28 mars 2022

La course est lancée pour une Grande réinitialisation

Vladimir Poutine est devenu le personnage central du XXIe siècle. Cela ne fait aucun doute. La taille et l’ampleur de l’opération terrestre en Ukraine, malgré quelques erreurs, ont été impressionnantes.

Avant d’aller plus loin, je veux m’assurer que tout est clair. Bien que la situation semble évoluer résolument en faveur de la Russie, je suis prêt à rester raisonnablement sceptique à propos de tous les rapports que j’ai vus jusqu’à présent.

Le ralentissement du flux d’informations au cours des derniers jours a été aussi impressionnant que les gains déclarés de l’armée russe en Ukraine au cours de la même période.

Puisque je n’ai vu que la répétition et l’amplification des mêmes cartes et sources, rien ne doit être considéré comme acquis quant aux résultats en Ukraine pour Poutine et la Russie. Cela dit, ne nous laissons pas emporter par l’idée que l’armée ukrainienne est en train de se battre, car ce n’est pas le cas.

L’article de Bill Roggio, paru dans le Times of London, a réussi à échapper au black-out médiatique portant sur presque tout ce qui est modérément positif à l’égard de la Russie et met les choses au clair pour les moutons du public.

La sympathie pour les défenseurs de Kiev, dépassés en nombre et en armes, a conduit à l’exagération des revers russes, à une mauvaise compréhension de la stratégie russe et même à des affirmations sans fondement de psychanalystes amateurs selon lesquelles Poutine aurait perdu la tête.

Une analyse plus sobre montre que la Russie a peut-être cherché à porter un coup fatal, mais qu’elle a toujours eu des plans bien préparés pour des assauts ultérieurs si ses premières actions s’avéraient insuffisantes.

Le monde a déjà sous-estimé Poutine par le passé et ces erreurs ont conduit, en partie, à cette tragédie en Ukraine.

Ce qui me paraît évident, c’est que Poutine a mis en œuvre un plan bien plus ambitieux que ce que l’Occident avait prévu au départ. Leur réaction hystérique excessive à cette décapitation de l’Ukraine en est une preuve. En raison de cette hystérie, toutes sortes de questions se posent maintenant pour savoir pourquoi Poutine a fait cela et pourquoi, en fait, il a permis à l’Occident de répondre à cette guerre de cette manière. Cela génère des théories assez fantaisistes.

Ces énigmes apparaissent presque aussi rapidement que les forces armées russes ont pris la côte nord de la mer Noire.

Et j’ai l’impression que toutes ont une part de vérité.

Mais elles mènent toutes à la même conclusion fondamentale, à mon avis. C’est devenu une course entre deux versions radicalement différentes des plans de la bande du Davos pour une Grande réinitialisation.

Et ce qui se passera en Ukraine au cours des prochains jours/semaines déterminera le chemin vers l’avenir que nous emprunterons.

Plus de questions que de réponses

L’une des grandes questions qui se posent est la suivante : pourquoi Poutine a-t-il lancé une campagne aussi massive s’il savait que la réponse de l’Occident serait si forte ?

Est-ce parce qu’il est en réalité un larbin secret du WEF qui accélère ses plans pour eux en sacrifiant l’Ukraine sur l’autel de leur Meilleur des mondes ?

En bref, non. Il s’agit clairement d’une théorie qui s’apparente à celle de tous ces attardés de QAnon et ces apprentis stratèges qui se délectent de la désinformation de la CIA/MI6 et l’utilisent pour alimenter leurs fugues solipsistes toujours plus nombreuses. C’est juste stupide. Davos et al. sont clairement honnêtes dans leur haine. Il s’est opposé à leurs plans depuis plus de deux décennies maintenant. Il y a des factions qui le détestaient moins avant que les troupes n’entrent en Ukraine, maintenant elles ont toutes leurs ordres de marche.

Poutine doit être détruit et subir le sort de Milosevic.

La meilleure façon de formuler cette question serait d’avancer l’argument selon lequel Poutine a été leur dupe involontaire dans cette affaire ; il a été poussé dans une guerre qu’il ne voulait pas pour leur donner l’excuse de poursuivre la Grande réinitialisation en se détournant de l’échec du COVID-19 pour se tourner vers lui.

Ils pouvaient alors manipuler les perturbations du marché à leur convenance.

C’est là que des gens comme Martin Armstrong ont atterri cette semaine. Et je n’en veux à personne de cette conclusion. C’est au moins plus proche de la vérité, à mon avis. Je crois qu’ils ont bien cerné la motivation du Davos, mais je ne pense pas qu’ils aient bien cerné celle de Poutine.

