04 mai 2022

L’Ukraine vue depuis le Deep State américain

François Martin, qui nous avait évoqué la question de la vision poutinienne de l'Ukraine, retourne aujourd'hui la situation et se propose de reconstituer l'étrange puzzle de l'Ukraine, telle que Joe Biden peut la percevoir à travers les yeux du lobby militaro-industriel américain, le Deep State, qui fait le siège de son bureau et semble occuper désormais une place essentielle dans le dispositif de décision.

L’Ukraine est une mine d’or. Charbon, acier, métaux, hydrocarbures, blé y abondent. Pour cette raison, comme le montre excellemment l’historienne Annie Lacroix-Riz, ce pays richissime a toujours été convoité par ses puissants voisins depuis le XIXe siècle, d’abord par le IIe Reich allemand, puis par la Pologne1, et enfin par le IIIe Reich. On le sait, Staline s’est largement appuyé sur l’Ukraine, avec l’Holodomor notamment, pour financer dès 1932 son effort de guerre. C’est dans cette lignée-là qu’il faut comprendre à la fois l’appétence des nationalistes ukrainiens de l’Ouest pour le nazisme, leur haine inextinguible des Russes (bolcheviks ou non) qui leur ont repris l’ensemble du territoire à la faveur de la IIe guerre mondiale, et leur envie récente de dérussifier définitivement le pays.

Les visées américaines et les étapes de leur processus d’annexion de l’Ukraine

Annie Lacroix-Riz montre aussi que les visées des Américains s’inscrivent, à partir de 1945, dans la suite de celles de l’Allemagne. Ils reconstruisent la RFA de toutes pièces et la conçoivent, très naturellement, comme le bastion d’une guerre future contre l’ennemi soviétique. Pour cela, ils y intègrent de nombreux anciens nazis, dont ceux dédiés à l’espionnage de l’Est, sous le commandement de Reinhard Gehlen. Ils appuient également l’Ukrainien Bandera. L’envie des USA d’abattre l’URSS se confond naturellement avec la tentative de récupération des richesses de l’Ukraine. Bien que certains prétendent qu’ils ne s’intéressent guère à ce pays avant 2014, ceci est totalement faux. Leur effort pour sa conquête n’est ni récent, ni illogique, et l’on peut concevoir « Le grand échiquier », selon ce qu’en disent certains analystes russes, comme un simple habillage de ce « tropisme », un tropisme très compréhensible pour un pays vainqueur dès 1945, et plus encore à partir de 1991.

Dans cette droite ligne, on peut considérer que tous les événements qui ont été vécus par la Russie depuis 1991, et par Poutine en particulier depuis 1999 (date de son accession au pouvoir) comme un processus d’agression2, sont vus du côté américain comme les étapes successives d’une annexion légitime, patiente et méthodique. Celle-ci est d’abord annoncée avec la guerre au Kosovo de 1999, qui consacre les USA comme le seul décideur et gendarme militaire de cette partie du monde. Elle est ensuite explicitée on ne peut plus clairement lors du sommet de l’OTAN de Bucarest en 2008, où l’objectif d’intégration à terme de la Géorgie et de l’Ukraine dans l’organisation est annoncé. Dans la foulée et très logiquement, le président géorgien Saakashvili lance en août 2008 sa provocation contre l’Ossétie du sud, attaque contrée immédiatement par les Russes. Pourquoi, à ce moment, l’OTAN n’intervient-elle pas pour le protéger et ainsi, à la fois, assurer sa propre suprématie, accélérer son calendrier et, par la même occasion « donner une bonne leçon » au leader russe ? Sans doute a-t-elle manqué à ce moment précis de détermination. Dans cette stratégie d’avancée vers l’Est, c’est très clairement une erreur.

En Ukraine, les USA ont préféré la « manière douce » de l’argent et de la subversion3, avec la destitution du gouvernement de Ianoukovitch en février 2014. Mais là aussi, ils auraient pu prendre prétexte de la résistance du Donbass et de la Crimée, à la suite de ce coup de force, pour engager résolument l’OTAN afin de « rétablir l’ordre » et d’assurer « le triomphe de la liberté ». Une fois encore, ils n’ont pas osé le faire, pensant sans doute que la différence de puissance avec la Russie était telle que le temps et l’argent leur donneraient raison sans qu’ils aient à risquer l’option militaire.

