"Si la Russie achève sa conquête du Donbas, elle sera libre d'étendre ses opérations au sud, y compris à la ville portuaire vitale d'Odessa. Cela pourrait non seulement créer un pont terrestre au sud de la Crimée, mais aussi permettre son extension au territoire sécessionniste de Transnistrie - une bande de terre située entre l'Ukraine et la Moldavie où 200.000 des 500.000 habitants estimés détiennent un passeport russe et où 98 % des électeurs ont voté en faveur de l'indépendance et d'une éventuelle intégration à la Russie lors d'un référendum organisé en 2006. Le conflit russo-ukrainien a pris de l'ampleur, aucune des parties n'étant prête à renoncer à ce qu'elle considère comme des intérêts existentiels. Actuellement, la Russie semble avoir l'avantage, mais le calcul géopolitique en Europe peut changer à tout moment : la Finlande et la Suède pourraient rejoindre l'OTAN, la Pologne interviendrait en Ukraine occidentale pour des raisons humanitaires ou l'Ukraine attaquerait préventivement la Transnistrie pour détourner l'attention de la Russie. Tous ces éléments menacent de faire dégénérer la situation en un conflit plus large. S'il est difficile de prédire une issue spécifique, une chose est sûre : L'Europe va connaître un été long et chaud, dominé par la guerre". (Scott Ritter)
La Bataille d’Ukraine
Supériorité de l’artillerie russe et de son usage au combat
+ Pour comprendre la bataille en cours, je recommande un texte posté sur twitter sous forme de fil (Thread) à propos de l’artillerie russe. C’est nous qui soulignons certains passages:
“Si
vous avez suivi la guerre avec un minimum d’intérêt, vous avez
maintenant beaucoup entendu parler de la fameuse artillerie russe. Il
est possible que vous vous demandiez pourquoi et comment l’artillerie
russe pourrait être meilleure que celle de ses concurrents. Jetons un
coup d’œil.
Commençons par réfléchir au type de problème que
les planificateurs militaires russes pourraient tenter de résoudre.
Dans ce cas, nous devons commencer par l’US Air Force. Elle est bonne.
Très bonne. Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Amérique dispose de
moyens aériens exceptionnellement puissants.
Alors,
comment les planificateurs russes pourraient-ils se préparer à cela ?
Tout risquer pour arracher la supériorité aérienne à l’USAF est un plan
dangereux. L’armée de l’air russe est bonne, mais c’est quand même un
gros pari. Il faut donc construire une armée qui puisse fonctionner sans
supériorité aérienne. Le moyen d’y parvenir est de déployer des
défenses anti-aériennes et une artillerie plus nombreuses et plus
performantes. La défense antiaérienne transforme votre armée en un
porc-épic capable de parer aux attaques aériennes, et l’artillerie vous
permet d’appliquer la puissance de feu sans utiliser beaucoup d’avions.
La Russie excelle donc dans ces systèmes.
L’armement
anti-aérien russe est exceptionnel. Du S-400 (un système à longue portée
de classe mondiale qui a abattu un avion à réaction ukrainien à 150 km
au début de la guerre) aux systèmes de défense ponctuelle comme le
Pantsir. Mais ce n’est pas le sujet de ce fil de discussion. Parlons
plutôt d’artillerie.
Rappelez-vous ce que nous avons dit à propos de la planification d’une guerre où vous pourriez ne pas avoir le contrôle de l’air. Cela signifie que les forces terrestres russes doivent être capables d’infliger des punitions massives par elles-mêmes. Les unités de l’armée russe ont à la fois une plus grande concentration d’artillerie et une plus grande portée.
Nous pouvons utiliser une brigade américaine comme base de référence pour cela. Une brigade blindée américaine aura un seul bataillon d’artillerie équipé de 18 obusiers “Paladin”, pour soutenir un escadron de cavalerie et 3 bataillons d’armes combinées. Il s’agit d’une unité lourde en véhicules blindés et en infanterie.
En revanche, une brigade russe typique sera équipée de 54 pièces d’artillerie, soit littéralement trois fois plus qu’une brigade américaine. Il s’agit d’une unité avec moins d’infanterie mais plus de gros canons (nous reviendrons sur les types d’armes dans un instant). Maintenant, il est important de se rappeler l’aspect de la puissance aérienne de tout ceci. L’Amérique compte bien contrôler l’air et délivrer sa puissance de feu de cette manière. Il suffit de voir ce que la puissance aérienne américaine a fait à l’Irak. Les brigades russes sont au contraire construites pour infliger des punitions indépendamment des moyens aériens.
