts ni sans effusion de sang en raison de l’histoire – les collaborateurs nazis ukrainiens ont procédé à des nettoyages ethniques dans la région, tuant jusqu’à 100.000 Polonais de souche pendant la Seconde Guerre mondiale. Les dirigeants politiques polonais y voient un geste populiste visant à rétablir la justice historique (cela marchera aussi), les groupes d’extrême droite polonais y voient une énorme dette de sang impayée, et la police et les services de sécurité polonais considèrent les néo-nazis ukrainiens modernes comme de gros problèmes à éliminer (par une dénazification approfondie ou d’autres moyens). Ils étaient d’accord avec eux tant que les néonazis agissaient contre la Russie, mais lorsque les frontières se solidifieront et que ce sera leur territoire à gouverner, ce sera une toute autre affaire. Il n’est pas exclu que tous les ex-Ukrainiens deviennent des citoyens de seconde zone, comme les Russes des États baltes.
La région de Zakarpatye en Ukraine sera annexée par la Hongrie (marquée sur la carte par le drapeau hongrois). Cela semble très probable, mais je n’ai pas vu la Hongrie faire de déclaration définitive à ce sujet. Depuis l’éclatement de l’Union soviétique, la Hongrie n’a cessé de renforcer son influence dans cette région, soutenant les écoles, la langue et la culture hongroises, allant même jusqu’à délivrer des passeports. Les néonazis ukrainiens ont proféré des menaces de violence ethnique parce qu’ils veulent une « Ukraine pour les Ukrainiens », qui impose un ensemble de normes à tous les Ukrainiens : russophobie, langue (l’ukrainien, les autres langues ne sont pas autorisées), « pureté ethnique » (c’est même dégoûtant à écrire). Cette annexion se fera en douceur et sans effusion de sang, comme la Crimée, grâce à la préparation minutieuse du terrain par la Hongrie. S’il y a des problèmes, ils seront causés par les néo-nazis ukrainiens. Espérons que la police et les services de sécurité hongrois seront à la hauteur pour assurer la sécurité de la population.
Les régions marquées du drapeau russe vont rejoindre la Fédération de Russie, le processus a déjà commencé. Une opération antiterroriste de suivi menée par le FSB et le RosGuard a également commencé, car le régime actuel de Kiev (fortement influencé par les gouvernements américain et britannique et par les néonazis ukrainiens) y a déjà lancé des attaques terroristes. Heureusement, les services de sécurité russes ont une grande expérience de ce genre de choses (Tchétchénie, Syrie).
La région en bas à gauche, avec un point d’exclamation rouge est particulière – le 2 mai 2014, les gens ont manifesté à Odessa contre les néo-nazis, brûlant les drapeaux néo-nazis. En réponse, les néo-nazis ont expédié leurs milices bien organisées dans la ville, ont conduit les manifestants dans un bâtiment et y ont mis le feu. 42 personnes sont mortes brûlées vives, abattues, tombées à terre ou battues à mort. Ils ont également tué 8 autres manifestants dans la rue. Le nouveau gouvernement ukrainien (fortement soutenu par les États-Unis) n’a pratiquement rien fait – la police avait l’ordre d’observer mais pas d’intervenir, une enquête peu reluisante a été ouverte mais n’a jamais donné de résultats, et les néonazis avaient le soutien des forces de l’ordre locales. Il s’agit d’un moment décisif dans l’histoire de l’Ukraine : les néonazis ont déclaré haut et fort et de manière sanglante que « notre idéologie est la loi en Ukraine, nous tuerons tous ceux qui ne sont pas d’accord ». La prise de la région d’Odessa a une grande valeur symbolique. Je veux voir un mémorial à cette atrocité juste en face de ce bâtiment. La ville d’Odessa elle-même est (ou était) très internationale (c’est le cas de nombreux ports d’eau chaude dans le monde, en raison du commerce maritime) – Juifs, Russes, Ukrainiens et de nombreuses autres ethnies.
Les régions marquées du drapeau russe avec un « I » vert rejoindront pleinement la Fédération de Russie ou deviendront indépendantes, mais intégrées aux économies de la Russie et de l’Eurasie du Sud-Est.
Les régions avec « ? » sont en suspens. Peut-être seront-elles divisées entre la Russie, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie, peut-être resteront-elles un morceau enclavé de l’« Ukraine ». Dans ce dernier cas, le gouvernement russe insistera (je l’espère vivement) sur la stricte neutralité militaire de ce territoire, avec un statut de non-aligné (comme l’Autriche), des postes d’observation, des inspections et la dénazification. Cette dernière n’est pas quelque chose que Poutine a inventé, c’est un processus légal long et complexe qui a été fait en Allemagne après la seconde guerre mondiale.