Et, de fait, les huit années qui ont suivi ont vu la poursuite très régulière de cette politique. Rien n’a manqué pour « coloniser » ce pays avant de l’intégrer :

  • d’abord, la violence de la « révolution », où ils cassent par la sédition l’accord pourtant obtenu la veille même avec les manifestants, sous l’égide de l’Allemagne, de la France et de la Pologne ;
  • l’imposition par Victoria Nuland elle-même, dans le gouvernement de transition, de plusieurs Ukronazis, dont le ministre de la Défense4;
  • la décision de supprimer le russe comme langue officielle5;
  • le choix de s’appuyer sur des oligarques corrompus, jusqu’à se rendre compte qu’ils ne parvenaient pas à les « tenir », et celui ensuite Zelensky, une « marionnette » selon eux plus facile à manier ;
  • la formation exclusive des Ukronazis6, utilisés comme cadres de l’armée et instruments privilégiés du contrôle social ;
  • le choix de militariser le pays à l’extrême, formation et livraison d’armes étant assurées par l’Otan à travers le partenariat entre l’Ukraine et l’Otan (PPP), et les bases otaniennes comme celle de Yavoriv, récemment détruite par les Russes ;
  • la présence de 30 laboratoires de guerre bactériologique7;
  • les pressions continues sur l’Onu, tant pour négliger le processus de Minsk que pour « oublier » le martyre des populations du Donbass, ou pour bloquer les tentatives russes de faire interdire l’apologie du nazisme dans le monde8.

Tout cela coûte évidemment des sommes énormes9, et Victoria Nuland a fait remarquer, lors d’un sommet à Kiev, qu’elle aimerait bien qu’à un moment, cela rapporte…

Il y a donc, dans ce processus de « colonisation » de l’Ukraine par les USA, deux composantes :

  • L’une est purement affairiste, emmenée par les oligarques du lobby militaro-industriel américain, des néo-conservateurs avides de mettre la main sur les richesses du pays, richesses situées, jusqu’à ce que le territoire soit entièrement reconquis, à l’Est.
  • L’autre est plus idéologique, portée par le camp démocrate progressiste, qui considère qu’une fois l’Europe de l’Ouest suffisamment acquise à ses thèses et dominée, il est inconcevable que résiste encore le « camp » de la chrétienté orientale conservatrice incarnée par la Russie10. L’assujettissement de l’Ukraine doit être, selon eux, l’une des étapes de cette guerre, à obtenir en premier lieu par la « dérussification». Celle-ci sera menée sans faiblir, et les Ukro-nazis en seront l’instrument principal.

C’est à la résistance exceptionnelle des habitants du Donbass, et aussi au fait que les USA étaient accaparés, jusqu’à l’été 2021, par leurs opérations en Afghanistan, en Irak et en Syrie11, qu’il faut attribuer le fait que les deux « républiques auto-proclamées » n’aient pas fait l’objet d’un coup de force de la part des autorités ukrainiennes, qui ont pourtant maintenu près de 100 000 soldats sur la ligne de contact pendant ces huit années12, au mépris des accords de Minsk. Sans doute la formation continue, pendant toute cette période, des 100 000 Ukronazis actuels avait-elle pour fonction principale de préparer cette invasion.

Il n’est guère étonnant, par rapport à cela, que les choses se soient envenimées à partir de l’automne 2021, sous la présidence de Biden. D’abord, politiquement, il est clair que Biden n’est pas capable physiquement et intellectuellement de résister à ses lobbies. Ensuite, militairement, après le retrait de Kaboul, « la voie était libre » pour une « nouvelle aventure ». Celle-ci a été préparée par l’ordre signé par Zelensky en 2021 d’enclencher l’opération militaire contre le Donbass (mais la date précise n’était pas fixée), puis par sa déclaration demandant à devenir une puissance nucléaire, enfin par l’intense campagne médiatique que l’on sait.

À partir de ce moment-là, les choses étaient « pliées », même si tactiquement, les analystes ont été étonnés de la manœuvre russe, qui a consisté à contourner l’armée ukrainienne par le Nord et par le Sud, plutôt qu’à travers le Donbass. Jusque-là, le « piège » américain a parfaitement fonctionné, conformément à la doctrine fixée dès 2014, consistant à pousser les Russes à l’intervention armée13.