Examinons certaines des armes utilisées par la Russie. Tout d’abord, nous avons le 2S19 Msta. Il s’agit d’un obusier de 152 mm qui est le corollaire du Paladin de 155 mm des États-Unis. Il a une portée de tir d’environ 25 km, légèrement supérieure à celle du Paladin. Une brigade russe en possède 36 ! La Russie dispose également de la famille “Tornado” de systèmes de roquettes à lancement multiple (MLRS). Il existe quelques variantes, mais la version G, par exemple, peut tirer 40 roquettes de 122 mm jusqu’à 40 km. Une autre variante tire des roquettes plus lourdes de 300 mm. Une brigade typique dispose de 18 Tornados. Le Tornado est le plus récent et le meilleur système MLRS russe, mais l’armée dispose également d’autres systèmes de roquettes comme le BM-21 Grad et le BM-30 Smerch.
Pour résumer, l’armée russe déploie une artillerie trois fois plus dense qu’une formation américaine équivalente, et ses armes ont une portée supérieure. Tout est question de puissance de feu. La Russie ne combat pas l’armée américaine, et si Dieu le veut, elle ne le fera jamais. Cependant, la doctrine américaine est le point de départ des armées occidentales et l’Ukraine opère avec un désavantage d’artillerie tout aussi important, mais sans la supériorité aérienne sur laquelle l’Amérique peut compter.
La
Russie mène cette guerre comme elle l’a prévu. Elle assomme l’Ukraine
avec une puissance de feu basée au sol à différentes profondeurs
opérationnelles, avec des feux de brigade sur le champ de bataille local
et des Kalibrs qui font des dégâts dans les profondeurs du pays.
En
fin de compte, lorsqu’elles le peuvent, les troupes russes préfèrent ne
pas envahir les positions ukrainiennes avec des chars et de
l’infanterie. Elles préfèrent plutôt fixer les unités ukrainiennes sur
place et les détruire avec leurs feux écrasants. C’est ce que nous
observons dans le Donbass“.
+ Analyse à mettre en regard de ce qui vient d’être dit sur l’artillerie russe: “Kiev ne peut pas entretenir et réparer les armes complexes des États-Unis et de l’OTAN – si elles se cassent, elles sont inutilisables. Pour chaque pièce d’équipement lourd que l’armée ukrainienne est sur le point de recevoir dans le cadre de cette injection massive d’aide militaire fournie par les États-Unis, il y a la réalité tacite mais critique de la question de la maintenance et de la durabilité. En termes simples, s’il est cassé, vous ne pouvez pas l’utiliser. Et les équipements militaires se cassent – fréquemment – surtout lorsqu’ils sont soumis aux contraintes et au stress du combat moderne incessant.
Prenez l’obusier tracté M777 de 155 mm que les États-Unis fournissent à l’Ukraine. Il est fait d’un alliage de titane et non d’acier, ce qui rend le recul dangereux, les blessures dues à l’utilisation sont fréquentes, et la fatigue du métal arrive rapidement. Il s’use rapidement.
En fournissant à l’Ukraine un équipement dont il est pratiquement garanti qu’il tombera en panne peu de temps après son entrée en combat, et pour lequel l’Ukraine ne dispose pas de l’infrastructure nécessaire pour l’entretenir et le réparer, Biden et Pelosi ne font rien d’autre que de donner à l’armée ukrainienne des pilules de suicide et d’appeler cela de la nutrition“.
+ Si l’on en croit le canal Telegram @Rybar , les pertes ukrainiennes (tués plus blessés hors de combat) ont dépassé 50 000 hommes. Si l’on se rappelle que le Général Collet, inspectant des troupes françaises il y a quelques jours a parlé de 20 000 hommes tués ou blessés graves dans l’armée russe, on en serait à un ratio de 1/2,5. Ce qui parlerait déjà en faveur de l’armée russe puisque l’armée ukrainienne a l’avantage de la position défensive. Pour notre part, nous émettons l’hypothèse que les pertes russes sont plus proches de 10% des hommes effectivement engagés sur le terrain en Ukraine – environ 100 000 hommes. On resterait dans ce cas dans le ration de 1/5 que nous avions déjà évoqué pour les premières semaines de la guerre.