Parce que ça implique que Poutine n’a pas planifié tout ça. Je pense que c’est également faux, même Bill Roggio l’admet à contrecœur.

En fait, je pense que sur sa liste des réactions possibles, la déclaration de l’état de guerre financière par le Davos était n°1 car c’est ainsi qu’il a réagi dans le passé à des défis majeurs contre ses plans, comme l’élection de Trump et le Brexit.

Ce serait stupide de votre part de penser que Poutine est si bête.

Pensez-vous vraiment qu’il n’a pas été attentif ces six dernières années ? Qu’il a dormi pendant l’opération visant clairement à éliminer Trump par la fraude électorale et les troubles sociaux aux États-Unis en 2020 ?

Les quatre années pendant lesquelles les libéraux ont mis le feu aux poudres à chaque mot qui sortait de sa bouche ?

Le simulacre de procédure de destitution en 2019 pour un appel téléphonique avec l’Ukraine ?

Bien sûr que non. Poutine et son équipe sont tout à fait au point parce que la survie de leur pays l’exige. Ils savent, mieux que les personnes qui élaborent ces théories, à qui ils ont affaire exactement.

Et pour cette raison, le scénario qui me semble le plus logique est celui que j’ai suggéré dans mes derniers billets (ici, ici et ici).

À qui appartient ce chaudron ?

Poutine augmente le rythme opérationnel des néolibs de la bande du Davos en Europe et à la Maison Blanche, ainsi que de leurs idiots utiles néocons dans les cercles de politique étrangère, le Congrès et les services de renseignement des États-Unis et du Royaume-Uni, afin de créer l’ultime chaudron géopolitique russe pour alimenter leur avarice.

L’Ukraine représente pour tous une menace existentielle.

Si les néoconservateurs perdent, leur influence au sein des cercles de politique étrangère de l’Occident est définitivement perdue, car ils n’auront pas réussi à pénétrer la Forteresse Russie.

Si le Davos perd, leurs grands projets de domination mondiale se réduisent, au mieux, à l’Union européenne et à certaines parties du Commonwealth.

Si la Russie perd, l’ensemble du Sud, comme l’appelle Pepe Escobar, ne pourra pas échapper à l’esclavage monétaire fondé sur la dette du cartel des banques centrales occidentales parce qu’elles contrôleront le flux des ressources naturelles russes de telle manière qu’on ne pourra pas les arrêter. Nous y reviendrons plus tard.

Si vous vous demandez pourquoi tout ce qui concerne cette guerre vous semble bizarre ou décalé, c’est parce que les enjeux sont si élevés pour tout le monde. Ce sont les enjeux du monde. Et à cause de cela, vous devriez vous attendre à ce que la qualité des informations qui l’entoure ait littéralement chuté au niveau du cours international de la dette souveraine russe, c’est-à-dire à zéro.

Ne laissez pas la volonté de Poutine d’en finir militairement avec l’Ukraine vous empêcher de penser qu’il s’agit là de son véritable objectif final. Il s’agit, comme je l’ai dit l’autre jour, d’une salve d’ouverture.

Nous avons déjà vu qu’il n’y a pas de volonté de combat direct contre la Russie au sein de l’OTAN, ni de la part des militaires américains ni des politiciens européens. Cela signifie qu’il n’y a pas de désir de guerre nucléaire. Cela ne signifie pas que la guerre nucléaire est un scénario impossible.

Cela signifie que le désir d’y recourir est inexistant actuellement.

Et la raison en est que la conviction qu’il existe un moyen de stopper Poutine en Ukraine existe toujours dans l’esprit des néoconservateurs du Département d’État et du Davos. Cette conviction repose sur la nécessité de contraindre Poutine à une guerre terrestre en Ukraine qu’il ne peut gagner s’il se retrouve face à une insurrection du type et de la nature de celle que Whitney Webb vient de révéler et que la CIA est en train de mettre sur pied dans le monde entier (y compris ici aux États-Unis) depuis des années maintenant.

C’est maintenant devenu la politique officielle des États-Unis qui mettent en place un gouvernement ukrainien en exil en Pologne tout en envoyant de l’argent là-bas pour soutenir une guérilla semblable à celle d’Al-Qaïda pour harceler les Russes. C’est logique puisque c’est ce que nous avons fait en Syrie, en utilisant la Turquie comme base pour des assauts sur Idlib et Alep.

C’est probablement la raison pour laquelle Poutine a été si catégorique sur la « dénazification » de l’Ukraine et a parlé sans ambages du fait qu’ils ne bénéficient pas de la protection de la convention de Genève. Nombre d’entre eux sont, en fait, des acteurs soutenus par l’étranger, du moins selon ses services de renseignement.

