Les émissaires américanistes (le secrétaire d’État et le secrétaire à la défense) ont annoncé à Kiev la Bonne Nouvelle, sans fard : l’enjeu est la peau de la Russie. Ils y mettront le prix, s’il le faut jusqu’au dernier Ukrainien. Leur narrative ne se dissimule plus avec cette phrase du secrétaire à la défense : « Nous ne savons pas comment le reste de cette guerre va se dérouler, mais nous savons qu’une Ukraine indépendante et souveraine sera là bien plus longtemps que Vladimir Poutine ne restera sur la scène. ».
- Avec un texte de Joe Lauria, de ‘ConsortiumNews’.
Lors d’une conférence de presse conjointe, pour clore leur visite à Kiev hier, les deux ministres les plus importants pour la sécurité nationale des États-Unis, le Secrétaire d’État Blinken et le secrétaire à la défense Austin ont mis à nu la narrative de la stratégie américaniste dans Ukrisis. L’Ukraine est un acteur accessoire, qui est là pour servir d’outil principal à cette stratégie, et qui en subira bien entendu les conséquences (“Jusqu’au dernier Ukrainien”). Le but est simplement la réduction de la Russie à sa plus impuissante expression, ce qu’on appelle la ‘cancellation’ (‘to cancel’) de la Russie, La doctrine nouvelle du wokenisme à l’échelle globale est entièrement respectée.
Une précision tout de même, qui nous est indirectement signalée par Joe Laura (voir son, texte ci-dessous) lorsqu’il précise ceci qui ressemble à l’exhortation de Jésus à tendre la joue gauche après une gifle sur la joue droite, se traduisant par la consigne de se laisser “annuler” (joue gauche) après avoir été anéanti en Ukraine (joue droite), – sans recourir au nucléaire ou à de ces vilaines armes hypersoniques même à charges conventionnelles tapant sur les USA, SVP et “pas d’jeu” :
« Le Pentagone a mis un frein à la rhétorique des médias américains et de certains législateurs concernant l'intervention directe de l'OTAN dans la guerre, qui pourrait conduire à un conflit entre les États-Unis et la Russie pouvant aller jusqu'à l'utilisation d'armes nucléaires. »
La logique américaniste est respectée. Il y a d’abord son fondement, qui n’a pas changé d’un iota (ou d’un kopeck) depuis 2002 : « Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. » Cette “réalité” nouvelle est la stratégie en question, de “cancellation” de la Russie, qui s’est enclenchée on pourrait dire selon sa logique propre, sans que vraiment tous ses tenants et aboutissant aient été calculés en fonction de la situation stratégique. Cette stratégie est un jugement que nous rappelons souvent, qui est contenu dans une citation de Elena Ponomareva, dans Strategic-Culture.org, le 2 mars 2014, où l’on trouve la stratégie US résumée par les mots de Léonid Chebarchine (au début des années 1990, – cela vient de loin), où l’on comprend que l’observation « que la Russie n'existe plus » fait parfaitement office de “cancellation” :
« Aujourd'hui encore, la Russie est le principal obstacle sur le chemin de la domination mondiale par l'élite mondiale. Léonid Chebarchine, ancien chef du service de renseignement extérieur soviétique, a noté un jour que [après la chute de l’URSS] “l’Occident ne veut qu'une chose de la Russie : que la Russie n'existe plus”. L'Occident veut que la Russie cesse de faire partie de la géopolitique, il ne peut accepter son existence psychologiquement et historiquement et il peut infliger des dommages en arrachant l'Ukraine à la Russie, en divisant en fait une seule et même nation »
Cette conception “stratégique” américaniste commence donc à pénétrer les esprits les plus fins et les plus attentifs. Elle correspond aux dernières manœuvre communicationnelles, – car c’est dans ce domaine que tout se passe et nullement dans l’analyse stratégique de la réalité du monde réel, – du côté américaniste. La logique de la communication nous conduit donc au but de guerre suprême, même si cela n’était pas le but initial dans cette séquence, puisque le but initial est de faire durer la guerre pour tenter de réduire le désastre démocrate aux élections de novembre. (C’est une habitude américaniste d’aboutir à des grands projets à partir des causes les plus minables et les plus anecdotiques.)