Mise à jour des positions dans la guerre au sol
Visiblement, l’armée russe ne fait pas, pour l’instant, du front nord un front essentiel. Cela a pour conséquence des bombardements ou incursions de drones ukrainiens sur le territoire russe dont @Rybar a dressé le bilan pour les dernières semaines:
Et cela conduit aussi à constater que les forces russes ont effectué un repli tactique suite à une contre-attaque ukrainienne dans la région de Kharkov.
+ Mise à jour de la carte du secteur de Kharkov en date du 6 mai
Une contre-offensive kiévienne au nord de Kharkov a eu pour effet le repli des troupes russes de la banlieue de Kharkov, repoussant la ligne de front d’une distance de 60% par rapport à la frontière (reste 40 % de distance), pour éviter un encerclement
+Mise à jour de la carte du secteur de Kramatorsk en date du 6 mai
– La “citadelle” kiévienne est soumise à une intense pression sur tout le nord.
– Le front s’approche fortement de Krasni Liman par le nord-est.
–
Severodonetsk est quasiment encerclée, mais la finalisation de son
encerclement nécessite préalablement celui de l’ensemble de la zone
urbaine, incluant la ville limitrophe de Lisichansk. Si l’objectif est
l’encerclement, bien sûr. La difficulté est que Lisichansk est
entièrement protégée par la barrière naturelle constituée par la
Severski Donets.
– La pression russe du côté nord-ouest (Izioum) est
relâchée. L’ennemi y prépare une contre-attaque par l’ouest en enjambant
la Severski Donets.
– La pression est maintenue sur tout l’Est, jusqu’à Popasnaïa et New York (ouest de Gorlovka) dans le quart sud-est.
.+ Mise à jour de la carte du secteur sud du front de l’Est en date du 6 mai
Partie ouest
– Prise d’un village en direction de Zaporozhye,
– Orekhov et Gulyaipole se trouvent à proximité immédiate de la ligne de front.
La partie Est voit une progression et la prise d’un village
Sur Marioupol/Azovstal, les forces russes prennent le contrôle de la moitié du littoral
Difficultés du côté ukrainien
+ Des hommes de la 79è brigade de l’armée ukrainienne ont diffusé une vidéo dans laquelle ils se plaignent d’avoir été abandonné par le commandement et réclament qu’on leur livre le matériel annoncé si l’on veut qu’ils continuent à se battre.
Que faut-il en penser? Renvoyons à une analyse très intéressante sur le site “Russtrat”, qui fait un effort d’objectivité:
“Étant donné que les sociétés ukrainienne et russe ont désormais leur propre “réalité informationnelle”, il est absurde de citer de nombreux exemples tirés des médias russes où des soldats des forces armées ukrainiennes capturés maudissent leurs commandants qui les ont jetés dans le “hachoir à viande” dans des positions non préparées. Seules des sources ukrainiennes devront être utilisées pour décrire les processus internes à l’Ukraine.
Beaucoup de gens peuvent douter de la fiabilité de ces sources, mais (…) même certains canaux Telegram ukrainiens anonymes diffusent des informations très fiables provenant des dirigeants ukrainiens. Par exemple, le 10 avril, l’un de ces canaux TG a signalé que l’Ukraine, à l’aide de Bayraktars, allait détruire un navire russe situé en mer Noire, et le 14 avril, le croiseur russe “Moskva” a été endommagé et a coulé.
La même chaîne Telegram fournit un lien vers une vidéo où des combattants ukrainiens accusent les dirigeants ukrainiens d’avoir volé des fonds budgétaires pendant la guerre et menacent sans équivoque de “briser” le gouvernement actuel. Les exemples de détournement d’argent par des personnes proches des autorités de Kiev sont trop évidents. Kirill Timochenko, chef adjoint du bureau du président ukrainien Vladimir Zelensky, est occupé à organisee actuellement des réparations de nids-de-poule dans la région de Kharkov, une zone où des combats ont lieu et où les dépenses sont difficiles à contrôler.