Ainsi, indépendamment du fait que l’extermination de ces hommes constituerait un « crime de guerre » légalement, Poutine, avec son doctorat en droit international, soit s’en moque, soit pense que s’il gagne la guerre, il pourra faire valoir ses arguments devant un tribunal d’après-guerre.

On peut voir partout les tentatives de dépeindre Poutine comme un imprudent. Les événements survenus à la centrale nucléaire de Zaporozhye ont été rapportés pour faire porter toute la responsabilité à la Russie, alors que les sources d’information russes réduites au silence, y compris le ministère de la défense, ont raconté une histoire différente. Je me contente de passer de l’un à l’autre pour découvrir la vérité.

Plus la guerre officielle se prolonge en Ukraine, plus l’insurrection soutenue par le Davos a le temps de se former tout en réapprovisionnant l’ouest de l’Ukraine. C’est aussi la raison pour laquelle Poutine doit bientôt accélérer le rythme des opérations en Ukraine, sinon lui et son armée pourraient avoir de gros problèmes.

La course vers la montagne de pétrole

La course à la fin de la guerre terrestre est donc lancée. Et avec ce changement, il est temps de s’éloigner du champ de bataille et de regarder les marchés financiers pour voir ce qu’ils voient. Parce qu’il n’y a pas de réponse militaire autre que la guérilla de la part de l’OTAN.

Les marchés des capitaux sont censés être le terrain du Davos alors que la Russie est financièrement faible. Mais c’est seulement si vous regardez les choses en matière nominale, en dollars nominaux, en euros, etc. La Russie dispose d’armes qu’elle commence à peine à déployer ici.

L’acte II doit donc être la guerre financière, car la stratégie de guérilla insurrectionnelle ne fonctionne que si les gouvernements des pays pivots de l’OTAN ne s’effondrent pas. C’est pourquoi Poutine devra lancer une opération financière au cours des prochaines semaines.

Deux mesures mineures ont déjà été prises. La première est la suppression de la TVA sur l’achat d’or pour les citoyens russes. La seconde, qu’il a annoncée hier, consiste à éviter le défaut de paiement de la dette russe détenue par des étrangers en offrant aux détenteurs d’obligations des paiements en roubles.

Mais ce sont des mesures mineures. Elles signalent simplement au monde que la Russie a l’intention de tenir ses promesses et de ne pas punir ceux qui sont « spectateurs » de cette guerre entre gouvernements.

Si je connais bien Poutine, il attendra son prochain grand coup pour causer un maximum de dégâts sur les marchés financiers, ce qui signifie qu’il attendra de voir comment les banques centrales et les marchés de capitaux réagiront aux grands changements qui se produisent en ce moment.

J’ai fait allusion à l’une de ces mesures l’autre jour, en disant :

Ceux qui bravent la tempête {Shell à -28,50 $ par rapport au Brent} obtiendront leur pétrole {russe} à un prix fortement réduit, ceux qui ne le font pas paieront le prix fort, accélérant encore le déclin de ces économies alors que l’inflation deviendra incontrôlable et que les gens rejetteront la faute, non pas sur Poutine, mais sur les responsables.

De plus, la Russie a maintenu les flux de gaz afin de s’assurer que l’argent continue d’affluer dans le pays pour financer une nouvelle expansion de ses réserves d’or.

Et c’est là la clé, l’or. La Russie a du pétrole qu’elle extrait du sol pour plus de 10 dollars le baril.

Si Biden décide d’exclure l’énergie russe des marchés américains (et les discussions avec Maduro au Venezuela sont un signal clair à cet égard), alors le Davos fait pression en ce sens pour isoler encore davantage l’énergie russe. Le JCPOA était censé être signé cette semaine pour remettre le pétrole iranien sur le marché, mais le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a entravé ce processus.

Mais c’est le modèle de résistance de l’Iran aux sanctions américaines qui est le modèle de la Russie pour l’avenir. Pour faire simple, il faut échanger de l’or contre du pétrole. Pendant la période précédant le JCPOA, l’Iran a fait cela et les acheteurs déposaient l’or dans des banques turques. L’Iran assurait la distribution du pétrole.

Les échanges de pétrole avec des tiers (par l’intermédiaire de Hong Kong peut-être ?) permettront également de contourner les sanctions imposées à la Russie et de vendre du pétrole tout en faisant gagner à la Chine une fortune en frais de transaction.

