Yvan Colonna n’a pas survécu à la sauvage agression dont il a été victime le 2 mars dernier dans une salle de sport de la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône). Il est mort ce lundi en fin de journée à l’hôpital de la Timone à Marseille où il avait été transféré quelques heures après avoir été découvert en arrêt cardiorespiratoire par les surveillants de la prison.
Plongé dans le coma par les médecins avec un pronostic vital engagé, Yvan Colonna, âgé de 61 ans, ne pouvait plus être sauvé. Son agresseur, un autre détenu, radicalisé, était depuis‚ mis en examen pour « tentative d’assassinat », crime qui sera donc requalifié en « assassinat » dans les heures à venir.
Dès ce lundi soir, la famille et les proches du défunt n’ont souhaité faire aucun commentaire. « C’est le temps du deuil et du recueillement, pas de la prise de parole », confirmait dans la soirée soir un proche de la famille Colonna.
« Je n’oublie pas M. Erignac mort loin de chez lui, mais pas après 20 ans d’une torture lente en plus de la prison, a réagi pour sa part auprès du Parisien Christiane Muretti, mère de Nicolas Montigny, militant nationaliste assassiné en septembre 2001 à Bastia. L’attachement que nous avons à notre terre est viscéral et c’est une des raisons (inavouée) du refus de rapprochement. Yvan est mort loin de sa terre, sans depuis quasi 20 ans n’avoir pu respirer ni revoir notre Corse. A sa condamnation, aux années de prison méritées ou pas, aux circonstances abominables de son agression, se rajoute l’exil ultime. »
Un assassinat qu’il a toujours nié
La mort du « berger de Cargèse » est aussi celle de l’assassin du préfet Erignac, abattu dans une rue d’Ajaccio (Corse-du-Sud) le 6 février 1998. Yvan Colonna était détenu pour ce crime depuis le mois de juillet 2003 à la suite de son interpellation dans une bergerie isolée de Corse-du-Sud, après 1503 jours d’une cavale aussi rocambolesque que politique et médiatique.
D’abord mis en cause par des complices membres du commando, Yvan Colonna a toujours nié être celui qui tenait l’arme ce soir-là et qui a tiré dans le dos du préfet. Depuis près de 19 ans, il purgeait sa peine avec un statut de détenu particulièrement signalé (DPS), trois lettres qui sont au cœur de la polémique depuis trois semaines.
Ce statut qui vise les détenus dangereux et/ou ayant montré des velléités d’évasion - ce qui n’a jamais été son cas - implique en théorie un isolement et une surveillance particulière de la part de l’administration pénitentiaire. Pourtant, le 2 mars dernier, Yvan Colonna s’est retrouvé seul dans une salle de sport en compagnie d’un autre détenu, DPS lui aussi, incarcéré pour des faits de terrorisme et radicalisé de longue date.
Il a fallu plus de quatre minutes pour que des surveillants interviennent. alors qu’Yvan Colonna était frappé et étranglé. L’agression extrêmement violente a été filmée par des caméras de vidéosurveillance. Une attaque d’une brutalité inouïe, soudaine, alors qu’Yvan Colonna faisait des pompes. Son assassin présumé aurait expliqué par la suite aux enquêteurs qu’il s’est attaqué à celui avec lequel il partageait des parties d’échecs après une discussion houleuse sur la religion, invoquant même un blasphème.
Embrasement de la Corse
Cette agression a coïncidé avec une première polémique née quelques semaines plus tôt concernant deux de ses complices dans le commando Erignac, Pierre Alessandri et Pascal Ferrandi, qui tentaient depuis des mois de bénéficier d’une mesure de rapprochement pour finir leurs peines à la maison d’arrêt de Borgo (Haute-Corse). Rapprochement conforme au droit mais rendu impossible par les autorités en raison de leurs statuts de DPS « incompatibles » avec leur placement de détention dans une maison d’arrêt pas équipée pour accueillir de tels prisonniers.
Ce caillou dans la chaussure du gouvernement s’est transformé en tempête lorsque la nouvelle de l’agression d’Yvan Colonna s’est répandue. En quelques heures, c’est toute la Corse qui s’est embrasée avec des manifestations particulièrement violentes à Corte, Ajaccio et Bastia. Une violence attisée par des vétérans du nationalisme et de l’action clandestine et opérée sur le terrain par des jeunes dont la plupart n’était pas née lorsque le préfet Erignac a été assassiné.
Plusieurs fois, la famille d’Yvan Colonna a lancé des appels au calme, mais la situation, en réalité constamment inflammable sur l’île, ne pouvait que dégénérer. La semaine dernière, à la veille de sa visite en Corse et au lendemain d’incidents graves à Bastia, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a remis sur la table la question de l’autonomie de l’île. Une manière politique de circonscrire l’incendie en pleine campagne présidentielle.
Des appels à manifester déjà lancés
La mort d’Yvan Colonna laisse craindre un regain de tension. Pendant des années, il était impossible de circuler en Corse sans lire des « liberta per Yvan » (liberté pour Yvan) tagués un peu partout. Mais au fil du temps, sans disparaître de la mémoire collective locale, l’image s’était quelque peu effacée. Le FLNC dans toutes ses composantes avait déposé les armes, les autonomistes et les indépendantistes avaient été élus ensemble à l’assemblée de Corse, la « question Corse », qui n’a quasiment jamais épargné un gouvernement, semblait réglée.
Mais depuis quelques mois, à l’approche de la campagne présidentielle et en raison de dissensions internes, la tension était remontée d’un cran. La gestion erratique du rapprochement des détenus et l’agression difficilement justifiable d’Yvan Colonna derrière les murs d’une prison ont constitué les deux étincelles.
Pierre Alessandri et Pascal Ferrandi seront rapprochés à Borgo très rapidement. La peine d’Yvan Colonna avait, elle, été suspendue alors qu’il était dans le coma. Des mesures qui ne suffiront sans doute pas à apaiser les colères. Ce lundi soir, des appels à manifester devant les lycées circulaient déjà.
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