Cependant, le gâchis financier en Ukraine est beaucoup plus critique, à en juger par la vidéo où l’un des soldats des FAU de la 95e brigade déclare qu’ils ne reçoivent pas de salaire et que les volontaires donnent de l’argent pour l’entretien des véhicules de combat. Selon les rumeurs, après cet appel, de l’argent a été alloué à la 95e brigade et 100 000 hryvnias, promis par Zelensky à tous les militaires, ont même été versés de manière démonstrative, mais il n’y a pas eu de tels paiements dans les autres unités.
De manière générale, le nombre de messages vidéo de soldats des forces armées ukrainiennes se plaignant de ce qui se passe, tant à l’arrière qu’au front, a récemment augmenté de manière spectaculaire. Ainsi, le 28 avril, un détachement de parachutistes de la 79e brigade a enregistré un message vidéo dans lequel ils disent que le commandement les a envoyés effectuer une mission de combat dans le Donbass, mais qu’ils n’ont même pas eu le temps de se retrancher, car ils ont été touchés par l’artillerie russe.
Les commandants ont fui, et ils se sont retrouvés sans aucun soutien “avec des mitrailleuses contre des chars”. Ayant perdu 70% de leurs effectifs, ces soldats ont quitté leur position à l’arrière, dans la région de Yampol. On veut maintenant leur faire porter la responsabilité pénale pour désertion. Les parachutistes demandent à être emmenés à Nikolaev, car ils pensent que les dirigeants veulent “les achever pour que les gens ne sachent pas la vérité”. Selon l’armée ukrainienne, ce ne sont pas des déserteurs, ils acceptent de continuer à se battre, mais pas dans la 79e brigade, où les officiers fuient le champ de bataille dans des véhicules, laissant les blessés derrière eux.
Le 29 avril, des vidéos sont apparues montrant comment les soldats de la 93e brigade des FAU, selon eux, ont été vaincus et sont sortis de l’encerclement. Le même jour, un appel a été publié, signé par 19 soldats, déclarant que le personnel militaire de la 3e compagnie mécanisée du 1er bataillon mécanisé de la 93e brigade refuse d’effectuer un service militaire supplémentaire en raison de l’absence de commandement adéquat, de l’évacuation des blessés et de la perte de la capacité de combat de l’unité (60 % du personnel).
Le conseiller du président ukrainien Aleksey Arestovich a commenté de manière très caractéristique le message vidéo des soldats de la 79e brigade, en disant qu’il s’agit d’une opération d’information et psychologique des militaires russes, qui ont forcé les soldats capturés des forces armées ukrainiennes à calomnier leur commandement. Arestovich a également déclaré qu’il avait déjà été approché au sujet de ces vidéos par des leaders d’opinion ukrainiens, et il leur a expliqué que les forces militaires russes forcent les soldats capturés des forces armées ukrainiennes à envoyer des vidéos provocantes à leurs proches afin d’augmenter la vague de mécontentement public en Ukraine.
Cependant, même à en juger par la vidéo des soldats de la 79e brigade, il est clair qu’ils ne sont pas en captivité. L’endroit où ils se trouvent n’est limité par rien, et certains d’entre eux communiquent librement par téléphone portable pendant l’enregistrement de la vidéo, ce qui serait certainement saisi si ces militaires étaient en captivité.
Dans une autre interview, Arestovich a été forcé d’admettre que la tension affecte les forces armées ukrainiennes et que les soldats commencent à “bombarder les proches de messages disant que tout est perdu”, et que la partie russe intensifie cette situation pour que l’Ukraine “s’effondre psychologiquement”. Cependant, selon Arestovich, en termes de résilience psychologique, il faut prendre exemple sur les “défenseurs de Mariupol”, qui continuent prétendument à détruire l’ennemi.
Pourtant, les “défenseurs de Marioupol” du régiment “Azov” sont choqués par la façon dont les dirigeants ukrainiens les traitent aujourd’hui et promettent de “frapper le visage” d’Arestovitch pour toutes les absurdités qu’il diffuse.
Bien sûr, la situation autour de l’encerclement des forces armées ukrainiennes sur le territoire de l’usine “Azovstal” est devenue très difficile pour les dirigeants ukrainiens, et la vidéo avec des images de blessés pourrissant vivants dans les souterrains ne remonte en rien le moral de la société ukrainienne” [Note CdS – Attention, les images de cette dernière vidéo peuvent choquer]
+ Dans l’Ukraine sous l’autorité du pouvoir kiévien, les carburants atteignent désormais un prix occidental.