La région entourée d’une ligne verte est la Transnistrie (Pridnestrovie), dont l’histoire est compliquée. J’ai lu un argument selon lequel, d’un point de vue strictement juridique, la Transnistrie fait toujours partie de l’Union soviétique – je ne pense pas que cela ait une réelle importance, c’est juste un fait intéressant. Beaucoup de Russes s’y trouvent. En 1992, il y a eu un conflit militaire – la Moldavie a envoyé des forces pour essayer de l’annexer à la Moldavie, tandis que la Transnistrie voulait devenir indépendante. La question n’est toujours pas résolue à ce jour. L’Ukraine a déjà proféré des menaces à l’encontre de la Transnistrie. La Russie a donc besoin d’un pont terrestre vers cette région pour sa sécurité. L’annexion de la Transnistrie dépend de la politique de la Roumanie et des États-Unis (la Roumanie veut annexer la Moldavie).
Un nombre indéterminé de groupes militaires ethniques nationalistes russes (ils ne sont pas ouvertement nazis ou utilisent leur rhétorique avec beaucoup de prudence) ont fait une apparition en Ukraine. Ni le gouvernement ni l’armée russes ne veulent avoir affaire à eux, mais ils pourraient formuler des demandes par la suite, car ils ont versé leur sang pour la cause commune.
Heureusement, le nationalisme ethnique ne s’est pas développé en quelque chose de cohérent ou de puissant en Russie après la chute de l’Union soviétique. Cela est dû au fait que les services de sécurité ont enfermé certains d’entre eux pour des crimes, ont placé d’autres sous une surveillance stricte, que les mouvements de droite étaient en désaccord les uns avec les autres ou se sont tout simplement éteints et que beaucoup de leurs dirigeants étaient des crétins. Pour moi, toute forme d’identitarisme ethnique est une idée stupide et un poison pour l’unité humaine. Malheureusement, c’est une idée facile à vendre pour certaines personnes – dites aux gens qu’ils sont supérieurs aux autres par le hasard de la naissance et certains d’entre eux se battront et mourront pour cette idée.
Le gouvernement lituanien fait quelque chose de très dangereux : il parle de couper la logistique commerciale de Kaliningrad (une enclave russe) du reste de la Russie. Possiblement avec l’approbation/coordination des États-Unis.
La Chine va absorber et se réunifier avec Taïwan. Les États-Unis refusent de faire marche arrière, ils encouragent le gouvernement taïwanais pro-USA à acquérir de nouvelles armes et font des déclarations ridicules sur les avions chinois volant près de la Chine, qui seraient une menace pour les États-Unis. Il semble donc qu’il s’agisse de trouver un moment opportun.
Les États-Unis doivent se réformer en un état différent. Ce chien enragé qui court autour de la planète, construisant des bases militaires partout, bombardant tout ce qu’ils veulent, finançant et armant les « bons terroristes » est trop dangereux pour être accepté dans ce monde de plus en plus globalisé. Rappelez-vous quand cette sorcière raciste, Madeleine Albright, a qualifié les États-Unis de « nation indispensable » en 1998 ? Outre le fait qu’il s’agissait d’une expression typiquement hitlérienne, cette expression sous-entendait que la politique internationale des États-Unis considérait que les autres nations étaient dispensables. Il y a probablement une bonne dose de racisme impérial à l’ancienne dans cette pensée – tuer les Indiens/Indiens d’Amérique/Arabes/Russes/<ethnies_différentes_des_nôtres>, s’emparer de leurs ressources. Les États-Unis l’ont démontré en pratique en bombardant la Serbie en 1999, l’Irak en 2003, la Libye en 2011, etc. Le plus fou dans tout cela, c’est qu’une grande partie de la raison pour laquelle les États-Unis déclenchent des guerres est que les gens gagnent d’énormes sommes d’argent en fabriquant et en vendant des armes, et qu’avec les lois américaines sur le lobbying (essentiellement de la corruption légalisée), ils peuvent influencer les décisions de politique étrangère. J’espère qu’ils pourront réformer leur pays par le biais d’un processus interne qui n’implique pas le déclenchement d’une énième guerre, sinon les choses pourraient mal tourner. Les ICBM thermonucléaires d’aujourd’hui sont bien plus puissants que ceux que les États-Unis ont lancés sur Hiroshima et Nagasaki.
Le gouvernement britannique depuis 1945 semble être très étroitement aligné sur la politique étrangère américaine (si ce n’est plus agressive, comme les plans « Operation Unthinkable » de Churchill), il devra donc probablement se réformer lui aussi.
Au vu de l’histoire, une certaine forme de mondialisation semble inévitable, les humains ne cessent de s’organiser en groupes de plus en plus grands. Mais je ne veux pas que le gouvernement mondial se consolide sous les auspices des politiques américaines actuelles. Peut-être qu’il serait bon pour l’humanité d’adopter une approche plus régionale et d’apprendre à coopérer au lieu de faire la guerre pendant un certain temps, avant de mettre en place une sorte d’accord mondialiste sur Terre. J’aime la façon dont la Chine étend son influence par le biais du commerce et d’énormes projets d’infrastructure dans d’autres pays.
Avez-vous vu la capitale administrative qu’ils construisent en Égypte ? C’est un projet de grande envergure. La Chine n’a pas non plus bombardé l’Égypte pour obtenir le contrat, ce qui constitue une nette amélioration par rapport à la plupart des interactions entre les États-Unis (et le Royaume-Uni, soyons honnêtes) et les autres pays au cours des 300 dernières années.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.