Alastair Crooke nous en dit quelques mots :
« Le problème stratégique est cependant double : Premièrement, la fenêtre pour un plan B de désescalade via un accord politique en Ukraine est passée. C’est tout ou rien maintenant (à moins que Washington ne plie). Deuxièmement, bien que dans un contexte légèrement différent, l’Europe et l'équipe Biden ont choisi de faire monter les enjeux en flèche :
» La conviction que la vision libérale européenne risque d'être humiliée et méprisée si Poutine venait à “gagner” s'est installée. Et dans le nexus Obama-Clinton-Deep State, il est inimaginable que Poutine et la Russie, toujours considérée comme l'auteur du Russiagate par de nombreux Américains, puissent l'emporter.
» La logique de cette énigme est inexorable : l'escalade. »
Alors nous avons la fameuse citation de Austin, qui n’est pas un foudre de guerre mais a cette fois reçu des ordres d’En-Haut. Et on trouve dans la dernière phrase une curieuse amorce de contradiction, bien dans la manière américaniste [on se permet des extrapolations en braquets pour montrer l’esprit de la chose au-delà de la forme] :
« La stratégie que nous avons mise en place, – soutien massif à l'Ukraine, pression massive contre la Russie, solidarité avec plus de 30 pays engagés dans ces efforts, – a des résultats réels. L’essentiel est là : Nous ne savons pas comment le reste de cette guerre va se dérouler [donc elle peut être perdue], mais nous savons qu’une Ukraine indépendante et souveraine sera là bien plus longtemps que Vladimir Poutine ne restera sur la scène [donc nous écraserons la Russie quoi qu’il en soit]. »
On retrouve là l’exceptionnalisme américaniste, qui “crée la réalité à sa guise” en décrivant une situation impliquant la “cancellation” de la Russie tout en notant au passage qu’après tout on ne sait pas ce qui va se passer en Ukraine, et peut-être bien que la guerre sera perdue (mais ce sera de la fauter des Ukrainiens). Il n’y a aucun rapport entre la première chose (certitude) et la seconde (incertitude). Ainsi fonctionnent les psychologies américanistes, au garde-à-vous devant l’inculpabilité et l’indéfectibilité, sans s’attarder à la question pratique de savoir comment attaquer et “annuler” la Russie à partir de l’Ukraine si l’Ukraine n’est pas victorieuse chez elle.
Mais non d’ailleurs, tout va bien de ce côté (victoire assurée de l’Ukraine). A preuve, les flots d’armes hypersophistiquées qui sont envoyées pour rendre invincible l’armée ukrainienne. On nous a instruits déjà dans ce domaine :
« Bien que les armes expédiées à l'Ukraine représentent “la plus vaste livraison récente à un pays partenaire dans un conflit”, la Maison Blanche est de plus en plus préoccupée par le fait que l’aide “puisse se retrouver dans les mains d’autres unités, groupes, milices, autres que ceux que les États-Unis ont l’intention d’armer”, a déclaré un haut responsable de la défense à CNN mardi.
» “Nous les suivons clairement pendant une courte période [après l’entrée des armements en Ukraine] mais quand ils entrent dans le brouillard de la guerre, c’est quasiment zéro”, a déclaré une autre source informée des renseignements américains. La source explique que les armes tombent “dans un grand trou noir, et vous n’en avez quasiment plus aucune information après une courte période de temps”.