Mais la manœuvre la plus importante pour Poutine est assez simple (merci à Luke Gromen pour cela) : elle consistera à offrir son pétrole avec une forte décote par rapport au prix à terme, mais uniquement en or, en or physique. Le rapport actuel entre l’or et le pétrole est de ~17 bbls/oz.

Tout ce que Poutine a à faire est de commencer une ruée mondiale sur l’or physique. Le pétrole est la base monétaire M0 du commerce mondial. C’est sur ce commerce que repose toute la puissance financière de l’Occident. Et cette fondation est construite sur le pétrodollar. En liant directement le baril marginal produit par la Russie 1 au prix de l’or bien en dessous des prix du marché, on fait deux choses.

Premièrement, cela crée une opportunité d’arbitrage massif entre le pétrole et l’or que le marché va saisir. Deuxièmement, il s’ensuit que les valorisations de tous les actifs évalués en or papier s’effondrent au niveau du prix de l’or physique. Ainsi, soit le prix de tous les actifs s’effondre pour maintenir la fiction de l’or à 2.000 $, soit le prix de l’or augmente pour répondre au nouveau prix.

Cela oblige l’Occident à révéler la quantité d’or qu’il possède réellement, crée une ruée massive à court terme sur l’or physique et oblige à réévaluer les bilans de chacun.

Et ça, mes amis, c’est la grande arme que Poutine garde en réserve. Il peut se permettre de vendre son pétrole à un prix très réduit. Je pense que 50 barils/oz devraient le faire. Il oblige le monde à réévaluer le prix du pétrole en fonction de l’or et, par extension, en roubles plutôt qu’en dollars.

Cela crée un afflux positif d’or en Russie pour créer un rouble à deux niveaux – le rêve de longue date de Sergueï Glazyev – un rouble national soutenu par l’or et un rouble mondial en circulation qui flotte.

La clé pour comprendre si tout est prêt pour ce scénario est de regarder non pas l’Europe mais l’Arabie Saoudite.

Traduction : L’Arabie saoudite « étudie les options » de réduction des investissements aux États-Unis, déclare le prince héritier Mohammed ben Salman. Les investissements du royaume en Chine sont inférieurs à 100 milliards de dollars, mais ils augmentent très rapidement, a-t-il ajouté.

Vous réalisez tous que ce n’est qu’un code pour dire « Nous nous préparons à détacher le Riyal du dollar américain ».

Et cela représenterait la fin officielle de l’économie du pétrodollar en place depuis le début des années 1970, ouvrant la voie à une réévaluation complète de l’énergie par ceux qui en produisent la plus grande partie.

Les importateurs d’énergie sont les plus vulnérables. Les États-Unis sont loin d’être aussi dépendants de l’énergie étrangère que l’Europe, qui ne produit pratiquement rien d’autre que du charbon. Tous ceux qui envoient aujourd’hui des signaux de vertu pour se retirer des projets énergétiques russes se tranchent la gorge.

Je me fiche de savoir si vous parlez d’Exxon-Mobil ou de Statoil.

Les marchés en sont la preuve. L’or est en train de s’envoler avec le pétrole, ce qui signifie que les devises s’effondrent par rapport à l’énergie et à l’énergie symbolique (l’argent). L’euro s’est effondré à 1,0886 $ vendredi. Les prix de toutes les autres matières premières, des métaux aux céréales, en passant par les engrais et le café, augmentent à des niveaux jamais vus dans le monde.

Les embargos sur les exportations alimentaires arrivent à grands pas. Si ça fait partie du plan du Davos, c’est stupide. Parce que Poutine et la Russie ont toutes les cartes en main pour s’assurer qu’ils décident du prix de ces produits de base, pas eux.

Et c’est l’arme ultime ici.

C’est pourquoi la course est maintenant lancée vers une nouvelle Grande réinitialisation. Mais est-ce celle du Davos ou celle de Poutine ?

Le Davos doit détruire Poutine et la Russie avant que Poutine ne détruise le Davos. Ils se battent maintenant sur son terrain dans les deux arènes – militaire et financière. Et Poutine, malgré le blitz médiatique affirmant le contraire, a beaucoup d’amis en Asie, qui représentent plus de la moitié de la population mondiale.

Si j’étais Klaus Schwab en ce moment, je ferais très attention à ne pas obtenir ce que je souhaite, car il se pourrait que je l’obtienne bel et bien.

Tom Luongo

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

Notes

  1. En cas d’augmentation de la demande de pétrole, la Russie, en tant que principal producteur de pétrole à fort coût d’exploitation en provenance de l’Arctique, peut décider du prix du baril de pétrole au niveau mondial 

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