La reconstitution de la Nouvelle Russie
+ Le président de la République populaire de Donetsk a nommé un ambassadeur en Russie.
+ La Russie aurait déjà versé pour 81 millions de roubles de retraite à des anciens fonctionnaires dans les régions qu’elle contrôle en Ukraine.
+ Le Secrétaire Général de Russie Unie, M. Tourtchak, s’est rendu à Kherson en compagnie du président de la République populaire de Donetsk, Denis Pouchiline. Il a affirmé que la Russie était “pour toujours” à Kherson.
Il fait de moins en moins de doute que la Russie est en train de reconstituer, pour assurer sa sécurité géopolitique, la “Nouvelle Russie” historique.
L’Europe-puissance se fait attendre
+ Le journal Die Welt rapporte que les chars allemands Gepard ne peuvent pas encore être livrés à l’Ukraine parce qu’il n’y a pas asser de munitions disponibles. Ce n’est pas aux Etats-Unis que cela arriverait! Le porte-parole du département d’Etat américain a assuré que les ressources américaines pour livrer des armes à l’Ukraine étaient inépuisables.
+ Le Ministre autrichien de l’Economie déclare que ni l’Allemagne ni son pays ne résisteraient économiquement à un embargo sur le gaz russe.
+ Les prix du pétrole ont recommencé à grimper depuis que la Commission Européenne annonce la fin d’achat de pétrole russe à partir de la fin 2022
+ Viktor Orban a fait savoir que son pays refusait les sanctions envisagées contre des dignitaires de l’Eglise orthodoxe russe, à commencer par le Patriarche Cyrille.
“L’Ouest et le reste”
La carte ci-dessus distingue:
- les pays en bleu marine qui ont condamné le déclenchement d’une guerre en Ukraine et sanctionné la Russie
- les pays en bleu clair qui ont condamné mais non sanctionné.
- les pays de couleur ocre qui ne sanctionnent pas et restent neutres.
- les pays en rouge qui soutiennent la Russie.
+ Le G7 a l’intention de discuter de nouvelles sanctions contre la Russie dimanche 8 mai, jour anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie. On aurait pu imaginer que les 8 et 9 mai, il y ait une trêve ! Mais cela aurait existé dans le monde d’avant 1989, quand l’Ouest, que l’on pouvait encore appeler “le monde libre”, respectait son adversaire. Et quand l’Occident, Etats-Unis en tête, avait non seulement une stratégie mais aussi la mémoire de la Seconde Guerre mondiale.
Ajoutons que Zelenski sera connecté à la visio-conférence: là on passe du mauvais goût à l’insulte pour la Russie puisque le gouvernement kiévien d’aujourd’hui s’appuie en partie sur des milices où l’on entretient le culte du nazisme: Azov, Aïdar, Voie droite etc….
+ Le Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres souligne que l’approvisionnement alimentaire du monde est mis à danger par la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Et il appelle implicitement à une négociation rapide en soulignant qu’il faut permettre à l’Ukraine de reprendre son activité agricole et reprendre les livraisons d’engrais russes.
+ Le président mexicain a fait remarquer que les Etats-Unis n’ont accordé aucune aide depuis quatre ans à leurs voisins d’Amérique Centrale mais qu’ils n’ont aucun problèmes à débloquer 30 milliards pour l’Ukraine. Il en a profité pour rappeler que son pays ne se mêlait pas aux sanctions.
+ Un article dans Foreign policy prend acte de ce que la plus grande partie du monde ne soutient pas les sanctions occidentales contre la Russie. Un bon instantané de la situation:
“Le président Joe Biden a déclaré que l’Occident ferait en sorte que Poutine devienne un ” paria sur la scène internationale ” – mais pour une grande partie du monde, Poutine n’est pas un paria. Au cours de la dernière décennie, la Russie a cultivé des liens avec des pays du Moyen-Orient, d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique, des régions dont elle s’était retirée après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991. Et le Kremlin courtise assidûment la Chine depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Lorsque l’Occident a cherché à isoler la Russie, Pékin est intervenu pour soutenir Moscou, notamment en signant l’accord massif sur le gazoduc “Power of Siberia”.