La surenchère économique et militaire américaine

On connaît les événements récents, mais il faut expliquer, à la lumière de ce qui précède, l’attitude « maximaliste » américaine. On peut en effet penser qu’ils auraient pu, après les premiers succès russes – qu’ils ont lus, à tort ou à raison, comme peu concluants –, chercher une solution politique, selon le schéma classique cessez-le-feu/interventions humanitaires/négociation. Au lieu de cela, ils sont clairement, et de plus en plus, dans la surenchère. Pourquoi ?

D’abord, les USA sont la première puissance du monde, et ils n’ont pas l’habitude qu’on leur résiste. Ils ont probablement sous-estimé leur adversaire, qu’ils ont un peu trop pris, économiquement, pour la Grèce, pensant que le premier train de sanctions, et particulièrement l’exclusion du système swift, allait mettre rapidement ce pays à genoux. Ils ont oublié que la Russie est l’un des plus grands exportateurs de matières premières au monde, dont de nombreux pays dépendent, y compris eux-mêmes et l’Europe. L’Amérique a bien tiré les leçons des mesures prises contre elle en 2014, et patiemment tissé sa toile à l’Est, pour y ouvrir des voies commerciales alternatives. Le bannissement de swift, présenté – y compris par Bruno Le Maire –comme la « bombe atomique financière » définitive, a fait long feu. De plus, très peu de pays du monde ont finalement suivi les sanctions, le rouble a retrouvé son niveau d’avant la guerre, les Européens se rendent compte de plus en plus qu’ils sont pris au piège, et les Américains eux-mêmes, s’ils obligent l’Europe à voter toujours plus de sanctions, ne les appliquent pas pour ce qui les concerne…. Le volet économico-diplomatique n’a donc pas fonctionné. Et, pire, il isole plutôt les USA et les Européens du reste du monde. Cette stratégie est donc un échec.

L’autre volet, le militaire, est encore plus compliqué à mettre en œuvre. Les Russes ont le monopole de l’action sur le terrain ; l’armée ukrainienne, pourtant formée à si grands frais, si elle est capable de résister surtout en se terrant dans les villes – où elle se sert des populations comme bouclier – n’a jamais vraiment su manœuvrer, ni livrer des contre-attaques sérieuses. Bloquée aujourd’hui sur la ligne de contact dans la tenaille russe, sans munitions et sans essence, elle tombera tôt ou tard. De même, la reddition des derniers soldats de Marioupol n’est qu’une question de temps. Lorsque ces objectifs seront atteints, avec sans doute les derniers combats dans les deux villes stratégiques de Kramatorsk et d’Odessa, l’armée russe n’aura plus d’adversaires.

Les Américains, si habitués à imposer leur loi au monde entier, doivent sans doute en ressentir une intense blessure d’amour-propre14, qui les pousse d’autant plus à la surenchère que celle-ci correspond déjà à la stratégie initialement arrêtée et expliquée dès le début de la guerre par Joe Biden lui-même : la « vietnamisation » du conflit. Il faut dire que ceci, couplé avec une économie russe en train de s’effondrer, aurait peut-être été efficace. Aujourd’hui, ce n’est pas du tout le cas, car la durée ne dessert visiblement pas les Russes qui ne sont pas isolés et – ô paradoxe ! – n’ont jamais aussi bien vendu leurs produits…

De plus, les Américains ont peut-être fait une erreur d’appréciation. En effet, si pressés de faire subir aux Russes les affres des armées d’occupation comme au Vietnam ou en Afghanistan, ils ont oublié que, pour acheminer des armes à des résistants, il faut tout d’abord qu’ils ne soient pas dispersés15, mais surtout que la chaîne logistique puisse être masquée soit par la jungle, soit par des montagnes. Ici, les armes à destination des Ukrainiens doivent être acheminées à travers 1 500 km de grandes plaines, où elles sont visibles de partout et très faciles à détruire. Si, sans doute, un certain nombre d’armes légères, comme les Stinger ou les Javelin16, ont pu parvenir aux Ukrainiens, cela n’est certainement pas suffisant pour contrer un adversaire qui a le quasi-monopole de l’aviation et de l’artillerie. La vietnamisation tant espérée par Joe Biden ne donne pas, jusqu’ici du moins, les résultats espérés.

Quelle solution possible ?

