Suite aux sanctions imposées par l’Occident, les États-Unis n’isolent pas la Russie, mais isolent l’Occident (10 % de l’humanité) du reste du monde. Compte tenu de la crise financière internationale qui approche à grands pas, conséquence des politiques irresponsables de la FED et de la Banque centrale européenne menées depuis 2008, la mise à l’écart de la Russie vis-à-vis de l’Occident peut lui permettre d’ajuster sa politique et son économie quelques mois avant la tempête. En outre, ces sanctions ont donné lieu à une prise de conscience que le système économique mondial issu des accords de Bretton Woods, en 1944, arrivait à sa fin.
I – Endettement mondial et conséquences inflationnistes actuelles
Face aux bulles spéculatives mondiales et à des records d’endettement
rarement atteints, la Russie, avec un des plus faibles taux
d’endettement au niveau international, ne financera pas des économies
occidentales au bord du gouffre. Rappel des projections du FMI en termes
de dettes publiques :
L’endettement privé en Occident, et notamment aux États-Unis, n’est guère plus rassurant pour l’avenir de cette zone. Les conséquences inflationnistes qui font suite à la situation internationale et à la spéculation vont obliger la FED et la BCE à augmenter leurs taux d’intérêt, ainsi qu'à limiter leur politique de « quantitative easing » (approvisionnement massif en liquidités des marchés). Cette remontée des taux inexorable va accroître le coût de l’endettement. Les bulles financières mondiales, qui devaient un jour ou l’autre éclater, pourraient à cette occasion le faire et entraîner une grave crise financière internationale. Limiter les investissements et placements russes en Occident s’avérerait donc être un judicieux conseil.
II – Les sanctions : un prix fort à payer par l’Occident, qui n’en aura peut-être plus les moyens à court comme à long terme
1. Le gaz
Certes, les pays européens, de loin les premiers clients de la Russie, peuvent freiner leurs achats de gaz à la Russie, mais le prix des hydrocarbures risque de durablement s’envoler. Si bien que trouver des substituts à court terme sur le marché mondial s’annonce difficile, surtout dans une optique de respect de l’écologie. L’Union européenne, qui a importé un peu moins de 40 % de son gaz de Russie en 2021, serait la première pénalisée. La Russie pourrait compenser la baisse du volume des livraisons à l’Ouest par la meilleure valorisation de ses hydrocarbures exportés vers les autres pays. À ce titre, l’Allemagne n’envisage pas de se passer de gaz russe avant mi-2024. Un embargo européen immédiat sur le gaz russe pourrait coûter à l’Allemagne jusqu’à 5 % de son PIB cette année, selon une estimation de la banque centrale allemande, ce qui équivaudrait à un manque à gagner de 180 milliards d’euros pour la production nationale. Dans un tel scénario, l’inflation déjà galopante pourrait gagner 1,5 point en 2022 et 2 points en 2023.
2. Le pétrole
À première vue, se passer du pétrole de Russie semble plus facile que de renoncer au gaz. Le pétrole est principalement acheminé par navire. Rien n’empêche un tanker de changer de destination en fonction des ordres d’achat qu’il reçoit. Les exportations russes vers l’Europe se sont déjà effondrées, mais l’Asie a pris le relais.
3. Le diesel
Un examen approfondi de l’état de l’offre mondiale de carburant diesel est alarmant. Alors que la plupart de la population considère rarement le carburant diesel comme autre chose qu’un polluant, il est essentiel à l’ensemble de l’économie mondiale, comme peu de sources d’énergie le sont. Le directeur général de Fuels Europe a récemment déclaré : « Il existe un lien évident entre le diesel et le PIB, car presque tout ce qui entre et sort d’une usine utilise du diesel. » Avant l’opération spéciale en Ukraine, la Russie fournissait 60 à 70 % du diesel de l’Union européenne. En 2020, la Russie était le deuxième exportateur mondial de gazole, derrière les États-Unis. Au début de la crise ukrainienne, les stocks mondiaux étaient déjà à leur plus bas niveau depuis 2008. Aujourd’hui, le décor est planté pour une crise sans précédent du diesel, qui alimente la plupart des équipements agricoles, des machines d’exploitation minière lourdes, ou encore de nombreux véhicules dont les camions de livraison et les véhicules militaires…
Le diesel est également utilisé dans certaines centrales électriques et dans les équipements de construction. Entre janvier 2021 et janvier 2022, les prix du diesel dans l’Union européenne ont presque doublé, et ce avant même les sanctions liées à l’Ukraine. Le 27 mars, le PDG de Vitol, la plus grande société indépendante de négoce d’énergie du monde, dont le siège est à Rotterdam, a prévenu que le rationnement du diesel dans les mois à venir était de plus en plus probable. Il a fait remarquer que « l’Europe importe environ la moitié de son diesel de Russie et environ la moitié de son diesel du Moyen-Orient. Cette pénurie systémique de diesel est là. »
4. Les engrais
Selon la directrice de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, si l’exportation des engrais de Russie et de Biélorussie ne se rétablit pas rapidement, le monde devrait faire face à une crise alimentaire, la Russie étant le principal fournisseur mondial d’engrais.
