Par Jean-Frédéric Poisson, président de VIA | la voie du peuple. - Alors que le conflit ukrainien allume à nouveau les flammes de la guerre sur le sol européen, il convient d’établir des priorités pour la France et pour l’Europe, loin de l’agitation des médias et du brouillard de guerre. La priorité, actuellement est de défendre l’idée de paix en Europe.
Alors que le conflit ukrainien allume à nouveau les flammes de la guerre sur le sol européen, il convient d’établir des priorités pour la France et pour l’Europe, loin de l’agitation des médias et du brouillard de guerre. La priorité, actuellement est de défendre l’idée de paix en Europe. Beaucoup de commentateurs semblent croire que l’obstacle à cette paix serait Vladimir Poutine, et que sans intervention de la part de l’OTAN, ce dernier ressusciterait l’URSS, envahirait toute l’Europe de l’Est, voire l’Europe de l’Ouest. Cette vision assez sommaire occulte certaines réalités des relations internationales que nous devrions pourtant garder en tête si nous souhaitons ramener la paix. Tout d’abord, la Russie s’est construite comme un Empire. Sans des relations privilégiées avec ses anciens territoires historiques, elle n’existe plus en termes de puissance. C’est pourquoi, dans une logique néo-impériale, elle prétend garder la main sur son précarré : une main économique, politique et culturelle. Vladimir Poutine l’avait annoncé dans un essai publié en juillet 2021 : « Je suis convaincu que c’est en partenariat avec la Russie que la véritable souveraineté de l’Ukraine est possible. Nos liens spirituels, humains, civilisationnels se sont tissés depuis des siècles, remontent aux mêmes sources, se sont endurcis par les épreuves, les réalisations et victoires communes[1]. » Ainsi, pour Vladimir Poutine, la Russie n’a pas vocation à conquérir l’Europe comme de nombreux commentateurs voudraient nous le faire croire, mais seulement à défendre son précarré qu’elle considère comme faisant partie du même peuple d’origine, contre l’avancée des Occidentaux.
Or, ce précarré a été progressivement déstabilisé par les États-Unis depuis 20 ans avec des opérations d’influences visant à provoquer des révolutions aux marches de la Russie (les fameuses révolutions de couleurs en Géorgie, en Ukraine, au Kirghizistan ou en Biélorussie) pour y installer, dès que c’était possible, des bases américaines, des gouvernements aux ordres et des boucliers antimissiles[2] (notamment pendant l’ère Bush et Obama). L’avancée irrémédiable de l’OTAN vers l’Est a notamment bafoué les accords de Minsk 2 durement acquis à la suite du conflit ukrainien de 2014. Ces accords prévoyaient un statut spécial et un droit de veto au Donbass dans le cas où l’Ukraine souhaiterait adhérer à une organisation autre que l’Union européenne[3]. Or, en septembre 2020, le président ukrainien a approuvé le développement d’un partenariat OTAN-Ukraine en vue d’une adhésion du pays à l’Organisation[4] sans l’accord du Donbass. La goutte d’eau qui fait déborder le vase. En effet, ces multiples avancées occidentales n’ont cessé d’asphyxier la Russie, la poussant soudain à réagir contre Washington dont la stratégie est bien souvent éloignée des intérêts des Européens. Ces derniers, à la remorque des États-Unis, sont les grandes victimes de cette histoire. Nous payerons notre gaz plus cher aux Américains qu’aux Russes. Mais en plus, nous allons prolonger notre inféodation aux Américains à travers l’OTAN ressuscitée à l’occasion de cette crise, alors qu’il y a quelques mois encore, on la pensait « en état de mort cérébrale[5] ».
Aux vues de ces avancées, il n’est donc pas étonnant que la Russie soit intervenue dès les premières échauffourées entre les Ukrainiens et les séparatistes prorusses du Donbass[6]. La responsabilité de l’OTAN dans cette affaire ne décharge évidemment pas Vladimir Poutine de sa culpabilité dans les affrontements violents, les morts et les destructions en Ukraine. Cela ne nous empêche pas non plus de déplorer gravement qu’il fasse appel à des troupes musulmanes tchétchènes partant en guerre sur des chants islamiques pour accomplir ses basses besognes à l’heure même où l’Islam fragmente nos pays par son communautarisme violent. Nous ne souhaitons pas que Vladimir Poutine conquière l’Ukraine. Mais nous ne souhaitons pas non plus mener la guerre de Jo Biden pour assurer sa cote de popularité dans les sondages (en berne depuis longtemps) ni le monopole de la vente de gaz américain à l’Europe à la place du gaz russe normalement garanti par le gazoduc Nord Stream 2.
Face à cette guerre, nous devons être pragmatiques et penser d’abord à une manière pour la France de redevenir une puissance d’équilibre dans le concert des nations sans être le valet ni de Vladimir Poutine ni de Jo Biden. Voilà pourquoi nous soutenons l’idée d’un cessez-le-feu qui aboutirait à un accord : d’une part la Russie retirerait ses troupes d’Ukraine, Donbass compris, d’autre part l’OTAN s’engagerait à ne pas intégrer l’Ukraine dans ses structures. Il nous semble que cette proposition est la plus raisonnable dans la situation actuelle. Pour résumer : ni Moscou ni Washington. La France et l’Europe d’abord.
[1] « De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens », Vladimir Poutine, le 12/07/2021.
[2] « Le centre de commandement du bouclier antimissile européen sera en Allemagne », Le Point, le 02/02/2012.
[3] « Pour des accords Minsk III », Le grand Continent, le 21/02/2022.
[4] « Relations avec l’Ukraine », Organisation du traité de l’Atlantique Nord, le 25/02/2022.
[5] « Emmanuel Macron warns Europe: NATO is becoming brain-dead », The Economist, le 07/11/2019.
[6] « L’Ukraine voulait-elle un conflit avec la Russie ? », Le Courrier des Stratèges, le 09/03/2022.
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