Que reste-t-il comme solution ? À l’américaine, la surenchère de la surenchère… Ainsi, les Américains viennent de voter un budget de guerre gigantesque de 33 milliards de USD. C’est la preuve, s’il en fallait une, que cette guerre n’est pas russo-ukrainienne, mais russo-américaine sur le sol ukrainien. C’est en plus, un peu, la dernière chance américaine17.

En effet, l’énormité de l’effort, s’il ne peut se traduire par des actions pratiques et résolues sur le terrain, ne représente pas vraiment une menace. Pour que ce soit le cas, il faut d’abord que des soldats soient formés pour ce service. On peut penser que, vu les contraintes de temps et les défaites en vue, ce sera de moins en moins possible, parce qu’il n’y a déjà plus assez de soldats ukrainiens disponibles. Du coup, les Américains et leurs alliés vont devoir utiliser de plus en plus des mercenaires, ou bien des soldats d’active mis en dispense et contractés par des sociétés privées. C’est en fait déjà le cas, en particulier à Marioupol18.

Mais, dans ce cas, les Américains pourront-ils continuer à maintenir la fiction d’une guerre russo-ukrainienne ? Pourront-ils éviter l’accusation de cobelligérance et celle de contribuer de plus en plus au martyre de la population civile ? Notre acharnement risque fort de se retourner contre nous. Déjà, nos justifications initiales ne tiennent plus, et l’on peut penser que ce sera de moins en moins le cas lorsque les pénuries et l’inflation nous frapperont chaque jour un peu plus. La stratégie médiatique, si bien entamée, risque bien, elle aussi, de faire long feu.

Parviendrons-nous, par ailleurs, à acheminer tout ce matériel, alors que les Russes, après les avoir laissées ouvertes pour permettre aux populations de fuir, détruisent maintenant méthodiquement toutes les routes et voies de chemin de fer qui relient le pays à l’Est ? Rien n’est moins sûr. À y bien réfléchir, le vote de ce budget pharamineux s’apparente à la manœuvre désespérée d’un joueur de poker qui fait « tapis » parce qu’il ne sait plus trop quoi faire…

Vers une internationalisation du conflit ?

Il reste encore un élément fort important. L’objectif américain sous-jacent, à travers la diabolisation permanente de Poutine, la mise en scène de la cruauté russe, les charniers, les morts civils et la communication de Zelensky, est très clair : préparer les opinions occidentales à l’internalisation du conflit, pour justifier une possible entrée directe de l’Otan dans la guerre. Ceci n’est pas non plus facile. En effet, bien que les populations aient été copieusement « travaillées » depuis des mois, c’est une tout autre affaire de leur faire accepter que leurs fils aillent se faire tuer pour un conflit extérieur. D’autant que, selon le mode de fonctionnement américain habituel, cette intervention devrait être précédée d’un bombardement intense. Si celui-ci avait été possible en Irak (où il a fait, rappelons-le, près de 100 000 morts civils dès les premiers jours), ce n’est pas applicable en Ukraine, où il ne s’agit pas de « punir » les populations comme en Serbie, mais supposément de les sauver. De plus, les Américains ne disposent pas de l’accès à la mer19 qui leur permettrait de déployer leur artillerie et leur aviation, ni non plus la maîtrise du ciel. Si cette intervention devait avoir lieu, comment se ferait-elle ? Mystère… Certainement pas à partir de la Pologne, qui deviendrait immédiatement le nouveau théâtre des opérations, avec toutes les conséquences.

Et, de toute façon, Poutine s’est déjà préparé. D’une part, le calibrage de son corps expéditionnaire, avec seulement 150 000 hommes au départ, prouve qu’il n’avait pas l’intention d’occuper le pays. S’il l’avait voulu, il y aurait mis 500 000 hommes, après un bombardement bien plus intense. Ce n’est pas ce qu’il a fait. Il ne veut pas administrer le pays contre une population hostile, mais le rerussifier, en tout cas pour la partie orientale, celle qui l’intéresse. Pour cela, il a besoin du concours des populations. Pour cette raison, dès que les régions sont reconquises et débarrassées des cadres politico-militaires ukronazis, on voit qu’elles sont « remises en ordre », nettoyées, qu’on y apporte de l’eau et des vivres, que le rouble y circule, qu’une administration locale est nommée, afin que la vie redevienne le plus vite possible« normale ». Le « petit calibrage » de son corps d’armée20 est pour Poutine la meilleure garantie du fait que l’armée ne deviendra pas prépondérante sur la population, et donc qu’il ne sera pas « vietnamisé21 ».