» Malgré cet “angle mort”, – qui, selon le média, est “dû en grande partie au manque de présence militaire américaine sur le terrain” en Ukraine et à la facilité de portabilité de nombreuses armes fournies, –l’administration Biden a “pris en compte le risque” que certaines armes américaines tombent “dans des mains inattendues”, a déclaré un autre responsable du Pentagone. »
D’ailleurs, tous les résultats sur le terrain le prouvent, qui montrent une Russie en déroute... Quels résultats ? Ceux que nous communiquent les Ukrainiens, certes, des alliés sur lesquels on peut compter en matière de comptabilité c’est sûr.
« Les estimations occidentales concernant les pertes ukrainiennes et d'autres détails du champ de bataille restent également “brumeuses”, ont ajouté deux sources du renseignement, ce qui signifie que les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN sont souvent obligés de dépendre des informations du gouvernement de Kiev, qui, selon elles, ne sont pas toujours fiables.
» “C’est une guerre, – tout ce que [les responsables ukrainiens] font et disent publiquement est conçu pour les aider à gagner la guerre. Chaque déclaration publique est une opération d’information, chaque interview, chaque diffusion d’une apparition de Zelenski est une opération d'information", a déclaré une autre source familière des services de renseignement occidentaux... ».
La situation se présente donc on ne peut mieux. Pour cette fois, les USA ont un plan, et une stratégie, et même une “stratégie de sortie” d’une rare simplicité puisqu’il s’agit de l’anéantissement de la Russie telle qu’on la connaît et telle qu’elle est insupportable. Les Russes, qui sont des gens raisonnables, et même Poutine malgré qu’il soit fou, s’exécuteront et, rappelons-le, ils auront l’amabilité de ne pas songer à leurs armes nucléaires et à leurs armes hypersoniques qui peuvent jouer un rôle assez similaire contre le territoire US en laissant le choix de l’emploi du nucléaire aux USA.
Dans l’état actuel des forces, cette novation serait au seul avantage des Russes, grâce à leur missiles hypersoniques qui, dans certaines conditions, pourraient frapper avec précision une cible militaire aux USA (bases, centre de commandement, etc.) sans provoquer les dégâts collatéraux catastrophiques d’une frappe nucléaire. Il s’agirait alors d’une frappe d’avertissement non-nucléaire brisant dans des conditions opérationnelles normales le verrou symbolique et stratégique que constitue l’invulnérabilité du territoire US ; démontrant au contraire la réalité nouvelle fondamentale de la vulnérabilité désormais directe, de la “dé-sanctuarisation” du territoire US. [...]
» Ce serait les USA qui auraient « la charge du choix » (d'utiliser le nucléaire en premier) sans avoir vraiment les moyens du choix [alors que la Russie disposerait de toute sa puissance nucléaire]. »
Maintenant et ci-dessous, on trouve le texte de Joe Laura, rédacteur-en-chef du site ‘ConsortiumNews’, du 25 avril 2022.
dedefensa.org
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Le but des USA : “affaiblir” la Russie
Lundi, les États-Unis ont dévoilé un peu plus leurs objectifs ultimes en Ukraine en déclarant pour la première fois qu'ils visent à « affaiblir » les capacités militaires de la Russie à la suite de la guerre.
« Nous voulons voir la Russie affaiblie au point qu'elle ne puisse plus faire le genre de choses qu'elle a fait en envahissant l'Ukraine », a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, lors d'une conférence de presse en Pologne, au retour d'une visite inopinée en Ukraine. « Elle a déjà perdu beaucoup de capacités militaires et beaucoup de ses troupes et, très franchement, nous voulons les voir ne plus pouvoir reproduire très rapidement cette capacité. »
Austin était accompagné lors de son voyage en Ukraine par le secrétaire d'État américain Antony Blinken. « En ce qui concerne les objectifs de guerre de la Russie, la Russie échoue. L'Ukraine réussit », a déclaré Blinken lors de la conférence de presse. « La Russie a cherché comme objectif principal de subjuguer totalement l'Ukraine, de lui enlever sa souveraineté, de lui enlever son indépendance. Cela a échoué ».
