Il est risqué aujourd’hui, par les temps-devenus-fous et par les temps qui courent follement, de suivre quelque prévision que ce soit. Il semble que le mouvement d’évacuation du “personnel non essentiel” des ambassades étrangères à Kiev, initié par les USA d’ailleurs et d’abord, soit vu par certains comme un signe sérieux... Mais qu’est-ce donc que le “sérieux” aujourd’hui ? Impossible de répondre, encore moins de trancher.
Il est vrai que les Russes eux-mêmes, qui avaient d’abord minimisé sinon raillé le départ de leurs “collègues” américanistes, s’y mettent également. Ils ont décidé à leur tour une évacuation partielle, comme l’explique la porte-parole Maria Zakharova, dans une intervention sur ‘Telegram’ :
« “Nous avons conclu que les services diplomatiques américains et britanniques [qui évacuent une partie de leur personnel des ambassades de Kiev] sont peut-être au courant de certaines actions violentes préparées en Ukraine qui peuvent sérieusement compromettre la sécurité”, écrit la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, sur les médias sociaux.
» “Craignant d'éventuelles provocations de Kiev ou de pays tiers, nous avons effectivement pris une décision concernant une certaine optimisation du personnel de nos missions en Ukraine”. »
Atmosphère similaire, donc sentiment convergent, chez le Saker-US, qui reste nécessairement très proche de sources russes dans le domaine de la sécurité nationale. Il nous avertit qu’il sera absent ce week-end mais se tient prêt à se remettre aussi vite que possible à son écran en cas de confirmation et d’accélération des événements.
« Tous les médias occidentaux sont en pleine hystérie à propos d'une attaque russe imminente. Les ambassades et le personnel non critique sont en train d'être évacués par la plupart des ambassades des colonies américaines dans l'UE (et au-delà, les Japonais sont, apparemment, également en train d'évacuer). Même si ces mêmes médias nous ont promis une invasion russe pendant des mois, voire des années, cette fois-ci, ils semblent être encore plus hystériques que d'habitude.
» En outre,
» Le ministre des affaires étrangères Lavrov a déclaré que les Anglo-Saxons préparent quelque chose.
» Le chef des services secrets russes, Sergei Naryshkin, a dit la même chose.
» L’armée russe est clairement en état d’alerte maximal. Et pas seulement dans l'est de l'Ukraine.
» Je dirais que les chances d'une provocation anglo-saxonne au cours des prochains jours, voire des prochaines semaines, sont très élevées. »
Il faut noter que ce paroxysme de l’alarme intervient à un moment où sonne une autre alarme qui est peut-être la même, sur le front intérieur, devant l’ampleur que prend le mouvement du ‘Freedom Convoy’, du Canada vers d’autres pays, dont d’autres pays anglo-saxons, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, et bien sûr les USA, – et la France bien sûr, avec un petit peu de retard. L’extraordinaire sensibilité, voire la vulnérabilité et l’impuissance de la direction canadienne, et parallèlement la préoccupation pressante du pouvoir du système de l’américanisme, sont fortement mises en évidence par diverses pressions venues de divers officiels US, jusqu’à Biden, pour conseiller fortement au gouvernement canadien d’exercer une répression sévère contre le ‘Freedom Convoy’.
C’est peut-être à cela (“leurs propres problèmes”) que pense la même Zakharova dans un autre message, qui précédait de peu celui qu’on a déjà cité :
« L’hystérie de la Maison Blanche est plus révélatrice que jamais. Les Anglo-Saxons ont besoin d'une guerre. A n'importe quel prix. Les provocations, la désinformation et les menaces sont les méthodes favorites pour résoudre leurs propres problèmes. Le rouleau compresseur de la machine militaro-politique américaine est prêt à écraser la vie des gens. Le monde entier observe comment le militarisme, les ambitions impériales se dénoncent elles-mêmes. Et une brigade volante de propagande médiatique menée par Bloomberg sert tout cela. »
Il y a donc un certain changement d’attitude des Russes face à la crise ukrainienne, les conduisant à prendre plus au sérieux les possibilités soudaines d’aggravation. La situation est évidemment rocambolesque en surface, dans l’interprétation pavlovienne de nos grands esprits, puisque tout ce beau monde évacue l’essentiel de leurs ambassades de crainte d’une “invasion russe”, – y compris les Russes désormais. La question est moins de savoir s’il va y avoir une invasion, que d’envisager une situation qui est train d’échapper à tout contrôle, de quelque façon et dans quelque sens qu’elle aille. La guerre de la communication peut difficilement tenir à un tel paroxysme, justement sans risquer de n’être plus contrôlable, conduisant ainsi à des décisions jusqu’alors écartées ; et cela, insistons sur cet aspect, sans désigner nécessairement de quel côté les choses se précipiteraient.
Mon sentiment intuitif est plutôt de porter l’attention sur l’hypothèse qu’une jonction directe est en train de s’opérer entre la crise ukrainienne et la crise ‘Freedom Convoy’ qui se généralise. La seconde a fait aujourd’hui, sur les Champs-Élysées, sa jonction avec les Gilets-Jaunes, réalisant un joli trou dans l’espace-temps. L’une et l’autre crise ou ‘subcrises’, – l’Ukraine et le ‘Freedom Convoy’, – tendent désormais à exercer une pression convergente sur les psychologies, des perceptions d’instabilité extrême, de possibilité de basculement comme cela est suggéré par le titre d’une analyse de Matt Taibbi : « Justin Trudeau's Ceauşescu Moment » – en référence à la chute du dictateur communiste roumain ; comme si ces deux subcrises, l’Ukraine et le ‘Freedom Convoy’ se réunissaient dans la structure crisique générale s’exerçant contre le Système. “Convergence des luttes”, “convergence des crises [des subcrises]”, etc., on connaît la musique...
Dans ce cas, il est inutile de chercher un vainqueur et un vaincu dans les conceptions et les ambitions nationales, un vainqueur et un vaincu dans les inégalités, dans la morale de circonstance, dans les effets électoraux... Dans ce cas, il importe de suivre la musique, faire monter son jugement au plus haut niveau de la Grande Crise d’Effondrement du Système car c’est bien dans cette perspective que se nouent les affrontements. On s’occupera bien assez l’esprit à tenter d’identifier les positions par rapport aux piètres références dont l’on dispose, au milieu des flots de simulacres, de narrative, jusqu’aux incroyables agitations de Biden dont des parlementaires républicains (ils sont trente) demandent d’urgence un examen médical pour vérifier qu’il ne développe pas les symptômes de la maladie d’Alzheimer.
Les temps-devenus-fous ? Pas seulement “les temps”.
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