Les Nations unies ont voté trois fois depuis le début de la guerre : deux fois pour condamner l’invasion de la Russie et une fois pour la suspendre du Conseil des droits de l’homme. Ces résolutions ont été adoptées. Mais si l’on fait le compte des populations des pays qui se sont abstenus ou ont voté contre les résolutions, cela représente plus de la moitié de la population mondiale.
- La Chine: S’il n’avait pas su que la Chine soutiendrait la Russie dans toutes ses actions, Poutine n’aurait pas envahi l’Ukraine. La déclaration conjointe russo-chinoise du 4 février, signée lors de la visite de Poutine à Pékin au début des Jeux olympiques d’hiver, vante leur partenariat “sans limites” et leur engagement à repousser l’hégémonie occidentale. (…) [L]a Chine soutient la Russie depuis le début de l’invasion. Pékin s’est abstenu lors des votes de l’ONU condamnant la Russie et a voté contre la résolution visant à suspendre le pays du Conseil des droits de l’homme. Les médias chinois reprennent, avec une certaine fidélité, la propagande russe sur la “dénazification” et la démilitarisation de l’Ukraine et rendent les États-Unis et l’OTAN responsables de la guerre. Ils se sont demandé si le massacre de Boutcha avait été perpétré par des troupes russes et ont réclamé une enquête indépendante. Mais il y a une certaine équivoque dans la position chinoise. Ils ont également appelé à la fin des hostilités et ont répété qu’ils croyaient en l’intégrité territoriale et la souveraineté de tous les États, y compris l’Ukraine. La Chine a été le premier partenaire commercial de l’Ukraine, et l’Ukraine fait partie du projet “Belt and Road”. Pékin ne peut donc pas se réjouir de la dévastation économique que connaît le pays. Néanmoins, Xi a choisi de s’allier à son homologue autocrate Poutine, et ils partagent de profonds griefs contre un ordre mondial dominé par les États-Unis qui, selon eux, a négligé leurs intérêts. Ils sont déterminés à créer un ordre mondial post-occidental, même s’ils ne s’entendent pas sur la forme que devrait prendre cet ordre. (…) Les principales institutions financières chinoises se sont pourtant conformées jusqu’à présent aux sanctions occidentales. Après tout, l’enjeu économique de la Chine dans ses relations avec l’Europe et les États-Unis est bien plus important qu’avec la Russie. En outre, étant donné l’ampleur des sanctions occidentales contre la Russie, Pékin doit se demander quelle pourrait être la réaction de l’Occident s’il envahissait Taïwan. Les Chinois étudient sans doute attentivement les sanctions. (…)
- L’Inde, la plus grande démocratie du monde, est un partenaire des États-Unis dans le dialogue de sécurité quadrilatéral, ou Quad, avec le Japon et l’Australie. L’Inde s’est pourtant abstenue sur les trois résolutions de l’ONU et a refusé de sanctionner la Russie. Le Premier ministre indien Narendra Modi a qualifié de “très préoccupantes” les informations faisant état d’atrocités commises contre des civils à Boutcha, et l’ambassadeur de l’Inde auprès des Nations unies a déclaré que son pays “condamnait sans équivoque ces meurtres et soutenait l’appel à une enquête indépendante”, mais ni Modi ni l’ambassadeur des Nations unies n’ont accusé la Russie d’en être responsable. Le ministre indien des affaires étrangères, S. Jaishankar, a déclaré que la Russie était un “partenaire très important dans de nombreux domaines”, et l’Inde continue d’acheter des armes et du pétrole russes. En effet, l’Inde obtient les deux tiers de ses armes de la Russie et est le premier client d’armes de Moscou. La sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland a admis que cette situation s’explique en partie par la réticence de Washington à fournir davantage d’armes à l’Inde, leader du monde non-aligné pendant la guerre froide. Les États-Unis envisagent désormais de renforcer leur coopération en matière de défense avec l’Inde. Modi a plusieurs raisons de refuser de condamner la Russie. Le facteur Chine est essentiel. L’Inde considère la Russie comme un important contrepoids à la Chine, et la Russie a agi pour désamorcer les tensions entre l’Inde et la Chine après leurs affrontements frontaliers en 2020. En outre, la tradition indienne de neutralité et de scepticisme à l’égard des États-Unis pendant la guerre froide a suscité une sympathie publique considérable pour la Russie en Inde. À l’avenir, l’Inde devra trouver un équilibre entre sa relation traditionnelle avec la Russie en matière de sécurité et son nouveau partenariat stratégique avec les États-Unis au sein de la Quadrilatérale. (…)