Blinken a ensuite laissé entendre que l'objectif des États-Unis est de chasser le président russe Vladimir Poutine du pouvoir. Il a déclaré :
« La stratégie que nous avons mise en place, – soutien massif à l'Ukraine, pression massive contre la Russie, solidarité avec plus de 30 pays engagés dans ces efforts, – a des résultats réels. L’essentiel est là : Nous ne savons pas comment le reste de cette guerre va se dérouler, mais nous savons qu’une Ukraine indépendante et souveraine sera là bien plus longtemps que Vladimir Poutine ne restera sur la scène. »
La Russie affirme que son objectif n'a jamais été de prendre le contrôle de l'Ukraine, mais de défendre les russophones de la région orientale du Donbass qui ont mené une guerre civile d'indépendance de 8 ans contre l'Ukraine après avoir résisté au changement anticonstitutionnel de gouvernement soutenu par les États-Unis en 2014.
Moscou veut “démilitariser” l'Ukraine et la “dénazifier” des groupes néo-fascistes qui ont participé au renversement du gouvernement élu en 2014, et à la guerre du Donbass. L'Occident affirme que l'Ukraine est en train de gagner la guerre depuis qu'elle a commencé fin février. Il affirme que les forces ukrainiennes ont vaincu une tentative russe de prendre le contrôle de Kiev.
Mais la Russie affirme qu'elle n'a jamais eu l'intention de prendre la capitale et qu'elle n'a stationné ses forces à l'extérieur de la ville que pour faire diversion et coincer les forces ukrainiennes pendant que la Russie se battait pour prendre le contrôle de Marioupol dans le Sud. La Russie affirme avoir retiré ses troupes des environs de Kiev afin de rejoindre la bataille pour le Donbass.
M. Austin n'a pas précisé comment les États-Unis allaient atteindre l'objectif d’« affaiblir » la capacité de la Russie « à reproduire très rapidement cette capacité [militaire] » sans confrontation militaire directe avec la Russie. Le Pentagone a mis un frein à la rhétorique des médias américains et de certains législateurs concernant l'intervention directe de l'OTAN dans la guerre, qui pourrait conduire à un conflit entre les États-Unis et la Russie pouvant aller jusqu'à l'utilisation d'armes nucléaires.
Le plan américain semble être de continuer à inonder l'Ukraine de systèmes d'armes et de munitions, ainsi que de combattants étrangers, afin de prolonger la guerre suffisamment longtemps pour saigner la Russie, lui donnant ainsi son “Vietnam” pour faire tomber Poutine.
Les remarques d'Austin sont l'indication la plus claire des objectifs des États-Unis pour la Russie via une guerre par procuration en Ukraine depuis que le président Joe Biden a déclaré en Pologne, le 26 mars, « Pour l'amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir », en faisant référence à Poutine. Biden a également déclaré à deux reprises que la raison des sanctions économiques contre la Russie n'a jamais été d'empêcher une invasion mais d’amener le peuple russe à se soulever contre son gouvernement.
En fait, les États-Unis avaient besoin de l'invasion pour lancer leur guerre économique et de l'information contre la Russie. Ils ont obtenu l'invasion en rejetant les propositions de traité de la Russie visant à retirer les troupes et les missiles de l'OTAN de l'Europe de l'Est, même si la Russie a menacé de faire la guerre. Les États-Unis n'ont pas empêché l'Ukraine de lancer une offensive dans le Donbass, incitant la Russie à l'envahir.
Prolonger la guerre aussi longtemps que possible, – Blinken a déclaré il y a dix jours qu'elle durerait au moins jusqu'à la fin de cette année, – fait partie du piège que les États-Unis ont tendu à la Russie, semblable à celui que l'ancien conseiller à la sécurité nationale de Carter, Zbigniew Brzezinski, a admis avoir tendu à Moscou en Afghanistan pour faire tomber l'Union soviétique dans son “Vietnam”, tout comme les États-Unis visent à faire tomber Poutine.
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