Une vidéo de Juan Branco (déjà diffusée en 2019 et "descendue en flammes" par les médias subventionnés à l'époque) raconte l'entrevue entre Emmanuel Macron et François Ruffin en 2016, c'est-à-dire pendant la campagne présidentielle, avec les salariés d'Ecopla, menacés de fermeture. Elle illustre un aspect méconnu de la gouvernance pratiquée par Emmanuel Macron : la mise en scène des oppositions, et la tentation de contrôler celle-ci pour les neutraliser. Avec la France Insoumise dans le rôle du marche-pied qui négocie ses contreparties.
En 2016, les salariés d’Ecopla, près de Grenoble, font appel à François Ruffin, alors connu comme directeur de la publication de Fakir et comme réalisateur du film Merci Patron ! pour défendre leur cause. Ruffin rêve de devenir député, et il emmène les salariés d’Ecopla au QG d’Emmanuel Macron, candidat à la présidence.
Une bande-son, diffusée par Radio-Nova en 2016, et reprise par Juan Branco, montre comment Ruffin et Macron préparent la mise en scène de leur affrontement sur ce dossier. Bien évidemment, ce petit jeu permet à Emmanuel Macron de se tailler une stature de sauveur, et à Ruffin de camper le rôle du révolutionnaire qui affronte le futur Président de la République.
C’est, comme on dit, un deal gagnant-gagnant.
Un deal contesté par la presse subventionnée
La presse subventionnée n’a pas hésité à contester la version des faits présentée par Juan Branco, et à expliquer que tout était normal dans cette affaire, puisque les salariés d’Ecopla étaient parfaitement informés de cette mise en scène.
Sous prétexte que les salariés d’Ecopla savaient, il serait donc normal qu’un candidat à la députation “deale” avec un candidat à l’Elysée une mise en scène médiatique pour donner le sentiment, au grand public, d’un antagonisme là où il y a une connivence.
Quoiqu’on en dise, il y a pourtant bien un problème : les divergences d’appréciation et d’opinion entre François Ruffin et Emmanuel Macron ont bien été concertées et orchestrées dans leur affichage pour leur donner un maximum de relief dans le débat public et pour maximiser l’impact de chaque candidat au moment des élections.
Ce qui est gênant dans ce deal
Ce qui pose problème ici, ce n’est pas tant l’accord qui est négocié entre Ruffin et Macron pour mettre en scène leurs différences de fond, que le jeu de rôle dans la publicité donnée à l’action publique de chacun. Ce jeu de rôle montre l’extrême sophistication de la communication politique, et la capacité des élus de tous bords à créer des trompe-l’oeil pour orienter les voix des électeurs.
Ainsi, on comprend rapidement que Macron fait son miel de l’opposition d’extrême gauche à sa politique, et que Ruffin fait son miel des positions “ultra-libérales” de son adversaire. Chacun s’organise avec l’autre pour que les profits qu’il retire de la confrontation soient maximisés.
De là à penser que la tentation existe, notamment et particulièrement chez Emmanuel Macron, d’organiser l’opposition à sa politique pour qu’elle lui profite, il n’y a qu’un pas que nous sommes très tentés de franchir : après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et puisque toute vie démocratique suppose une majorité et une opposition, mieux vaut, quand on incarne la majorité, organiser l’opposition pour être sûr de ne pas être débordé par elle.
La France Insoumise, meilleure ennemie de Macron
Sur ce point, on peut se demander dans quelle mesure les oppositions souvent “folkloriques” entre certains membres de la France Insoumise et la majorité macronienne n’ont pas été simulées, ou artificiellement mises en scène pour permettre des bénéfices mutuels.
On pense aux multiples sorties de François Ruffin, mais aussi au choix de Bolloré de recruter Raquel Garrido, compagne d’Alexis Corbière, comme chroniqueuse sur l’une de ses chaînes de télévision.
Faut-il y voir l’une des multiples manifestations de cette connivence discrète entre gens de pouvoir, qui ont favorisé certains éléments de l’opposition, peut-être parce qu’ils sont plus malléables, que d’autres ?
En tout cas, le scandale Ruffin permet de jeter un autre regard sur les relations entre Macron et Jean-Luc Mélenchon, qui n’a généreusement pas appelé à faire barrage à Macron au second tour, alors que seulement un tiers de ses adhérents votera Macron…
Bolloré, grand organisateur de l’opposition contrôlée ?
Au chapitre des oppositions contrôlées, on interrogera tout particulièrement le rôle de Vincent Bolloré, patron du groupe Canal +, qui a “fabriqué” plusieurs figures de l’opposition.
Nous avons évoqué Raquel Garrido sur C8. Nous pourrions aussi citer Fabrice Di Vizio qui avait ses entrées chez Cyril Hanouna, ou Eric Zemmour qui a disposé d’une importante tribune télévisée avant de lancer sa campagne électorale.
Nous ne soutenons pas ici que ces figures appartiennent à l’opposition contrôlée. Nous constatons seulement que cette tentation de susciter une opposition, ou de l’aider à s’exprimer pour la renforcer et fausser la concurrence existe dans la macronie.
On remarquera à nouveau que, durant cette campagne électorale, Bolloré a lancé son OPA sur le groupe Hachette d’Arnaud Lagardère, dont il fut longtemps dit que l’Elysée s’y opposait… Selon toute vraisemblance, Bolloré devrait aussi racheter Le Figaro, ce qui lui permettra de constituer le plus grand groupe de presse conservateur et mondialiste de France, voire d’Europe.
Et Mc Kinsey et consorts dans tout ça ?
Une question nous taraude dans la continuité du scandale Ruffin. Dans cette stratégie d’organiser l’opposition, Macron a-t-il poussé le vice jusqu’à utiliser les Mc Kinsey et consorts pour maîtriser ses opérations ?
On pense ici aux contrats passés avec ces cabinets américains (y compris Accenture) pour définir la stratégie vaccinale. Ces contrats ont-ils inclus de discrètes missions de structuration d’une opposition contrôlée ?
La réponse est pour l’instant inconnue, mais il sera utile, un jour, de fouiller les documents officiels pour comprendre.
Orchestrer pour contrôler
Pour clore cette liste de questions auxquelles seule l’histoire répondra, il faut préciser un point majeur. Il serait naïf de croire qu’Emmanuel Macron crée de toutes pièces une opposition ou bien qu’il tire les ficelles de ses adversaires comme un marionnettiste.
En revanche, il est tout aussi invraisemblable qu’il ne dispose pas de “gentleman’s agreements” avec certains de ses opposants, avec qui lui ou ses affidés discutent plus ou moins régulièrement.
Toute la question est de savoir quelle est la nature de ces différents “agreements” et jusqu’où ils vont.
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