- Le Moyen-Orient: L’une des principales réussites de Poutine en matière de politique étrangère au cours de la dernière décennie a été le retour de la Russie au Moyen-Orient, en rétablissant des liens avec des pays dont la Russie post-soviétique s’était retirée et en en établissant de nouveaux avec des pays qui n’avaient aucun lien avec l’Union soviétique. La Russie est désormais la seule grande puissance qui parle à tous les pays de la région – y compris les pays sunnites comme l’Arabie saoudite, les pays chiites comme l’Iran et la Syrie, et Israël – et qui entretient des liens avec tous les groupes de tous les côtés de chaque conflit. Cette culture des bonnes relations avec tous les pays du Moyen-Orient a été mise en évidence depuis le début de la guerre Russie-Ukraine. Bien que la plupart des pays arabes aient voté pour condamner l’invasion de la Russie lors du premier vote de l’ONU, les 22 membres de la Ligue arabe ne l’ont pas fait par la suite. De nombreux pays arabes se sont abstenus lors du vote suspendant la Russie du Conseil des droits de l’homme. De fidèles alliés des États-Unis, dont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et Israël, n’ont pas imposé de sanctions à la Russie. En effet, Poutine et le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman se sont entretenus deux fois depuis le début de la guerre. La position d’Israël est largement déterminée par le soutien de la Russie au régime de Bachar el-Assad en Syrie, où des forces russes et iraniennes sont présentes. Israël a négocié avec la Russie un accord de déconfliction qui lui permet de frapper des cibles iraniennes en Syrie. Israël craint que le fait de contrarier la Russie ne compromette sa capacité à défendre sa frontière nord. Il a envoyé un hôpital de campagne et d’autres aides humanitaires en Ukraine, mais pas d’armes. Le Premier ministre israélien Naftali Bennett a même brièvement fait office de médiateur entre la Russie et l’Ukraine, mais ses efforts se sont avérés infructueux. (…)
- L’Afrique: Le retour de la Russie en Afrique au cours des dernières années et le soutien que le Groupe Wagner, un groupe de mercenaires, apporte aux dirigeants assiégés de ce continent ont fait que ce dernier a largement refusé de condamner ou de sanctionner la Russie. La plupart des pays africains se sont abstenus lors du vote condamnant l’invasion de la Russie, et beaucoup ont voté contre la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme. L’Afrique du Sud, membre démocratique du groupe des économies émergentes BRICS, n’a pas critiqué la Russie. Pour de nombreux pays africains, la Russie est considérée comme l’héritière de l’Union soviétique, qui les a soutenus pendant leurs luttes anticoloniales. L’Union soviétique était l’un des principaux soutiens du Congrès national africain à l’époque de l’apartheid, et les dirigeants actuels de l’Afrique du Sud éprouvent de la gratitude envers la Russie. Comme au Moyen-Orient, l’hostilité envers les États-Unis joue également un rôle dans l’influence des opinions africaines sur l’invasion. (…)
- Amérique latine: Même dans l’arrière-cour des États-Unis, la Russie a ses pom-pom girls. Cuba, le Venezuela et le Nicaragua ont soutenu Moscou – comme prévu – mais d’autres ont également refusé de condamner l’invasion. Le Brésil, membre des BRICS, a adopté une position d'”impartialité”, et le président Jair Bolsonaro a rendu visite à Poutine à Moscou peu avant l’invasion et s’est déclaré “solidaire de la Russie”. Le Brésil reste très dépendant des importations d’engrais russes. Plus inquiétant, le Mexique a refusé de présenter un front commun nord-américain avec les États-Unis et le Canada et de condamner l’invasion. Le parti Morena du président Andrés Manuel López Obrador a même lancé un caucus d’amitié Mexique-Russie à la chambre basse du Congrès du pays en mars, invitant l’ambassadeur russe à s’adresser au caucus. L’antiaméricanisme traditionnel de la gauche des années 1970 peut expliquer en grande partie cette adhésion à la Russie, qui lui offre de nouvelles possibilités de semer la discorde en Occident. (…)“
Une très longue analyse, donc – et encore, nous avons abrégé – qui trahit certainement le désarroi d’une partie du monde dirigeant américain.
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