De plus, les Américains ont commis une grosse erreur, dont on ne parle guère. Comme on l’a dit, l’Ukraine est l’un des pays les plus riches qui soit. Or la population y est particulièrement pauvre (au point que des millions d’Ukrainiens ont quitté leur pays depuis vingt ans), alors que les oligarques y sont particulièrement riches. Depuis huit ans, les Américains ont versé des dizaines de milliards de dollars USD au pays, dont pas un n’est allé au développement de projets pour moderniser le pays et pour enrichir la population, mais tout à leur objectif de conquête politico-militaire. Comment pense-t-on que la population voit les choses ? Est-on si sûr que, au-delà de la propagande et des bourgeoisies apparentées aux oligarques qui ont profité du « système », le cœur du peuple ukrainien ait vraiment envie de rejoindre les Occidentaux ?

Par ailleurs, Poutine se garde bien aussi de répondre aux provocations visant à internationaliser le conflit. S’il menace les Occidentaux, à intervalles réguliers, du feu nucléaire au cas où les choses iraient aux extrêmes, afin de faire peur à nos populations et contrer la propagande « va-t-en-guerre » qui nous matraque, on constate que, dans la pratique, par rapport à la surenchère occidentale, il reste très froid, maîtrisé et « local ». Tant qu’il assure la destruction suffisante des chaînes d’acheminement du matériel occidental et le risque d’être débordé par celles-ci, il n’a pas de problème stratégique. Les petites attaques ukrainiennes en territoire russe n’ont pas beaucoup d’importance. Il doit concentrer ses efforts sur l’anéantissement de l’armée ukrainienne du Donbass, sur la conquête du Sud jusqu’à Odessa et la frontière moldave, où il fera la jonction avec la Transnistrie. Il n’en est plus très loin.

Vers la fin de l’hégémonie américaine ?

En conclusion, et si les choses se déroulent selon ce que l’on observe, l’issue ne fait pas de doute. Lorsqu’il n’y aura plus d’armée, les résistances ukrainiennes seront sporadiques. Les Russes, qui ont changé leurs buts de guerre, ont certainement l’intention de proposer aux autres provinces de l’Est, à l’instar des deux républiques du Donbass et de la Crimée, de proclamer leur indépendance, puis de rejoindre la Russie22. Zelensky aura le choix soit de rester et de devenir le président d’un État « croupion », amputé de sa partie riche, soit de partir et de devenir une sorte de « Greta » politique, jusqu’à ce qu’on l’oublie. De toute façon, il ne manquera de rien23

Pour les Américains, et surtout pour Biden, cette affaire risque de se terminer par un fiasco retentissant. D’une part, parce qu’elle est – et depuis longtemps – mal préparée. En effet, alors que cette guerre était prévisible et même voulue24, mis à part la formation des Ukronazis qui semble excellente, pour le reste, rien n’a vraiment fonctionné. À l’évidence, les Américains ont fait ce qu’il ne faut jamais faire : sous-estimer leur adversaire. D’autre part, parce que Biden comptait sur elle pour se « relancer » dans la perspective des élections de mi-mandat. Or c’est le contraire qui se produit. Trump ne manquera pas de lui « sonner les cloches » de toutes les façons possibles. Enfin, à cause des conséquences géopolitiques très importantes qui risquent de se produire :

  • La première concerne Taïwan. En effet, les Chinois observent ce qui se passe en Ukraine avec la plus grande attention. Nul doute qu’ils se demandent si les Américains ne sont pas, au bout du compte, un « tigre de papier », qui écrase sous les bombes les petits pays comme la Serbie, l’Irak, la Syrie, la Libye, mais qui « cale » devant un adversaire puissant et déterminé.
  • L’autre est la situation financière du monde. En étant juges et partie, à la fois les garants de l’universalité du dollar et les premiers à voler les réserves d’un autre État lorsque celui-ci leur déplaît, les USA ont enfoncé une ligne rouge, celle qu’ils avaient bien écornée avec l’extraterritorialité du droit américain. Aucun pays digne de ce nom ne peut vivre durablement avec une telle épée de Damoclès sur la tête. C’est la raison pour laquelle si peu de pays ont accepté de voter les sanctions contre la Russie, ce qui constitue pour les Américains un camouflet de première grandeur, insuffisamment étudié. Si demain, à la suite de cela, se met en place, sous l’égide des Russes, des Chinois et des Indiens, un système de paiement basé sur l’or et concurrent du système américain25, ils ne pourront plus utiliser le dollar-roi pour financer leur énorme budget militaire.