5. Le blé
Même si le volume de la récolte 2022 s’annonce moindre que les années précédentes, la Russie est le premier exportateur mondial de blé. Les sanctions appliquées à la Russie font donc peser un risque majeur d’approvisionnement mondial en blé, notamment pour le continent africain, ce qui pourrait créer une grande vague d’émigration des populations africaines vers l’Europe.
6. Les terres rares et autres ressources stratégiques
La Russie est l’un des principaux fournisseurs de terres rares et détient officiellement 20 % des réserves mondiales connues. Mais cette estimation pourrait être revue assez fortement à la hausse grâce aux découvertes dans la région de Mourmansk ou la péninsule de Kola. La chasse aux substances stratégiques ne se limite pas aux seules terres rares. Les Îles Kouriles renferment non seulement un gisement de rhénium, métal rarissime utilisé dans divers domaines de la chimie, mais également d’autres éléments rares tels que le germanium, indium, hafnium... Ces gisements sont classés comme stratégiques, leur prospection est limitée et encadrée. La place de la Russie comme fournisseur de terres rares et métaux rares à destination des pays industrialisés n’est donc pas négligeable.
III – Substitution des produits occidentaux par des produits russes et nouveau système financier mondial : un pari gagnant
1. Substitution des produits occidentaux par des produits russes
Face aux sanctions, la Russie a vite réagi en remplaçant les produits sanctionnés par des produits locaux. À titre d’exemples, on peut citer Coca-Cola, qui sera remplacé par RuCola (boisson de Tchernogolovka), YouTube qui a bloqué les chaînes médiatiques russes RT et Sputnik devient en Russie Rutube, « Oncle Vanya » se substituera à McDo. Quant au moteur de recherche / messageries russes Yandex, il peut remplacer Google, et la suspension des activités d’IKEA est comblée par la société de meubles Hoff, qui coopère avec 400 entreprises dont 85 % sont russes. Pour d’autres produits, il faudra un peu plus de temps pour trouver des substituts, mais les enseignes qui ont quitté le marché russe auront un peu de mal à y retrouver leur place, d’autant plus si les sanctions venaient à durer.
2. Un nouveau système financier mondial
Le gel des avoirs russes en Occident et les menaces d’éventuelles confiscations de biens appartenant à la Russie, ou à ses concitoyens, montrent l’absence de fiabilité des banques et autres institutions américaines et européennes principalement. Les conséquences pour ces entités financières pourraient être énormes, avec une perte de crédibilité internationale et un retrait, ou au moins une chute à terme des dépôts et investissements de la communauté internationale dans ces institutions et pays respectifs.
Dans ce cadre, la communauté économique eurasiatique (Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan, Russie, Tadjikistan ainsi que l’Arménie pour certaines dispositions) et la Chine sont en train de créer un nouveau système financier mondial, qui devrait disposer d’une monnaie de référence dont le cours serait établi, entre autres, à partir d’un panier de monnaies des États membres fondateurs. Ce nouveau système a pour objectif de se substituer au système de Bretton Woods après, notamment, les sanctions illégales en droit international érigées contre la Russie suite à l’opération spéciale en Ukraine comme mentionné précédemment.
Des systèmes de paiements visant à contourner le réseau SWIFT sont également mises en place :
- La Russie sait depuis sept ans que les gouvernements occidentaux menacent de déconnecter les banques russes du réseau SWIFT (qui est une société de droit belge et qui se présente comme neutre et fiable entre autres). C’est pour cela qu’entre-temps, les Russes ont développé leur propre réseau, le SPFS, qui pourrait fusionner avec le réseau chinois CIPS.
- La Vnesheconombank (VEB) russe et la Banque centrale indienne ont mis en place également cette année une plate-forme internet pour remplacer le système SWIFT entre leurs banques nationales.
En conclusion, les structures russes ont quelques mois devant elles pour s’adapter avant la grande crise financière mondiale qui s’annonce, et devraient profiter des sanctions qui leur sont imposées pour se transformer et développer la production locale. Une fois mise en place, l’expérience russe pourrait aider d’autres pays à faire face aux effets négatifs de la conjoncture mondiale.
Sources principales : Réseau Voltaire (Thierry Meyssan), New Eastern Outlook (F.William Engdahl), Les Echos, Christian de Perthuis, La Tribune, AFP, Alexandra Latsa..
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