Cette guerre annonce peut-être la fin de l’hégémonie américaine…

François Martin

  • Parfois pour le compte de l’Allemagne. Par ailleurs, on se souvient qu’en février 1919, avant même la fin du Traité de Versailles, la Pologne tout juste réunifiée se jette sur Kiev. Elle fut battue dans une guerre à laquelle participa le jeune Charles de Gaulle. L’animosité polonaise pour les Soviétiques et son envie de reconquérir la partie Ouest de l’Ukraine ne sont donc pas récentes.
  • Voir : https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/04/15/v/.
  • Avec près de 8,5 milliards de USD dépensés tout de même, entre la préparation et la mise en œuvre de la Révolution du Maïdan (5 milliards) et la militarisation ultérieure (3,5 milliards). Ceci ne comprend pas les dépenses récentes consécutives à la crise.
  • Voir : https://solidariteetprogres.fr/actualites-001/ukraine-le-cabinet-des-horreurs-de-victoria.html.
  • C’est ce qui, avec la nomination des Ukronazis au gouvernement, a mis véritablement le feu aux poudres.
  • En effet, l’armée régulière ayant été battue facilement, en 2014 et 2015, lors de la tentative de conquête du Donbass, les Américains ne lui font plus confiance. Ils lui ont préféré les soldats de l’Ouest, héritiers de Bandera et souvent d’origine étrangère, pour « solidifier » celle-ci. Ils ont ainsi formé et équipé très sérieusement près de 100 000 soldats, soit environ un tiers de l’armée ukrainienne. Ce sont ceux-là qui se battent aujourd’hui, et non pas « la jeune nation ukrainienne » encensée par les médias.
  • Existence confirmée par Victoria Nuland. Soit plus de 10 % des 260 que comptent les Américains dans le monde.
  • Chaque année, les Russes proposent une résolution à l’ONU, demandant à celle-ci d’interdire la glorification du nazisme. Chaque année, deux pays s’y opposent, les USA et l’Ukraine. Et tous les pays européens s’abstiennent, y compris l’Allemagne…
  • Voir la note 3.
  • Voir la Smart Reading Press du 3 novembre 2021.
  • Et aussi, sans doute, grâce à la présidence de Trump, entre 2017 et 2021.
  • Ce dont la presse occidentale n’a jamais parlé…
  • Voir la Smart Reading Press du 25 février 2022 et la note n°4 : le premier gouvernement de transition post-Maïdan et ses objectifs.
  • Comme celle que leur a causée la guerre du Vietnam.
  • S’il y a de la résistance, celle des Ukronazis, il n’y a plus de commandement militaire ukrainien organisé.
  • Stinger : armes antiaériennes. Javelin : armes antichars.
  • Même les Américains eux-mêmes commencent à être critiques par rapport à cette stratégie.
  • D’où, sans doute, la gêne occidentale que l’on voit se manifester, avec la perspective de voir ces « faux Ukrainiens » (et vrais Otaniens) prisonniers des Russes et dévoilés au monde entier…
  • Le Bosphore est pour le moment, très opportunément, bloqué par les Turcs, même et surtout à la flotte de l’Otan. Un comble…
  • Qui ne représente que 7 % des forces russes.
  • Parce qu’une grosse armée serait tentée de « tirer dans le tas », toutes populations, civiles et militaires, confondues, pour « régler le problème ». Une petite armée est obligée de rester concentrée sur ses objectifs militaires, pour ne pas (trop…) se mettre la population à dos.
  • Il aura ainsi réglé une fois pour toutes, et à son profit, la question de la « tentation ukrainienne » qui hante les Occidentaux depuis le XIXe siècle.
  • On évalue sa fortune à 850 millions de USD. Pour un humoriste de TV, et en si peu de temps, ce n’est pas trop mal !
  • Certains intellectuels russes l’ont théorisée depuis dix ans.

http://www.politique-actu.com/dossier/strategie-derniere-guerre-mondiale-entretien-exceptionnel-avec-sergey-glazyev-mars-2022/1818837/

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